Interview - LinkedIn lance "Infos à la Une" : futur concurrent des rédactions média ?

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
27 février 2019 à 09h55
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LinkedIn

Le réseau social professionnel a décidé de miser sur l'actualité en proposant une fonctionnalité destinée à mettre en avant les principaux contenus économiques et d'inviter ses utilisateurs à la discussion. Est-il en train de devenir un média à part entière ? Sandrine Chauvin, rédactrice en chef de LinkedIn Europe, apporte son éclairage.

Après le Récap Actu mis en place il y a un an, LinkedIn a officiellement annoncé le lancement des « Infos à la Une » en France. Déjà présente aux États-Unis depuis mars 2017, la fonctionnalité doit permettre aux utilisateurs du premier réseau professionnel mondial de découvrir les informations économiques (mais pas que) principales du moment et d'y réagir, pour favoriser un peu plus l'interaction entre les membres.

Aider les professionnels à rester informés

Si la nouvelle fonctionnalité des « Infos à la Une » doit mettre essentiellement en valeur des actualités économiques, celle-ci pourrait traiter d'autres faits marquants dans l'actualité : « Nous pouvons être amenés à parler du Brexit par exemple, parce que le phénomène a un réel impact sur le monde professionnel », précise à Clubic Sandrine Chauvin, la rédactrice en chef de LinkedIn Europe.

Promis, il n'y aura pas de politique pure parmi les informations sélectionnées, car le principe reste de « permettre aux membres d'être mieux informés », comme le revendique le troisième pilier du réseau social.

Sur LinkedIn, les « Infos à la Une » sont mises en avant en haut à droite de la page d'accueil de la version Web, et en haut du fil d'actualité sur l'application mobile. « Notre équipe de journalistes crée une page dédiée à une actualité, qui va agréger des contenus de membres dont des posts, des articles, des vidéos, des commentaires, puis cette page est mise en avant sur la page d'accueil », explique Sandrine Chauvin. La fonctionnalité permettra au réseau social de travailler son maillage externe.

Derrière la fonctionnalité, une vraie petite rédaction au travail

Au sein de LinkedIn, on s'organise ainsi comme une véritable rédaction pour donner vie à sa nouvelle stratégie éditoriale. « Nous avons deux conférences de rédaction : une le matin, où l'on fait le point sur les sujets qui vont émerger dans la matinée ; et une en début d'après-midi, pour décider de ce que l'on va couvrir pour la deuxième partie de la journée ». Aux commandes des « Infos à la Une », Sandrine Chauvin est épaulée d'une équipe de deux journalistes, destinée à se renforcer dans le futur. Une preuve que l'entreprise mise sur le sujet.

Si la société rachetée par Windows en 2016 développe la fonctionnalité, ce n'est pour l'instant pas pour la monétiser (du moins officiellement) comme ce que peuvent faire Libération et Facebook avec Checknews : « Nous travaillons de façon complémentaire avec tous les titres de presse qui ont un lien avec l'économie. Ça peut être Le Monde, Les Echos, La Tribune, Capital ou bien d'autres. L'idée est d'avoir une diversité de sources. Il vaut mieux de la diversité et de la qualité que la quantité avec un seul média ». La vocation des « Infos à la Une » n'est pas de fabriquer l'actualité comme un média.

LinkedIn mise sur le data journalisme

LinkedIn ne crée pas un contenu similaire à celui d'un titre de presse traditionnel, mais travaille sur des formats différents, en faisant appel au data journalism. C'est ce que Sandrine Chauvin détaille : « Nous créons du contenu quotidiennement dont le Récap Actu ou les Infos à la Une. Nous créons depuis 4 ans en France des classements basés sur les Insights LinkedIn, comme par exemple, Top Companies, qui est le classement des employeurs les plus attractifs ; Top Startups, le classement des start-up les plus en vogue ; ou Top Voices, qui est le classement des membres les plus influents sur la plateforme ». Ces classements ne sont pas basés sur un pur jugement éditorial mais sur les Insights LinkedIn, qui sont un peu les données du réseau social.

C'est à partir de ces données que LinkedIn imagine son contenu. « Si, par exemple, LVMH est le premier du classement Top Companies, nous allons nous demander pourquoi ce groupe est le premier, essayer de comprendre, faire des interviews... »

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LinkedIn

Au-delà de cette activité de création, LinkedIn procède à de la curation de contenu. Cette pratique, qui consiste à sélectionner, éditer et partager les contenus les plus pertinents sur une requête Internet ou sur un sujet en particulier, on la retrouve sur le réseau social. « C'est ce que nous faisons avec les Infos à la Une », nous confirme la rédac' chef. Et le réseau social va même plus loin : « Nous allons solliciter les membres. Dans cette curation de contenu, nous avons une grosse partie qui consiste à faire de la culture de contenu, c'est-à-dire que nous allons contacter tel PDG pour obtenir sa réaction ou tel membre ou expert d'un domaine pour qu'il apporte un éclairage supplémentaire et de qualité à une actualité ». La démarche est salutaire, et la recherche qualitative nous paraît bien réelle.

« Je prends l'exemple du décès de Karl Lagarfeld », nous explique Sandrine Chauvin. « Son décès, au-delà de la disparation, a eu un effet important dans l'industrie de la mode. Nous avons eu des réactions de PDG comme celle de La Redoute, Nathalie Balla, ou des experts de la mode ou personnes qui travaillent dans le secteur et qui souhaitaient lui rendre hommage en mettant en lumière un détail, une anecdote qu'on ignorait sur lui. Cela a permis d'enrichir l'expérience de l'utilisateur ».

LinkedIn pourrait-il faire trembler certaines rédactions ?

Même si dans le discours, LinkedIn n'entre pas en confrontation directe avec les médias, on ne peut s'empêcher de penser que ses nouvelles activités pourraient susciter des craintes chez certains d'entre eux. Mais Sandrine Chauvin rappelle d'ailleurs et à juste titre que les journalistes utilisent et mettent à profit les services de LinkedIn pour leur activité : « Ils peuvent rentrer en conversation avec des membres auxquels ils n'auraient peut-être pas pensé pour faire un article ou obtenir des informations ».

La fonctionnalité des « Infos à la Une » ne doit donc pas être considérée, du point de vue de LinkedIn, comme une menace pour la profession : « Nous voyons vraiment les Infos à la Une comme une activité complémentaire aux médias, et c'est pour cela que nous conservons une diversité de sources et de médias. Ça apporte du trafic aux médias, de la visibilité aux journalistes et leurs titres. Et en parallèle, nous faisons ce que nous savons faire sur le data journalisme ». Tout le monde ne sera sans doute pas de cet avis.

Mise en place depuis deux ans aux États-Unis, la fonctionnalité permettrait de multiplier les conversations et, de fait - sans que cela ne nous soit confirmé - d'accroître logiquement le temps moyen passé sur LinkedIn. Pour cela, la plateforme couple l'intervention humaine à l'utilisation d'un algorithme. Certaines actualités retenues seront donc communes à tous les membres, tandis que d'autres seront personnalisées en fonction de l'activité de chacun.

Encore quelques semaines avant mise en place chez tous les utilisateurs français

En France, la fonctionnalité est active pour environ la moitié des 17 millions d'utilisateurs. « Elle va être déployée assez rapidement sur 100% des comptes », indique la rédactrice en chef de LinkedIn, précisant que le lancement total n'est qu'une question de semaines.

La fonctionnalité des « Infos à la Une » fait en tout cas suite à celle du Récap Actu, nous en parlions, qui propose aux utilisateurs un condensé des cinq actualités quotidiennes les plus marquantes, du lundi au vendredi. Actif lui depuis un an, le Récap Actu est envoyé aux membres via une notification et est présenté sous la forme d'un « condensé des 5 actualités économiques de la journée » avec, en bonus, une citation du jour qui « doit inciter à la réflexion ». Le Récap Actu « pointe principalement vers du contenu de presse. On effectue un travail de journaliste en agrégeant des liens vers un article qui est la source de l'information, et des liens vers des articles d'analyse qui vont apporter un autre éclairage », précise Sandrine Chauvin.

Définitivement, LinkedIn poursuit sa mue et tend à renforcer sa crédibilité comme réseau social des professionnels. Reste à voir à présent si l'essai sera transformé et profitable à tous.

Et vous, que pensez-vous des récentes fonctionnalités de LinkedIn ?

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