La NASA envisage d'explorer Triton, la plus grande lune de Neptune

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
22 juin 2020 à 17h15
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Image composite de la mission Voyager 2, avec Triton (1er plan) et Neptune. Crédits NASA
Image composite de la mission Voyager 2, avec Triton (1er plan) et Neptune. Crédits NASA

Il reste environ un an avant que l'agence américaine ne se décide, mais plusieurs équipes scientifiques mettent en avant les avantages scientifiques de la mission Trident.

Ce deuxième survol de Neptune et Triton de l'histoire lèverait bien des mystères…

Triton en finale !

Finaliste dans la catégorie des projets « Discovery » de la NASA, le projet Trident n'a pas encore été approuvé. Les quatre projets peaufinent leurs propositions pour fournir le dossier le plus documenté possible, avant une sélection à la fin du printemps 2021, et les trois autres missions (deux à destination de Venus, une pour Io) n'ont pas l'intention de laisser passer l'opportunité. Toutefois, plusieurs voix s'élèvent déjà pour que la NASA choisisse cette mission dans le Système Solaire lointain, en raison de paramètres très favorables à l'envoi d'une sonde vers la planète Neptune.

Il y a d'abord un « créneau » pour utiliser l'assistance gravitationnelle de Jupiter et gagner une vitesse phénoménale afin de réduire le temps de trajet vers Neptune. Et ensuite, un compte à rebours un peu particulier : à cause de son orbite inclinée et de très longues saisons, une sonde aurait environ jusqu'à 2040 pour survoler Triton et tenter d'y apercevoir les geysers identifiés par Voyager 2 en 1989. Attendons plus longtemps, et ils seront dans l'ombre… Pendant un siècle.

Encore beaucoup à apprendre

Avec 1 353 kilomètres de diamètre, la plus imposante des lunes de Neptune présente de nombreuses interrogations scientifiques. Sur son origine, déjà : son orbite rétrograde (elle tourne « dans le mauvais sens ») et ses caractéristiques laissent supposer qu'elle a été capturée par Neptune… Mais il est aussi supposé qu'il y ait un océan liquide, à une grande profondeur sous son manteau de surface, or ce dernier n'a pu se former sans source d'énergie, donc des conditions « chaudes » ou un effet de marée. S'est-il formé en orbite de Neptune ? Qu'est-ce qui génère ces geysers ? Peut-on les revoir ? La surface de la planète a-t-elle évolué depuis 30 ans ? Quid de son ionosphère, plus active qu'espérée ?

Quelques unes des caractéristiques principales de Triton permettraient de mieux comprendre les lunes lointaines. Crédits NASA/JPL-Caltech
Quelques unes des caractéristiques principales de Triton permettraient de mieux comprendre les lunes lointaines. Crédits NASA/JPL-Caltech

Comprendre la dynamique de l'eau sur Triton, photographier les 40% de surface qui n'ont pas été observés à haute résolution par la mission Voyager 2 et comprendre la dynamique de sa surface (on estime qu'elle est bien plus jeune que la formation de la Lune) sont les trois objectifs majeurs de la mission. Trois buts scientifiques, trois pointes, la mission a donc pris le nom de Trident. La lune de Neptune est aussi trop éloignée de la Terre pour être étudiée en détail avec des télescopes conventionnels ou orbitaux.

Survol à long terme

Le dossier doit être finalisé dans les mois à venir. Chaque entreprise et laboratoire se place dans les « starting blocks », car si la mission reçoit le feu vert de la NASA l'année prochaine, le décollage devra avoir lieu en octobre 2025, ce qui est très court pour une mission chargée de survivre 13 ans avant d'approcher son objectif. En sachant qu'après ce long voyage, il ne lui restera évidemment pas suffisamment de carburant pour freiner et se mettre en orbite, c'est un survol sans retour qui est proposé avec Trident. 13 jours d'observation continue et un maximum de données emmagasinées dans la sonde, qui aura la lourde tâche de rapatrier de nouvelles images absolument hallucinantes vers la Terre.

L'attente sera longue, mais il faut imaginer une moisson scientifique encore plus poussée que celle de New Horizons sur Pluton… Si Trident est sélectionnée.

Source : NASA

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (13)

kanda
Excellent Article, Merci
cirdan
«&nbsp;S’est-il formé en orbite de Neptune ? Qu’est-ce qui génère ces geysers ? Peut-on les revoir ? La surface de la planète a-t-elle évolué depuis 30 ans ? Quid de son ionosphère, plus active qu’espérée ?&nbsp;»<br /> Tant de questions, si peu de réponses ! Le journalisme d’investigation n’est plus ce qu’il était
Labarthe
Amha il y a davantage de retour scientifique à attendre de l’exploration de venus, notre plus proche planète encore si méconnue, grâce à des découvertes probables, à la comparaison avec la terre donc une meilleure compréhension des corps telluriques et à des connaissances acquises beaucoup plus rapidement dès la 1ère année de mission.<br /> A mon sens l’ensemble du système neptunien devrait faire l’objet d’une étude globale et au long cours façon cassini (saturne) ou juice (jupiter), avec recours à la propulsion électrique façon dawn (ceres puis vesta) pour diminuer le temps de trajet. Donc une mission flagship me paraîtrait plus adaptée.
ebottlaender
Ce serait certainement intéressant, mais il y a peu de Flagship, et donc peu de grosses enveloppes à ce niveau là… Et comme je l’ai écrit dans l’article il y a certaines échéances sur Triton qui arrivent vite.<br /> Après, toutes les missions sont des compromis…
Fodger
Incroyable photo !<br /> 985×554 61.6 KB
mcbenny
Il y a un truc que je ne comprends pas avec les téléscopes.<br /> On est capable d’avoir des images de galaxies lointaines, on parle de découvertes de planètes dans des systèmes lointains, et on n’est pas capable de voir correctement une lune d’une planète de notre propre système ?<br /> Je comprends bien q’un certain nombre d’observations rapportant des découvertes ne sont pas dans le spectre du visible mais tout de même, si on est capable de dire qu’une planète a 15000 années lumières est composé de ça ou de ça, comment peut-on ne pas savoir de quoi est composé une lune à même pas 3 heures lumière de nous ?
ebottlaender
C’est une question tout à fait pertinente, et il faut plutôt s’interroger sur la méthode. Pour observer des exoplanètes on n’utilise pas des «&nbsp;images&nbsp;» à proprement parler, mais d’autres méthodes. On peut les détecter car leur attraction gravitationnelle fait «&nbsp;trembler&nbsp;» leur étoile, mais aussi par la méthode des transits (la luminosité de l’étoile baisse parce que la planète est entre nous et l’étoile). Pour Triton (comme pour Pluton) Hubble et les quelques giga-télescopes en activité sont capables de fournir une 30aine de pixels. C’est bien, et parfois suffisant pour prouver quelques effets (comme de l’éjection d’eau par exemple), mais pour aller plus loin il faut de la résolution, comme le cliché au-dessus de votre commentaire… voir plus.<br /> Quand aux galaxies, elles sont gigantesques dans le ciel comparé à la taille d’une lune comme Triton, qui en plus par rapport à nous ne renvoie que très peu de lumière solaire.
Krypton_80
&lt;&lt; Pour observer des exoplanètes on n’utilise pas des « images » à proprement parler, mais d’autres méthodes. &gt;&gt;<br /> En effet, d’autant plus qu’une lune possède rarement - ou pas - une atmosphère digne de ce nom et ne génère pas sa propre lumière comme pourrait le faire une étoile.<br /> https://www.encyclotron.be/comment-peut-on-connaitre-la-composition-dune-etoile-ou-de-latmosphere-dune-planete/
iosandroid
Pourquoi ne pas préférer des destinations comme Europe ou Encelade pour lesquelles la présence d’un océan d’eau salé sous la glace ne fait plus beaucoup de doutes ?<br /> Si il y a de la vie ailleurs dans notre système solaire c’est là bas qu’il faut aller pas sur Triton qui semble bien moins accueillant…
ebottlaender
Tout simplement car on ne connait que très peu de choses de Triton, et qu’elle est très intéressante ! C’est un peu comme de demander «&nbsp;pourquoi visiter Strasbourg ? Il y a déjà un fleuve qui coule à Bordeaux et Lyon&nbsp;».<br /> Europe fait déjà l’objet d’une mission dédiée de la part de la NASA (et sera étudiée en détail par la sonde européenne JUICE) dans la décennie à venir… Et Encelade est beaucoup plus documentée que Triton grâce aux retours de la mission Cassini. L’objectif ici n’est pas de chercher de la vie.
Element_n90
Pourquoi elle ne se met pas en orbite? Parce qu’il lui faudrait plus de carburant? Pour une autre raison? Mais si on lui met un plus gros réservoir c’est bon alors ? Mais ça fait plus de poids! Mais si on la met sur une fusée plus puissante (FH, SLS), elles sont largement plus puissante que les fusées courantes! Oui mais, mais… bin oui, il où le problème? Es ce que la NASA veut une mission qui n’utilise qu’une petite fusée ou alors, même avec ces colosses il n’y aurait toujours pas possibilité d’embarquer le carbu nécessaire?
Element_n90
Si une mission est lancé vers Triton, je crois que l’on n’aura aucune chance de voir une mission vers le système Neptunien car ils diront «&nbsp;on a envoyé un bidule par là bas il y a pas longtemps, maintenant on va voir ailleurs&nbsp;»… alors que j’avais cru comprendre qu’envoyer des missions vers Ur/Nep était plus ou moins envisagé (article S&amp;V).
ebottlaender
Se mettre en orbite nécessiterait en effet beaucoup, beaucoup de carburant… Ou alors de faire un choix pour arriver sur place «&nbsp;moins vite&nbsp;». Car pour rappel dans ce profil de mission on utilise la gravité de Jupiter pour accélérer ! Il faudrait donc un lanceur beaucoup plus puissant (et je ne sais pas lequel est prévu, mais c’est peut-être déjà un «&nbsp;gros&nbsp;») mais en plus de ça, il faudrait qu’il survive beaucoup plus longtemps à son voyage. Neptune est trois à quatre fois plus loin que Saturne, ce qui reviendrait à un minimum de 18 à 20 ans de trajet, suivis par une manoeuvre à réaliser en autonomie avant de pouvoir commencer à travailler sur le retour scientifique.<br /> C’est éventuellement faisable je pense, mais très complexe et beaucoup plus cher que le profil de mission «&nbsp;discovery&nbsp;» qui est proposé ici.
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