Microsoft augmente la part des revenus accordés aux développeurs

Pierre Crochart
Spécialiste smartphone & gaming
29 avril 2021 à 15h00
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Microsoft Xbox jeux vidéo © © Microsoft

C’est l’annonce surprise de cette fin de semaine. Résolue à se tailler une part du gâteau monopolisé pour l'heure par l’ogre Steam, Microsoft bouleverse sa politique de partage de revenus pour se hisser au niveau de celle d’Epic Games.

Ainsi, à compter du 1er août, Microsoft ne s’arrogera plus que 12 % des revenus générés par les ventes de jeux via l’application Xbox ou le Microsoft Store sur PC.

Microsoft aussi, aime les développeurs

Epic Games n’a plus le monopole du cœur. Très largement mis en avant lors de l’inauguration de l’Epic Games Store à l’hiver 2018, le partage de revenus à l’avantage du développeur n’est plus une incongruité dans le paysage vidéoludique.

Microsoft annonce en effet que les éditeurs ou développeurs conserveront désormais 88 % du montant des ventes réalisées via l’application Xbox pour PC ou le Microsoft Store. Par conséquent, la part du « M » de GAFAM passe, elle, de 30 à 12 %. Ce changement ne concerne pas les achats réalisés depuis une console Xbox.

Un joli coup de communication, c’est sûr, mais aussi et surtout une formidable invitation à destination des développeurs qui hésitaient encore à lister leurs jeux sur les magasins de Microsoft. Notre petit doigt nous dit aussi que les demandes d’intégration au Game Pass vont bondir. En effet, certains studios avaient déjà pu s’exprimer sur les bienfaits d’une apparition dans le service de jeu à la demande Microsoft sur les ventes. Paradoxal, dites-vous ? Pas nécessairement.

Les nouvelles annonces autour du mercato du Game Pass sont scrutées de près. Aussi les jeux qui sont retenus par Microsoft pour y figurer bénéficient d’une mise en lumière parfois inespérée. C’est en tout cas l’avis de Mike Rose, P.-D.G. du studio No More Robots, qui a remarqué une véritable envolée des ventes de son jeu Descenders après son ajout au Game Pass.

«Dans un monde idéal, les catalogues Xbox Game Pass et Game Pass PC seraient identiques»

À l’occasion de ce changement majeur dans la politique de rémunération de Microsoft, nous avons eu la chance de discuter avec Jason Beaumont, program manager Xbox Game Pass, et Shannon Loftis, directrice du studio World’s Edge, actuellement à l’œuvre sur Age of Empires IV avec Ensemble Studios.

On a tout de suite mis les pieds dans le plat. Avec le Game Pass sur PC qui se démocratise, et la volonté de Microsoft de systématiser la sortie PC et console de ses jeux first party, existe-t-il un intérêt pour un joueur équipé d’une bonne machine de se procurer une Xbox Series X ou Series S ? La réponse est oui, et tient encore une fois en deux mots : le Game Pass.

« Le catalogue de jeux Xbox Game Pass est légèrement différent de celui du Game Pass PC, nous explique Jason Beaumont. Récemment, par exemple, nous avons ajouté GTA V au Xbox Game Pass. Mais il n’est pas jouable sur PC ». Des disparités dans l’offre qui, de l’aveu de notre interlocuteur, n’est pas du fait de Microsoft. « Tout cela dépend de la volonté de l’éditeur. Nous nous efforçons de permettre aux joueurs de jouer aux jeux qu’ils veulent sur la machine qu’ils veulent. En ce sens, le Xbox Game Pass Ultimate est la formule la plus complète ».

En effet, cette formule tarifée 11,99 € par mois offre l’accès aux deux catalogues, mais aussi à un troisième : celui du Cloud gaming. Jason Beaumont ne manque d’ailleurs pas de nous rappeler que la bêta du service est désormais disponible sur Windows 10, appareils iOS et macOS et que donc, techniquement, il est bel et bien possible de jouer à GTA V sur PC via son abonnement Game Pass Ultimate. Malin.

Les derniers jeux à avoir rejoint le Game Pass © Microsoft
Les derniers jeux à avoir rejoint le Game Pass © Microsoft

Mais lui-même est conscient que cela n’est pas idéal. « Si nous avions une baguette magique, les deux catalogues seraient identiques sur PC comme sur console car nous pensons que c’est ce que recherchent les joueurs ». Il s’agira surtout de laisser le temps à l’industrie de s’adapter à ce nouveau modèle. Car beaucoup d’éditeurs continuent de penser leur stratégie éditoriale de façon distincte entre le monde du PC et celui des consoles de salon.

Microsoft se réengage en faveur du jeu PC

Alors quoi, c’en est fini des querelles de clocher ? Tous les jeux Xbox Game Studio sont-ils destinés à sortir simultanément sur PC et sur Xbox ? Forcément, l’occasion était trop belle pour ne pas poser LA question qui nous brûle les lèvres à la principale intéressée : faut-il s’attendre à voir Age of Empires IV sur Xbox à l’avenir ? Après tout, on sait déjà que Flight Simulator se posera prochainement sur le tarmac des consoles Microsoft.

Fin de non-recevoir de la part de Shannon Loftis : « pour le moment, nous souhaitons nous assurer que le jeu réponde aux attentes des joueurs PC, et nous ne nous exprimerons pas sur ce qui se profile pour l’après-lancement ». On aura essayé.

Age of Empires IV © Microsoft
Age of Empires IV © Microsoft

Malgré tout, nos interlocuteurs n’ont pas manqué de forcer le trait sur les investissements — massifs — réalisés par Microsoft pour brosser les joueurs PC dans le sens du poil. Il y a d’abord eu cette interview de Phil Spencer, le grand manitou de la division Xbox, chez PC Gamer début 2019. Dans cet échange-fleuve, l’éminence grise du jeu console chez Microsoft réaffirmait l’engagement de son employeur en faveur du jeu vidéo sur PC. Des graines dont la firme commence déjà à recueillir les fruits aujourd’hui.

On s’en souvient, Microsoft s’est récemment offert les services de ZeniMax Media, maison-mère de studios comme Bethesda, Arkane, id Software ou encore MachineGames. Autant de recrues venues gonfler les rangs de l’écurie Xbox Game Studios, et qui portent toutes en elle un ADN foncièrement PC.

Shannon Loftis cite également l’apport de studios comme inXile (Wastelands) ou Obsidian dans cette nouvelle philosophie. Ainsi ce sont tous les jeux Xbox Game Studios qui doivent être pensés différemment à partir de maintenant. « Les jeux [qui sortent sur PC] ne sont pas de simples portages des versions consoles. Ce sont des jeux qui ont été customisés à la racine pour tirer parti de tout ce qui est remarquable sur PC ».

Une stratégie payante, puisque d’après notre interlocutrice, plus de 10 millions de joueurs se sont déjà essayés à Halo: The Master Chief Collection, dont une « grande partie » aurait ainsi découvert la licence. L’occasion pour elle d’enchaîner avec une annonce croustillante (bien qu’évidente) concernant Halo: Infinite : le jeu de 343 Industries sera cross-platform (PC, Xbox Series et Xbox One) et cross-progression. Peu importe où vous commencerez votre partie, vous pourrez la reprendre indépendamment de la machine où vous lancez le jeu.

© Microsoft
© Microsoft

Le PC et sa versatilité : une force et une contrainte pour les développeurs

Malgré tous les vœux d’unité formulés par Microsoft pour soutenir son engagement au PC, il ne faut pas se mettre d’œillères pour autant. Ces machines sont certes versatiles, mais elles demandent aussi aux développeurs de se creuser les méninges pour assurer la compatibilité de leurs jeux avec la plus grande variété de matériel possible. Si, en tant que joueur, on se réjouit de pouvoir composer avec les options graphiques pour adapter l'expérience à notre configuration, les développeurs, eux, sont confrontés à d’importantes contraintes qui les poussent à avoir en tête toutes les combinaisons possibles des composants du marché actuel.

En passant, on sait Microsoft et AMD partenaires pour tout ce qui touche à la console. Les Xbox Series embarquent en effet du matériel de pointe de l’équipe rouge. Faut-il dès lors s’attendre à des jeux first party PC mieux optimisés pour le hardware AMD ?  « Je ne pense pas que ce soit le meilleur scénario pour les joueurs, coupe Shannon Loftis. On veut faire en sorte que les jeux tournent correctement, peu importe la configuration des joueurs ». Plutôt rassurant, avouons-le.

Auto-HDR arrive sur les jeux Windows © Microsoft
Auto-HDR arrive sur les jeux Windows © Microsoft

Ceci étant, ce sont bien deux fonctionnalités inaugurées sur les Xbox Series S et Series X qui feront prochainement leur arrivée sur PC : Auto-HDR et Direct Storage. La première permet à des jeux ne bénéficiant pas de paramètres autorisant la HDR d’afficher malgré tout une plage dynamique étendue sur les écrans compatibles. La seconde, elle, crée un pipeline de données plus direct entre le SSD (NVMe PCIe 3.0 et PCIe 4.0 seulement) et le GPU pour un chargement accéléré des jeux au sens large.

Aucune limite dans le nombre de jeux inclus dans le Game Pass

Actuellement, ce sont plus de 200 titres qui sont intégrés au Game Pass, aussi bien sur PC que sur Xbox. On a voulu savoir où se situait la limite. Si, pour Microsoft, l’ambition était d’entasser un maximum de jeux dans son catalogue comme peut le faire Netflix, auquel le Game Pass est souvent comparé.

« On continue d’ajouter des jeux, mais il y a une rotation qui est aussi en place. Certains éditeurs avec lesquels on travaille définissent une limite de temps pendant laquelle leur titre sera disponible sur le Game Pass, clarifie Jason Beaumont. Mais il n’y a pas de formule magique ; l’idée ce n’est pas de dire “180 jeux c’est bien, mais 200 jeux c’est trop.” On veut que les joueurs puissent être en capacité de découvrir des jeux. On veut donc que le Game Pass soit un catalogue doté d’une vraie curation. Il est de notre responsabilité de créer une rencontre entre les développeurs et les joueurs. Ce n’est pas un buffet à volonté, conclut-il, c’est une sélection bien réfléchie ».

Le Game Pass, c'est aussi les jeux Electronic Arts avec EA Play © Microsoft
Le Game Pass, c'est aussi les jeux Electronic Arts avec EA Play © Microsoft

Rompu à l’exercice promotionnel, Jason Beaumont ne manque pas de mettre en avant l’aspect « magique » du Game Pass. Sur certains aspects, nous ne trouvons guère d’arguments à lui opposer. Oui, le Game Pass est inédit dans le paysage vidéoludique. « On n’a plus à convaincre ses amis d’acheter le même jeu pour pouvoir y jouer ensemble. Il suffit d’être abonnés, et on profite de la même ludothèque n’importe où dans le monde ! », s’enthousiasme-t-il encore.

Impossible en tout cas de nier que la popularité du service de jeux par abonnement de Microsoft va grandissante, et que les annonces ici décrites ne risquent pas de le freiner dans sa course. Aux dernières nouvelles, plus de 18 millions de personnes disposaient d’un abonnement au Game Pass.

Le dernier décompte ayant eu lieu peu après la sortie des Xbox Series S et Series X, on est curieux de voir où il en sera en fin d’année prochaine, quand Age of Empires IV et Halo : Infinite seront bel et bien entre les mains des joueuses et des joueurs.

Pierre Crochart

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Monsieur GSM et jeux vidéo du Clubic. J’aime autant croquer dans la pomme que trifouiller dans les circuits de l’Android. Grassement payé par les marques pour dire du bien de leurs produits.

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Commentaires (6)

HAL1
Une preuve, si besoin était, que la concurrence entre les boutiques d’applications bénéficient aux développeurs et, in fine, aux utilisateurs.<br /> J’imagine qu’Epic pourra vouloir utiliser cet exemple dans son combat contre le monopole de l’App Store sur iOS.
KlingonBrain
Tout à fait.<br /> Il faut absolument restaurer la concurrence de la vente d’application sur les smarthones et tablettes en rendant illégal le fait d’interdire à l’utilisateur de changer de boutique d’applications.<br /> Il faudrait aller plus loin en interdisant l’installation d’une boutique d’application par défaut sur un Os. Ou au moins permettre un choix au premier démarrage entre une ou plusieurs boutiques au choix de l’utilisateur.<br /> Enfin, ce raisonnement devrait être étendu aux consoles de jeu, ce qui ferait vraisemblablement baisser d’une manière significative le prix des jeux sur les consoles.<br /> Il faut rappeler qu’une marge de 30%, c’est ce qu’un distributeur touchait à l’époque de la vente de jeux sur support physiques (stock à gérer, argent immobilisé, espace à payer, etc…). Les couts d’une distribution en ligne étant bien moindre, il est hallucinant de voir un tel niveau de marge perdurer. Et la raison, c’est hélas que les autorités de régulation ont fait preuve d’un grand laxisme dans le domaine du numérique en ne réagissant pas quand certaines entreprises ont fermé leur plateforme et dénié au consommateur le droit de choisir.<br /> En attendant, on ne peut que saluer l’initiative de Microsoft. Le taux qu’ils proposent me parait tout à fait raisonnable.
hub5home
Gg Ms.
Giani
Ce n’est pas plutôt 23 millions d’abonnés au Gamepass aux dernières nouvelles ? 18 millions c’était en janvier. Ca monte vite…
HAL1
KlingonBrain:<br /> Enfin, ce raisonnement devrait être étendu aux consoles de jeu, ce qui ferait vraisemblablement baisser d’une manière significative le prix des jeux sur les consoles.<br /> Je te rejoins sur le reste de ton message, mais sur la partie ci-dessus je pense qu’il faut apporter une nuance. <br /> D’une part, aujourd’hui il est possible d’acheter des jeux dans un grand nombre de magasins, pour les consoles dotées d’un lecteur de support physique (ce qui est le cas pour la majorité d’entre elles pour ce qui est du parc installé). Bien sûr, les constructeurs vont pousser de plus en plus les modèles qui en sont dépourvus, afin de favoriser leur propre boutique. Et là, si un autre magasin en ligne ne peut pas exister sur la console, c’est effectivement problématique.<br /> Ensuite, le modèle économique des consoles est organisé de manière à ce que la machine principale ne soit pas (trop) cher et que les bénéfices se fassent sur la vente de jeux. Il existe trois acteurs principaux aujourd’hui sur ce marché, et c’est la même chose pour les trois. Mais surtout, la concurrence entre les jeux est beaucoup moins sensible qu’entre les applications et services. Si un petit développeur sort un jeu génial, Sony/Nintendo/Microsoft ne va pas simplement pouvoir le copier pour raffler le succès, en se servant de sa position avantagée. Alors que pour une application, et surtout un service, c’est tout à fait possible (typiquement Spotify et Apple Music). Je n’ai d’ailleurs pas souvenir d’un éditeur qui se serait plaint d’une concurrence déloyale de la part des gros constructeurs.<br /> En résumé, je pense que la situation des applications et services mobiles est nettement plus problématique que celle des jeux sur console (ce qui ne veut pas dire que cette dernière ne peut pas s’aggraver).
MOB59
@Giani, C’est bien 23M d’abonnés actuellement. En même temps, ce service est vraiment une très bonne affaire pour les gamers.
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