Hadopi : quelles alternatives légales au P2P ?

Stéphane Ruscher
Spécialiste informatique
12 mai 2009 à 15h39
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Après le rejet surprise du 9 avril, la loi Hadopi est de retour à l'Assemblée Nationale depuis le 29 du mois. Sauf nouveau coup de théâtre, la loi devrait cette fois-ci être adoptée, même si elle devra encore être appliquée concrètement. Partant de là, on peut adopter deux attitudes : chercher des moyens technologiques plus avancés permettant d'échapper au filtrage que la loi imposera, ou chercher d'autres moyens, légaux, de satisfaire ses envies de découvertes musicales, cinématographiques ou télévisuelles. Encore faut-il que l'offre suive ! Ça n'est pas tout à fait le cas, mais la situation a tout de même évolué ces 5 dernières années.

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On pourrait débattre de la légitimité des dispositifs mis en place par la loi Hadopi. Le principe de la riposte graduée pose de vraies questions sur le droit à l'information (peut-on couper l'accès internet d'un utilisateur sans le priver de ce droit ?), et la surveillance du réseau qui sera nécessairement instaurée est propice aux dérives. Faisons-nous néanmoins l'avocat du diable, et acceptons les arguments des maisons de disques et des studios : certes, le piratage est sans doute loin d'être la seule raison de la baisse des ventes de disques ou de fréquentation des cinémas. Il semble cependant difficile de le justifier : tout travail mérite rémunération, et des milliers d'artistes, de labels, de studios ou de producteurs créent des choses formidables. Il est normal que ces gens récupèrent le fruit de leur travail. Par conséquent, on peut comprendre qu'il faille des lois pour fixer des bornes. Cette nécessité se heurte néanmoins à une limite : interdire le téléchargement illégal ne poussera pas les gens par millions dans les Fnac et autres Virgin pour acheter des supports obsolètes à des prix archaïques. Qu'on le veuille ou non, le téléchargement et l'écoute en streaming sont l'avenir, et toute tentative de préserver les modèles actuels se soldera par un échec. Fixer des limites, aussi dures soient-elles, est donc une option, mais à l'unique condition que l'on propose une alternative légale au moins aussi attractive : le catalogue doit être aussi fourni, la qualité d'écoute ou de visionnage optimale et les délais d'obtention les plus rapides possible.

Explorons donc les moyens 100% légaux mis à disposition des internautes. Les offres de téléchargement de musique sont elles enfin dignes d'intérêt ? La VOD propose-t-elle une véritable alternative au téléchargement de films ou de séries sur les réseaux P2P ou les newsgroups ? Les sites de streaming ou les communautés en ligne permettent-ils de découvrir de nouveaux talents ? Nous tenterons de répondre à ces questions. Il y a 5 ans, certains médias se mobilisaient en faveur de la licence globale, et l'offre légale était encore balbutiante : l'iTunes Store ouvrait à peine ses portes en France, l'offre vidéo était inexistante et les DRM beaucoup trop restrictifs ôtaient toute envie de choisir la voie légale. Que s'est-il passé depuis ? Faisons un état des lieux !

Télécharger de la musique légalement

Souvenez-vous de ces affiches où Renaud, Zazie ou encore Louis Chédid vous suppliaient de les « télécharger légalement ». A l'époque, la demande tenait de la provocation : l'offre légale en matière de musique était rachitique (certains des artistes de la campagne ne proposaient même pas leur catalogue !), la qualité des fichiers était à la limite de l'indécence et, pour couronner le tout, les dispositifs de protection associés aux morceaux téléchargés étaient restrictifs et anti ergonomiques. En 5 ans, il faut bien admettre que les choses ont, en grande partie, changé. Peu à peu, les maisons de disques et les fournisseurs d'offres en ligne ont compris que les DRM rebutaient les acheteurs, et les catalogues se sont étoffés. Reste le problème du prix : celui-ci est toujours abusif et les maisons de disques ayant réussi à faire pression sur les fournisseurs pour augmenter le prix des nouveautés, les choses ne sont pas près de changer dans ce domaine.

Interopérabilité et DRM

Jusqu'au début de l'année 2009, un fossé séparait encore les utilisateurs d'iPod et les adeptes d'autres baladeurs (Archos, Creative...) souhaitant acheter de la musique légalement. Trois majors sur quatre refusaient de proposer leur musique sans DRM, et ces derniers étaient totalement incompatibles entre eux. Malgré les bonnes paroles de Steve Jobs à ce sujet, on ne peut s'empêcher de penser que cela arrangeait Apple et favorisait les ventes d'iPod, mais toujours est-il que les utilisateurs de ce dernier devaient se fournir sur l'iTunes Store, tandis que les utilisateurs de baladeurs compatibles WMA pouvaient se tourner vers VirginMega ou FnacMusic.

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Depuis janvier 2009, les choses ont considérablement changé : les trois principaux fournisseurs évoqués plus haut proposent désormais une offre garantie sans DRM, quelle que soit la maison de disque des artistes. Il faut tout de même préciser une subtilité : ainsi, si VirginMega et FnacMusic proposent du MP3 à 320 Kbps, compatible avec l'ensemble des baladeurs, de la plus petite clé USB « noname » au PMP le plus évolué, Apple fournit tous ses téléchargements au format AAC (256 Kbps). La qualité est à peu près équivalente, mais le format AAC est tout de même moins répandu, même si de nombreux téléphones portables et certains baladeurs permettent de le lire. Dans tous les cas, on reste encore loin d'une qualité sans perte, mais on note tout de même un progrès significatif à ce niveau.

Les DRM ont-ils disparu pour autant ? Absolument pas ! Ils restent présents sur les offres de location illimitée de musique proposées par MusicMe ou Orange. Ces services permettent de télécharger, de manière illimitée, de la musique parmi un catalogue relativement étendu. Néanmoins, ces titres deviendront illisibles si l'utilisateur décide d'interrompre son abonnement.

Exhaustivité du catalogue

Examiner l'exhaustivité de l'offre légale d'iTunes, VirginMega, Starzik ou Fnac Music est assez compliqué. Il y aura toujours des artistes ou des labels absents, parfois pour des raisons de droit qui dépassent les plates-formes elles-mêmes. Néanmoins, on peut dire dans l'ensemble que les catalogues proposés sont largement fournis. On est très loin de l'époque où iTunes ne proposait qu'une sélection très limitée d'artistes français, et pas un seul titre issu de labels indépendants. La plupart des artistes majeurs y sont présents. Certains manquent encore à l'appel, au premier rang desquels on trouve évidemment les Beatles, mais cette absence est un problème isolé dû notamment à la gestion particulière des droits du groupe. D'une manière générale, les catalogues des offres légales en France regroupent ceux des quatre majors (EMI, Warner, Universal et Sony BMG) ainsi que ceux de nombreux labels indépendants. D'autres offres plus spécialisées existent, comme eMusic, un service d'abonnement centré sur les indépendants, ou des sites spécialisés dans la musique électronique comme Bleep ou Neo Music Store. A moins de rechercher des choses vraiment très pointues, il est aujourd'hui difficile de ne pas trouver son bonheur dans les offres proposées.

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Ergonomie

Un des arguments utilisés par les défenseurs du P2P est qu'il est souvent plus simple de télécharger un titre illégalement : on lance une recherche, on choisit ses sources et on attend le téléchargement du fichier. On pourrait penser que les fournisseurs d'offres en ligne ont tout fait pour attirer les « pirates » et proposer au moins aussi bien. Malheureusement, ça n'est pas nécessairement le cas. On trouve de bons élèves, à commencer par iTunes : on pensera ce qu'on voudra du logiciel d'Apple, mais l'iTunes Store est un modèle de simplicité. Le fait que la boutique en ligne soit intégrée au jukebox y est pour beaucoup. Tout s'imbrique parfaitement : un titre acheté se retrouve automatiquement dans la bibliothèque, un gestionnaire permet de mettre un téléchargement en pause pour le reprendre plus tard, les fichiers sont immédiatement disponibles pour les transférer sur ses iPods ou son iPhone. Bref, difficile de faire plus simple. Et pourtant, Apple l'a fait avec l'iPhone et l'iPod Touch puisque ces derniers permettent même d'acheter et télécharger immédiatement sa musique depuis l'appareil, en WiFi, ou même en 3G pour les utilisateurs d'iPhone. Cet écosystème a fait le succès d'Apple, mais malgré l'abandon des DRM, on continuera néanmoins à le trouver relativement fermé sur lui-même.

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Parmi les offres bien conçues, on pourra également citer eMusic et son gestionnaire de téléchargement qui ajoute automatiquement les titres téléchargés à la bibliothèque musicale de son choix (iTunes, Windows Media Player ou winamp), et Bleep dont on apprécie le système de préécoute qui permet de naviguer dans la forme d'onde du morceau pour écouter des tranches de 30 secondes, et la possibilité de télécharger tout un album sous la forme d'un fichier ZIP. eMusic se distingue également par son excellente éditorialisation qui favorise les découvertes, et sa possibilité de télécharger de manière illimitée tous les titres déjà achetés en cas de perte.

Tous les services ne sont malheureusement pas logés à la même enseigne. Ainsi, VirginMega propose toujours le strict minimum aux utilisateurs de Mozilla Firefox qui ne peuvent pas bénéficier du gestionnaire de téléchargement, puisque celui-ci est un composant ActiveX. Il en va de même pour FnacMusic. On constate tout de même une évolution : à leur lancement, ces services ne se lançaient même pas dans un navigateur autre qu'Internet Explorer pour Windows ! Sur VirginMega, le nombre de téléchargements pour un même morceau est également limité ! Par le passé, cette limite pouvait même s'avérer fatale quand le gestionnaire de téléchargement, assez instable, rendait le téléchargement impossible : plusieurs tentatives ratées et le morceau téléchargé était perdu à jamais ! La suppression des DRM a néanmoins supprimé le problème le plus insupportable : la gestion des droits d'un ordinateur à l'autre. Si iTunes s'en tirait plutôt bien grâce à un système assez permissif (5 ordinateurs que l'on pouvait activer ou désactiver à loisir), les sites proposant du WMA protégé imposaient souvent des limites absurdes, telles que 5 transferts autorisés vers un baladeur avant le blocage total du morceau !

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Les tarifs

Venons-en au problème de fond : l'offre légale est-elle trop chère ? Évacuons immédiatement deux idées reçues : une fois pour toutes, le prix d'un album n'est pas équivalent à la somme des titres qui le composent à l'unité. En outre, dans la plupart des cas, un album dématérialisé est sensiblement moins cher que sa version CD, même si l'écart est parfois minime. Prenons en exemple une nouveauté représentative (à l'heure où nous écrivons ces lignes) : l'album Sounds Of The Universe de Depeche Mode. Le CD (version non-collector) est proposé entre 14,60 et 17,50 euros selon les magasins ou sites de commerce en ligne. En version dématérialisée, on le trouve à 9,99 euros sur iTunes (AAC non protégé à 256 Kbps) ainsi que sur VirginMega et FnacMusic (MP3 320 Kbps). Certes, ça n'est pas forcément le cas, y compris pour les nouveautés. Nous avons ainsi pu trouver le dernier album de U2, sorti il y a moins de 3 mois, à 9,99 euros dans certains magasins, soit le même prix que sa version dématérialisée, avec une qualité évidemment supérieure. Crise du disque oblige, on trouve également de plus en plus d'albums qui passent très vite sous la barre des 10 euros dans les grandes surfaces, parfois même moins chers que leurs versions numériques. Précisons enfin qu'en se débrouillant, on peut également trouver des CD audio moins cher à l'étranger.

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On ne peut passer sous silence quelques abus de la part des maisons de disques. Ainsi, celles-ci ont réussi à faire passer le prix des nouveautés, sur la plupart des sites, à 1,29 euro au lieu de 0,99 euro. On pourrait penser qu'au bout de 5 ans, les tarifs de l'offre légale auraient baissé, mais il n'en n'est absolument rien, à l'exception des fonds de catalogue qui profitent parfois d'une baisse à 0,69 euro sur l'iTunes Store notamment. Le passage au « sans DRM » ne s'est pas non plus fait sans porter la main à la poche pour les utilisateurs d'iTunes qui ont du racheter leurs titres précédemment acquis à 30% de leur prix d'origine ! Il faut enfin évoquer les formules d'abonnement. Promises un temps à un certain avenir, celles-ci peinent malgré tout à se développer, sans doute en raison des DRM qui leur restent affublés : proposées exclusivement au format WMA protégé de Microsoft, ces offres nécessitent un baladeur compatible, ce qui exclut complètement l'iPod et nombre de téléphones compatibles MP3, ces derniers étant de plus en plus utilisés. C'est relativement dommage, car les tarifs sont plutôt corrects : 9,99 euros par mois pour MusicMe et 12,99 euros par mois pour Orange. Pour ce prix, on peut bénéficier d'écoute, de téléchargement et de transfert illimités... à condition de ne pas mettre fin à son offre. Des offres par abonnement sans DRM existent, mais leur catalogue est assez réduit (absence totale des majors) et leur tarif moins avantageux (20 euros par mois pour 75 titres chez eMusic).

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Le verdict

Même si des problèmes subsistent (absence de certains artistes, prix à l'unité parfois élevé), il faut bien admettre que l'offre légale en matière de musique est aujourd'hui largement satisfaisante. Les DRM ont quasiment disparu, la qualité d'encodage s'est améliorée même si on est encore loin du lossless. Quant au choix, il est indéniablement là. Il reste tout de même une impression de frilosité sur le modèle économique : à part des initiatives très contraignantes comme les formules d'abonnement avec DRM, peu de services proposent une alternative à l'achat par album ou à l'unité.

Regarder ou télécharger des films et des séries

Si l'offre légale en matière de musique est aujourd'hui satisfaisante tant au niveau de la qualité que du choix, la situation est totalement différente en ce qui concerne la vidéo. N'ayons pas peur de le dire : l'offre actuellement disponible est tout simplement déplorable. Seule une infime fraction de la production cinématographique mondiale est disponible sur les différents services de VOD, l'interface de ces dits services laisse grandement à désirer et les tarifs n'ont rien d'attractif. Tentons d'y voir de plus près.

Interopérabilité et DRM

Le monde de la vidéo est encore bien loin d'avoir pris le parti du « sans DRM ». L'offre en matière de VOD est généralement commercialisée sous deux formes : le téléchargement définitif et le visionnage en streaming. L'achat de vidéos est, dans tous les cas, accompagné de DRM contraignants. Les vidéos achetées sur l'iTunes Store ne pourront être lisibles que sur un iPod, un iPhone, un ordinateur équipé d'iTunes ou une Apple TV. Les contenus achetés sur Fnac.com, VirginMega ou d'autres sites de VOD nécessiteront l'utilisation de Windows et d'appareils compatibles avec les DRM de Windows Media Player. Il a fallu 6 ans aux maisons de disques pour enfin s'apercevoir de l'impasse des DRM à l'achat. L'offre en VOD est tout de même plus récente, et les producteurs de cinéma, sans doute échaudés par la main mise d'Apple dans le monde de la musique en ligne, sont beaucoup plus vigilants. On peut leur accorder le bénéfice du doute : après tout, si même les majors du disque ont réussi à céder, les studios finiront bien par leur emboiter le pas.

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Choix du catalogue

Nous entrons ici dans le vif du sujet. Si l'offre légale en matière de musique s'avère aujourd'hui pléthorique, la VOD accuse un immense retard alors qu'elle n'est pas beaucoup plus jeune (des offres comme 24/24 Vidéo existaient déjà en 2005). Un chiffre suffit à résumer la situation : toutes les offres de VOD en France disposent d'un catalogue correspondant à une infime fraction de la production cinématographique mondiale. Récemment, la rédaction de Clubic s'est livrée à un petit jeu : rechercher trois films pas franchement « underground » sur différentes offres de VOD, puis sur des sites illégaux. Le constat est sans appel.



On peut chercher davantage et nous l'avons fait, cette fois ci avec 10 films sur 5 sites différents (Virginmega.fr, Fnac.Com, 24/24 Vidéo, Canalplay et TF1 Vision). Nous avons choisi 5 films récents (2 ans au plus) et 5 « classiques » :

  • The Dark Knight, le dernier Batman
  • Wall-E, le film d'animation de Pixar
  • Vicky Cristina Barcelona, le nouveau Woody Allen sorti tout récemment en DVD
  • Entre les Murs, le docu-fiction de Laurent Cantet, primé à Cannes
  • There Will Be Blood, salué par la critique et récompensé aux Oscars en 2008
  • Les Tontons Flingueurs, de Georges Lautner
  • Orange Mécanique, de Stanley Kubrick
  • Pulp Fiction, de Quentin Tarantino
  • Le Grand Restaurant, avec Louis de Funès
  • Sueurs Froides d'Alfred Hitchcock

Les résultats sont édifiants. On commence par la lanterne rouge : au moment des tests, réalisés entre le 03 mai et le 11 mai 2009, aucun des 5 sites ne proposait. There Will Be Blood et Entre Les Murs. Ce dernier permet de mettre en lumière les délais anormalement longs de disponibilité en VOD : le DVD du film de Laurant Cantet est sorti il y a déjà plusieurs semaines alors qu'il n'est disponible que plusieurs semaines après (absent au moment des tests et proposé depuis la publication de l'article). La fresque « oscarisée » de Paul Thomas Anderson semble en revanche aux abonnés absents. On constate également des oublis flagrants, comme The Dark Knight et le dernier Woody Allen introuvables sur CanalPlay, un film archi connu d'Alfred Hitchcock absent de 3 sites sur 5 ou encore Pulp Fiction disponible uniquement sur le site de Canal+. Dans tous les cas, aucun des 10 films n'est disponible sur les 5 sites. Bref, le tableau est loin d'être glorieux. Faut-il pour autant faire l'apologie du piratage ? Certainement pas. Il est certain que les deux camps ne se battent pas avec les mêmes moyens. Néanmoins, on ne peut qu'être atterré par la pauvreté de l'offre VOD actuelle.

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On imagine les problèmes de droits et de chronologie des médias qui peuvent expliquer cette faiblesse, mais on ose espérer que les studios sauront débloquer cette situation embarrassante : comment inciter les utilisateurs à utiliser des services légaux si l'offre proposée est aussi minuscule ? La loi Hadopi ne semble proposer que des vagues promesses sur ce point. Tout juste sait-on que les producteurs s'apprêteraient à faire tomber le délai de sortie d'un film en VOD de 7 mois et demi à 6 mois, ce qui semble encore beaucoup trop long pour lutter efficacement contre le piratage. Dans d'autres domaines comme celui des séries TV, il arrive pourtant que les fournisseurs proposent d'excellentes initiatives comme la sortie en VOD des derniers épisodes de séries TV comme Lost ou Heroes le lendemain de la diffusion américaine, en version originale sous-titrée. Est-ce que cela cannibalisera les audiences de la série lors de la diffusion ? Certainement pas : les fans de série en VO sont un public particulier qui téléchargerait de toute façon l'épisode illégalement plutôt que d'attendre sa diffusion sur la télé française. Partant de ce principe, on pourrait imaginer qu'il y aurait certainement un public pour la diffusion de films avec un délai nettement réduit par rapport à la sortie en salles : le public n'est pas forcément le même, et la prestation non plus. Dans tous les cas, si vous souhaitez savoir si un film est disponible sur une des offres VOD du marché, le meilleur moyen est de passer par un site comme Total VOD, un méta moteur de recherche répertoriant l'ensemble des sites français disponibles. Citons enfin le cas d'offres de VOD « à part » telles que Vodeo, qui propose une sélection imposante de documentaires dans des thématiques variées (histoire, nature, politique, sciences...) Même si les films et les séries sont les oeuvres les plus touchées par les pratiques illégales, il est bon de rappeler que l'on peut aussi trouver des programmes différents, légalement.

Ergonomie

Au niveau de l'ergonomie des services proposés, on a affaire, plus ou moins, aux mêmes protagonistes que pour la musique et on retrouve les mêmes bons et mauvais élèves. iTunes, malgré une offre vidéo quasi nulle (par rapport à ce qu'Apple propose aux États-Unis, on ne trouve qu'une poignée de séries et d'émissions), prouve là encore son excellente intégration avec l'iPod et sa facilité d'achat et de navigation... mais, du coup, aussi son verrouillage. Les sites de VOD sur PC sont généralement bien conçus au niveau de la recherche de films, mais nécessitent fréquemment des composants additionnels (gestionnaire de téléchargement voire lecteur dédié) qui ne fonctionnent que sous Windows, et parfois même uniquement avec Internet Explorer. En revanche, les interfaces frisent le catastrophique lorsque l'on passe sur les offres Triple play des FAI. Que ce soit TF1 Vision et CanalPlay sur Freebox HD, ou 24/24 Vidéo sur le décodeur d'Orange, il faut subir une interface plein écran peu pratique, lente et pour ainsi dire, encore pire que celle d'un distributeur automatique de DVD.

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Tarifs

Les prix pratiqués sur la VOD sont variables. En ce qui concerne la location, on tournera généralement entre 2,99 euros (pour les fonds de catalogue) et 4,99 euros (pour les nouveautés) pour une location de 24 ou 48 heures. Les versions HD des films, qui sont encore plus rares que les versions en VO sous-titrées, sont facturées 5,99 euros. Ça peut paraître un peu cher, mais le pire réside dans les tarifs des téléchargements définitifs qui oscillent entre 9,99 euros et 15,99 euros, soit pas beaucoup moins que le prix du DVD « standard » pour un film comme The Dark Knight, sans compter les offres, de plus en plus nombreuses, de DVD à moins de 10 euros. Prenons également l'exemple du fameux OSS 117 : il est possible d'acheter les premières aventures de l'ami Hubert Bonnisseur De La Batte à 9,99 euros en DVD contre une version dématérialisée et affublée de DRM à 15,99 euros sur certains sites ! Terminons en mentionnant une des rares offres de VOD par abonnement, à savoir Free Home Video. Celui-ci propose, pour 7,99 euros par mois, l'accès illimité à une sélection de films et de séries. Celle-ci est extrêmement réduite mais change régulièrement. Une formule à 9,99 euros permet en outre d'accéder à d'autres programmes tels que des mangas.

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Catch up TV : rattraper les programmes des jours précédents

Un argument souvent développé par les défenseurs du P2P est sa fonction de "magnetoscope universel" : j'ai loupé le film de la veille, je souhaite le revoir, donc je le télécharge. Que proposent les chaînes de télé françaises pour visionner en toute légalité un film ou une émission diffusée il y a un jour ou une semaine ? Les offres varient, au niveau des tarifs comme des programmes proposés. Ainsi, TF1, M6 et Arte proposent toutes un site de « catch up TV » gratuit, mais si les émissions « maison » sont souvent disponibles en intégralité, les fictions achetées font l'objet de problèmes de droits. M6 propose plusieurs séries diffusées à l'antenne, dont Desperate Housewives, Nip Tuck ou NCIS. TF1 de son côté propose des vidéos de certaines séries, mais peu d'épisodes en intégralité à l'exception de productions internes comme Profilage. On pourrait penser que la télévision publique montre l'exemple mais si Arte propose un service Arte+7 bien conçu et agréable à utiliser si on n'attend pas la qualité de la version HD de la chaîne, France Télévisions est clairement le mauvais élève du hertzien : son offre de catch up TV est uniquement disponible pour les abonnés d'Orange. Ceux-ci bénéficient en outre du service M6 Replay au sein de l'offre VOD du fournisseur (et donc visible sur une télé). Enfin, Canal+ propose un service Canal+ à la Demande très bien fait et évidemment réservé aux abonnés de la chaîne, mais complet au niveau des films proposés, que l'on pourra ainsi revoir trois fois. Le service est disponible sur le web, mais également, pour les abonnés de Free, depuis la Freebox HD. La chaîne cryptée envisage également de mettre à disposition certains contenus de son bouquet CanalSat, avec le futur service CanalSat à la demande. Orange a emboité le pas avec ses chaines cinéma thématiques : un canal permet de revoir les programmes à la demande. Là encore, un meta moteur, du nom de TV à Revoir, permet de centraliser les programmes disponibles.

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Le verdict

Le bilan en matière de vidéo est nettement plus contrasté que ce qui concerne la musique. Les offres sont encore balbutiantes pour la plupart, et ce constat commence à être alarmant puisqu'elles ne sont pas beaucoup plus jeunes que les offres musicales ! Le nombre moyen de films disponibles est beaucoup trop bas pour proposer un service digne de ce nom, alors que les délais de disponibilité des films sont encore trop longs, ce qui n'est toutefois pas imputable à l'offre en elle-même mais à la sacro-sainte chronologie de diffusion ! Certains classiques manquent à l'appel, certains films sont disponibles en location et pas en téléchargement définitif ou vice versa, bref tout cela nous donne actuellement l'impression d'un imbroglio de droits complexes et de priorités de certains médias sur d'autres qui nuisent au développement de la VOD. Espérons que l'intérêt de l'utilisateur et la bonne volonté des producteurs permettront d'y mettre fin, car à l'heure actuelle, l'offre en matière de vidéo est tout simplement ridicule par rapport à ce que l'on trouve par des voies illégales.

Découvrir sans acheter

Terminons ce tour d'horizon de l'offre légale avec un autre argument des partisans du P2P : télécharger « illégalement » permet de découvrir des artistes sans acheter leurs productions, quitte à le faire plus tard. Il s'agit là d'un argument tout à fait légitime : de nombreux utilisateurs de réseaux illégaux sont des passionnés de musique ou de cinéma qui se servent des réseaux P2P pour élargir leurs horizons et faire des découvertes. Il ne s'agit pas d'un mythe : ces gens achètent des disques, se rendent à des concerts et vont voir des films dans les salles. Nous ne chercherons donc pas à démonter cet argument, mais plutôt à lui trouver des alternatives légales. Il existe de nombreux moyens d'écouter de la musique gratuitement et légalement, ou de visionner des vidéos sans débourser un euro. Certains tombent sous le sens.

Streaming audio : Deezer et Jiwa

Les sites de streaming audio ont dû batailler ferme pour prouver leur légitimité. Ils ont pourtant réussi à s'imposer et à signer des contrats avec les maisons de disque ou les sociétés de gestion des droits. Pour autant, malgré un modèle économique encore incertain, ils existent et permettent d'écouter un nombre aujourd'hui conséquent de titres, provenant aussi bien des 4 majors que de labels indépendants. Le pionnier du genre est bien entendu LastFM, fort de sa technologie AudioScrobbler qui permet de diffuser des stations radio personnalisées en fonction des données d'écoutes que vous lui fournissez. D'autres sites ont vu le jour depuis, encore plus optimisés vers l'écoute individuelle de morceaux à la demande, notamment Deezer et le petit dernier Jiwa. Les catalogues présents sur Deezer ou Jiwa sont relativement importants. Ce dernier a d'ailleurs signé de nouveaux accords portant le nombre de titres disponible à 4,8 millions, ce qui est tout de même fort conséquent ! Du côté de Deezer, on revendique un chiffre semblable, soit environ 4,5 millions de titres. Si on ne trouvera pas forcément le moindre groupe de « death grindcore atmosphérique progressif » ou les tout derniers groupes indépendants à la mode outre manche, il y a franchement de quoi trouver son bonheur dans un catalogue assez large, autant au niveau français qu'international : on pourra y retrouver les oeuvres de grands disparus comme Alain Bashung ou Serge Gainsbourg, redécouvrir des classiques du rock ou de la soul (Rolling Stones, Who, Marvin Gaye...), écouter les nouveaux albums de Depeche Mode ou U2, ou encore découvrir quelques artistes « tendance » comme Bon Iver, The Enemy et autres Fleet Foxes.

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Au niveau de l'ergonomie, les deux sites proposent des interfaces assez réussies, à base de Flash et d'AJAX, qui favorisent la création de listes de lecture personnalisées. Il faut d'ailleurs préciser à ce sujet que Deezer nécessite désormais une inscription pour écouter de la musique sans contrainte. Jiwa n'est pas encore arrivé à de telles extrémités pour les internautes de passage. Néanmoins, dans les deux cas, l'inscription est de toute façon indispensable pour profiter au mieux de la puissance de ces services, et de créer et organiser ses propres listes de lectures que l'on pourra écouter de n'importe où. Au niveau de l'ergonomie, on note de très bonnes idées dans la dernière version de Jiwa, notamment un panneau latéral qui permet de zapper entre différents genres musicaux ou, lors de la consultation des titres d'un artiste, de basculer entre la liste des titres disponibles, des albums, ou encore sa biographie. Terminons par un mot sur la qualité. Celle-ci n'est pas équivalente sur les deux sites. Ainsi, si Deezer ne propose qu'un encodage à 128 Kbps, Jiwa offre désormais des morceaux encodés à 192 Kbps. On est encore très loin de la qualité CD, et même désormais des titres proposés sur les offres de téléchargement, mais ça reste agréable pour une écoute occasionnelle et immédiate.

Spotify : l'avenir du streaming ?

Néanmoins, la solution la plus prometteuse en matière de streaming audio est l'excellent Spotify. Ce service, actuellement en bêta privée, se distingue des autres par son approche : plutôt que de proposer l'écoute via un site web, Spotify propose un client à télécharger, pour Windows ou Mac OS X. L'interface de celui-ci ressemble fortement à celle d'iTunes, et la similarité est loin de n'être qu'une apparence. Spotify bénéficie en effet d'une ergonomie modèle, rendant simple et immédiate la recherche de morceaux ainsi que la création de listes de lecture. Le moteur de recherche est quasi instantané : saisissez un nom d'artiste ou de chanson, validez et les résultats s'affichent immédiatement ! De même, pour créer une liste de lecture, il suffira de sélectionner les titres et de glisser/déposer la sélection dans le panneau latéral, exactement comme on le fait sur iTunes.

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Spotify est disponible en version gratuite et financée par la publicité, ou en version premium, dénuée de publicité, pour un abonnement de 9,99 euros par mois. Ce prix peut paraître abusif, mais la simplicité d'utilisation du client est telle que l'on peut concevoir le fait de payer pour un tel service. À l'heure où nous écrivons ces lignes, Spotify est accessible depuis la France mais la version gratuite est réservée aux détenteurs d'une invitation. Pour cela, le site de Spotify propose de déposer une demande qui sera honorée quand des invitations seront disponibles. Les petits malins sauront aisément contourner cette limitation. Dans tous les cas, il est d'ores et déjà possible de s'abonner à la version Premium. Le catalogue est composé, comme pour Deezer ou Jiwa, de titres provenant des 4 majors comme de labels indépendants. Celui ci s'enrichit régulièrement et les morceaux sont encodés au format Ogg Vorbis (160 Kbps). Spotify est indéniablement destiné à faire parler de lui dans les mois à venir : comme iTunes en ce qui concerne l'achat, l'éditeur du service a compris l'essentiel : les utilisateurs veulent une simplicité d'utilisation au moins égale à ce qu'on trouve sur les services illégaux. C'est le cas ici ! Seules les publicités pourront en irriter certains mais celles-ci restent supportables.

Réseaux sociaux et blogs : les talents de demain ?

Le web est devenu un moyen de diffusion direct pour les artistes qui peuvent proposer leurs créations sans avoir besoin de graver de coûteux supports physiques. Les légendes d'artistes découverts sur Internet abondent, de Lily Allen aux Arctic Monkeys en passant par Sliimy. Certaines tiennent plus du conte de fées que de la vérité, mais c'est un fait : MySpace ou YouTube regorgent d'artistes parfois intéressants, tant la création d'une page ou la publication de vidéos communautaires sont devenues un passage obligé pour tout artiste en herbe qui se respecte. Dans cette jungle de contenus, le bouche à oreille est souvent le meilleur moyen de s'y retrouver et bien entendu, le pire y côtoie le meilleur. Néanmoins, au détour d'une page, il peut arriver que l'on fasse quelques découvertes fort sympathiques. Certains artistes n'hésitent d'aillleurs pas à s'auto-produire et proposer leurs oeuvres en téléchargement, gratuit ou payant, sur leur propre site.

Comment ne pas terminer ce tour d'horizon des découvertes sans parler des excellents Concerts à Emporter de la non moins remarquable Blogothèque ? Depuis quelques années, ce blog audio fait le bonheur des amateurs de bonne musique indépendante et de vieilles trouvailles avec des articles pointus renvoyant sur des titres que l'on peut écouter en intégralité via le lecteur inclus sur le site. Mais la force du site vient surtout de ses Concerts à Emporter, un podcast vidéo de mini concerts improvisés dans des lieux insolites. Le tout est à télécharger gratuitement et des artistes prestigieux s'y sont déjà bousculés (Arcade Fire, R.E.M...).

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Licences libres : une autre façon de concevoir la distribution

A l'image du logiciel libre qui permet la diffusion et la modification des applications, des licences permettent de gérer de manière individuelle les droits d'une œuvre artistique (film, musique, livre, photos...) selon ses propres critères. Grâce à des licences telles que les Creative Commons, un artiste peut ainsi autoriser les utilisateurs à reproduire son œuvre, à la modifier, à la redistribuer ou à l'utiliser dans d'autres créations. Plusieurs sites permettent d'accéder à des œuvres musicales sous licence Creative Commons : l'excellent Dogmazic, qui répertorie plus de 3000 artistes dont on peut écouter de nombreux titres en plus de proposer des informations et des opinions sur la culture libre en général, ou Jamendo, célèbre fournisseur de musique gratuite sous licence libre. Nous avions consacré un dossier à la musique libre, dans lequel vous trouverez de plus amples informations sur les sites qui en proposent, ainsi qu'une interview d'un responsable de Dogmazic.

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Conclusion

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Que retenir de notre tour d'horizon de l'offre légale actuelle ? On pourrait répondre par l'analogie du verre à moitié vide ou à moitié plein. Dans le rôle de la partie pleine, on trouvera la musique : même s'il subsiste des problèmes, notamment au niveau des tarifs qui ont tendance à stagner voire à augmenter au lieu de baisser, il faut bien admettre que l'offre est aujourd'hui pléthorique. Il reste évidemment des niches moins couvertes que d'autres, et n'importe quel fan de musique pointue comme le métal aura toujours des exemples d'artistes « totalement introuvables sur iTunes ». De même, certains artistes ou leurs ayants droit rechignent toujours à proposer leur musique sur des sites de téléchargement. Néanmoins, on trouve à peu près ce que l'on veut à l'achat, et désormais sans DRM et avec une qualité d'encodage supérieure à ce qui était la norme il y a encore un an. Ajoutez à cela des sites de streaming qui, sans être des bases de données universelles, donnent globalement satisfaction. Nombre des arguments en faveur du P2P, qui étaient tout à fait valides il y a 5 ans, n'ont donc plus cours aujourd'hui.


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La situation est nettement moins rose en ce qui concerne la vidéo. La VOD fait clairement du surplace : les catalogues des différents sites sont ridicules face à la richesse de la production cinématographique mondiale, les DRM sont encore une plaie qui limite la compatibilité des offres avec toutes les plates-formes (quand il ne faut pas carrément un navigateur ou un logiciel spécifique pour y accéder) et les tarifs ne sont pas attractifs, notamment en ce qui concerne le téléchargement définitif qui ne propose absolument aucun avantage par rapport à l'achat d'un DVD. Tout n'est pas à jeter cependant : la « catch up TV » propose des débuts plutôt intéressants et certaines initiatives sont à souligner, comme celle de TF1 Vision qui propose régulièrement des épisodes de ses séries en VO sous-titrées, le lendemain de leur diffusion aux Etats Unis, une excellente idée pour répondre directement à une demande qui se dirigerait autrement sur les canaux illégaux.

Au final, le fond du problème vient surtout du manque d'initiative des producteurs de contenu. L'impression qui émane de l'examen des débats sur le téléchargement illégal est celle d'un déséquilibre entre des dispositifs de sanctions qui occupent la majeure partie des échanges et des promesses évasives sur le développement de nouveaux modèles d'offre légale, à grands coups « d'engagements forts » et autres « laissons-leur un peu de temps » (au passage, la VOD a au moins 4 ans en France). On passe alors du verre à moitié vide à l'analogie de l'oeuf et de la poule : les défenseurs de la loi Hadopi répliqueront qu'une législation permettant des sanctions efficaces est préalable au développement de l'offre légale, ce qui fournit une excuse aux producteurs pour se retrancher et ne pas innover. On peut également penser que faire preuve d'audace et faire confiance à l'utilisateur peut s'avérer payant et attirer une partie des utilisateurs des réseaux P2P. Peut être pas tous, car il y aura toujours des utilisateurs pour préférer rester dans l'illégalité afin de ne pas passer à la caisse. Pour ces derniers, on ne pourra rien faire : leur expliquer le concept de juste rémunération du travail d'un artiste semble être une cause perdue d'avance. Mais on peut raisonnablement penser que la plupart des adeptes du P2P seraient prêts à payer pour une offre légale au moins aussi attractive que ce que l'on trouve illégalement, et que parvenir à cette offre n'est pas insurmontable techniquement ou juridiquement. Puisqu'il semble à peu près inévitable que la loi Hadopi passe sous une forme ou une autre, l'avenir nous dira si ce dispositif de sanctions « douces » (pour reprendre les mots de Madame la Ministre de la Culture) favorise l'innovation ou permet au contraire aux producteurs de contenu de camper sur leurs positions...

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