C'était en quelque sorte l'image de l'été, qui avait suscité autant d'espoirs que de controverses. © Sukbae Lee, Ji-Hoon Kim & al/Quantum Energy Research Centre
C'était en quelque sorte l'image de l'été, qui avait suscité autant d'espoirs que de controverses. © Sukbae Lee, Ji-Hoon Kim & al/Quantum Energy Research Centre

Cette fois au moins, les équipes de recherche sont prudentes sur leur découverte. Certains annoncent déjà la « saison 2 » de la saga du LK-99, à la recherche d'un supraconducteur idéal, fonctionnant à des températures et pressions raisonnables. Une course qui n'a en fait jamais levé le pied depuis l'été dernier…

Mais si, souvenez-vous, c'était l'un des emballements aussi inattendus que rocambolesques cet été du côté de la physique. En juillet dernier, deux chercheurs coréens, Sukbae Lee et Ji-Hoon Kim, pré-publiaient leur recherche en ligne, sur un nouveau matériau qu'ils décrivaient comme ayant des caractéristiques que l'on attribue aux matériaux supraconducteurs, mais à des températures et pressions ambiantes. L'emballement médiatique, malgré la relative prudence de ces chercheurs qui souhaitaient surtout que la communauté scientifique puisse valider ou infirmer leurs résultats, fut absolument inouï. Car fournissant la formule de leur composé, le LK-99 et la méthode de production, on avait vu un emballement, voire un déchainement de différents indépendants, de chercheurs en vacances, de twittos (même une cat-girl-chercheuse-russe) et de fausses images fleurir en quelques jours…

La LK-99 mania est retombée. Vraiment ?

Le temps que plusieurs laboratoires testent eux aussi la méthode et le LK-99. En août, le vent de folie était retombé : les résultats les plus sérieux invalidaient le comportement supraconducteur. En particulier, l'effet de « lévitation » que l'on pouvait observer était imparfait et dû à des impuretés présentes dans le matériau : il ne s'agissait pas du tant attendu « effet Meissner », mais d'un simple comportement ferromagnétique, à cause d'une contamination par du sulfure de cuivre. Bref, dossier clos, tiroir refermé, à la rentrée plus personne n'évoquait même le LK-99, et l'un des deux chercheurs coréens (qui travaillaient sur le sujet depuis… 1999) a même depuis quitté son poste pour travailler dans une start-up. Néanmoins, en coulisses, il faut bien comprendre que tout ne s'est pas complètement arrêté avec la rentrée des classes.

Si les trains fonctionnaient à l'engouement public, ils léviteraient depuis déjà longtemps. © News.cn
Si les trains fonctionnaient à l'engouement public, ils léviteraient depuis déjà longtemps. © News.cn

C'est reparti, round 2 !

D'abord, même sans comportement supraconducteur, le LK-99 a des propriétés physiques intéressantes, pour peu qu'il soit synthétisé correctement (c'est l'un des challenges). Donc des labos continuent d'en produire, et d'en faire des variantes qui, pour la petite histoire, ne sont plus nommées LK-99, mais dans le cas qui nous intéresse, des PCPOSOS ou sulfoapatites. Et si c'est compliqué, dites vous que c'est quand même plus facile que Pb₉Cu(PO₄)₆O qui est le LK-99, ou que Pb₉.₁Cu₀.₉(PO₄)₆S, le petit nouveau.

Eh oui, qui dit nouvelle année, ni nouvelles publications… La « saison 2 » est peut-être bien lancée pour les supraconducteurs à températures et pressions ambiantes ! Cette fois, il s'agit donc de deux laboratoires chinois, qui travaillaient donc à partir du LK-99 pour en comprendre et vérifier les effets. Ces derniers ont également pré-publié leurs travaux, avec, semble-t-il, des matériaux en très petite quantité, mais aux effets reproductibles (c'est déjà bien).

Les propriétés ne sont pas non plus aussi extraordinaires qu'à l'été dernier, avec des tests mieux documentés, des mesures plus précises avec des campagnes plus longues. Mais encore une fois, la prudence est de mise, et elle vient encore des auteurs ! Ces derniers ont bien retenu la leçon de la surmédiatisation qui a pris place il y a quelques mois, et ils prennent des pincettes avec leurs résultats… qui font pourtant tourner des têtes depuis quelques jours. Plusieurs chercheurs doutent déjà, aussi.

Le graphique qui fait le plus parler de lui est cette hystérésis montrant les effets d'un champ magnétique sur le matériau à différentes conditions de température (on notera que ce n'est pas tout à fait la température ambiante, 250k c'est dans un congélateur classique). Les courbes sont apparemment typiques d'un comportement de supraconducteur dans ces conditions. © Hongyang Wang & Al, "Possible Meissner effect near room temperature in copper-substituted lead apatite"

Il faudra attendre d'autres publications

Il faut également noter que cette fois, le composé est plus difficile à produire, ce sera donc bien une affaire de laboratoires pour infirmer ou confirmer les résultats. Enfin, même s'il y avait à l'été dernier un incroyable engouement public pour les potentielles applications de cette technologie (elles s'étendent des transmissions de données aux trains à lévitation, en passant par les calculateurs, etc.), il y a un fossé profond entre des résultats de recherche montrant des comportements supraconducteurs, et leurs applications concrètes.

Patience donc, il faut attendre et même si ce dérivé de LK-99 est peut-être lui aussi victime de ses impuretés, il faut dupliquer, prouver, expliquer. Cela prend du temps, il faudra peut-être plusieurs publications différentes… Avant d'autres résultats à base de nouvelles synthétisations.

La fébrilité entre la pré-publication de mesures, leur réfutation, et l'intérêt du public, montre en tout cas les grands enjeux industriels qui reposent sur ce blocage technologique. Une petite piste peut-être, si ce nouveau composé ne fonctionne pas mieux que le LK-99 de 2023, peut-être essayer avec une certaine crème quantique ? Elle aussi fait beaucoup parler d'elle en ce début d'année…