"Nous ne sommes pas en difficulté" : interview exclusive du DG de Micromania

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
15 février 2019 à 11h16
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Un magasin Micromania-Zing, c'est ça

Le directeur général de Micromania est confiant en l'avenir de l'entreprise, qui vient de réaliser ses deux meilleures années en termes de chiffre d'affaires. Entretien.

Après les rumeurs de fermeture de magasins Micromania en France, propulsées par les difficultés de sa maison mère américaine GameStop, Laurent Bouchard, directeur général de l'entreprise, a accordé à Clubic.com une longue interview dans laquelle il rassure sur l'état de santé de la société, en dit plus sur les grands chantiers actuels et les événements récents, tout en se prononçant sans concession sur le futur à court terme de Micromania-Zing, qui a entamé son processus d'hybridisation des magasins en 2017, confirmant sa volonté de diversification.

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Laurent Bouchard

L'interview complète de Laurent Bouchard

Laurent Bouchard, comment se porte Micromania ?

Chez Micromania, tout va bien, nous ne sommes pas du tout en difficulté. La société se porte bien, nous avions réalisé une année 2017 record. Nous sommes en clôture de nos résultats de 2018, qui sont aussi très bons. On va de l'avant, et cela signifie se focaliser sur une stratégie à 5 ans qui a commencé à porter ses fruits, et qui devrait nous amener à des objectifs assez élevés.

Quelle est votre stratégie, pour maintenir la compétitivité de l'entreprise ?

La stratégie, c'est d'abord la diversification. Nos magasins évoluent, la gamme de nos produits également. Nous sommes ouverts à la Pop Culture, les produits dérivés, qui enregistre une croissance de chiffre d'affaires assez spectaculaire et qui nous permet de conforter notre position en termes de résultats.

On attache aussi de l'importance à l'évolution de notre concept. Il y a celui des magasins, avec l'évolution vers quelque chose de plus hybride : à moitié jeux vidéo et à moitié produits dérivés, sur des surfaces plus grandes que l'on a l'habitude d'exploiter. Nos magasins font en moyenne environ 100-110 m². Là, nous passons sur un modèle qui est plutôt autour des 150-250 m². Partout où on a l'opportunité de le faire, on déplace les magasins. On peut déplacer un magasin dans un même centre commercial, si ce dernier en a le potentiel, et fermer un magasin pour en ouvrir un plus grand généralement mieux placé. C'est ce que nous venons de faire récemment à Saint-Genis-Laval, en région lyonnaise. Nous avons désormais une dizaine de magasins qui suivent ce modèle plus grand, relooké de façon à être plus en phase avec ce que l'on recherche, cette mixité entre le jeu vidéo et le produit dérivé.

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Sur le site Web actuel de Micromania, les produits dérivés sont largement mis en valeur, avec leur propre rubrique

Sur la partie produits dérivés, nous sommes à un objectif de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires à horizon 2022. Nous avons déjà parcouru une bonne partie de ce chemin.

« Le réseau de magasins menacé ? La réponse est clairement « non. » »


Qu'entendez-vous par « une bonne partie » du chemin ?

Nous sommes à un peu plus de la moitié, donc nous sommes dans le bon timing, si l'on considère que nous nous y sommes vraiment mis il y a deux ans.

Il y a aussi un gros volet omnicanal qui s'organise autour de la refonte de notre site internet pour cet été sans doute. On espère avoir un site marchand flambant neuf en septembre, avec une dimension éditoriale. Cette stratégie omnicanale, c'est le rapport entre le site, notre application Micromania-Zing, qui est une appli marchande également, et toutes les possibilités qu'ouvre l'omnicanal, comme le Web in Store, le Click and Collect etc. Ces volets sont déjà opérationnels depuis assez longtemps, mais ils seront renforcés par notre plateforme.

Tout ça, ce sont de gros investissements. Et si nous faisons ces investissements, c'est parce que nous avons les moyens de les faire. Nous avons vraiment entamé une dynamique pour rester une enseigne forte face aux menaces que l'on fait peser sur le jeu vidéo depuis des années. Nous avons décidé d'accompagner la dématérialisation, et décidé d'en tirer profit.

Une autre partie de notre stratégie, c'est de continuer de s'appuyer sur le digital@retail, c'est-à-dire la vente des abonnements, des wallets en magasin qui permettent de consommer ensuite sur son PC et sa console. C'est un élément assez central à nos yeux. Nous progressons beaucoup dans ce domaine-là. Nous suivons également de près ce qui se passe du côté du cloud gaming (jeu en streaming). Nous avons établi un partenariat avec Shadow Blade, qui permet de reproduire le fonctionnement de votre PC de bureau à distance, avec lequel nous travaillons sur une vingtaine de magasins aujourd'hui. Ça date d'il y a trois semaines seulement, et nous sommes très agréablement surpris par l'attention que nos équipes et nos clients portent à ce sujet. Les premières ventes, pour un test, sont vraiment intéressantes. Cela fait partie des solutions de jeu que l'on compte bien accompagner pour rester une enseigne pertinente sur son segment de distribution de jeu vidéo.

Est-ce que le réseau de magasins est menacé de fermeture ?

La réponse est clairement « non. » Il n'y a aucune fermeture de l'ensemble du réseau de magasins de prévue. Je mets un bémol, puisque tous les ans, nous avons ouvert et fermé des magasins, parce que parfois, on a pu se tromper d'emplacement, ou on a pu avoir besoin de déplacer un magasin dans un même centre commercial, ou parfois lorsqu'un bailleur a mis fin à notre concession en cas de travaux. Cela s'appelle de la gestion de parc de magasins. Nous continuerons à être exposés à des fermetures de ce type, mais nous allons continuer de rénover et ouvrir des magasins.

« En 2019, nous serons à effectif équivalent par rapport à ce que l'on a fait l'an passé »


S'agissant des effectifs, où en êtes-vous ? Un plan social est-il envisagé ?

C'est stable. Nous sommes à 1 650 salariés environ en France. Le développement de notre activité produits dérivés est consommateur de recrutements. Si nous voulons continuer à être performant, il faut continuer à recruter du personnel qui a des connaissances en achats et en logistique.

Il n'y a pas de plan social prévu chez Micromania.

Pour 2019, est-ce que la société comptera davantage de salariés, ou moins ?

Si je dois me fier au prévisionnel que nous avons établi pour cette année, nous serons à effectif équivalent par rapport à ce que l'on a fait l'an passé.

Au niveau de l'organisation des effectifs, quelle part concerne le physique ? Et quelle part concerne l'omnicanal ?

Sur l'omnicanal, nous renforçons nos effectifs, nous avons notamment besoin de développeurs informatiques, qui est un poste qui prend de plus en plus de poids dans l'entreprise. En magasin, le staffing est stable d'une année à l'autre, tout simplement parce que le nombre de magasins est stable, entre 415 et 425 magasins.

Estimez-vous que Micromania est véritablement en train de réussir sa mue sur le Web ?

Micromania.fr est de loin le plus gros magasin de notre parc de magasins, si l'on prend son chiffre d'affaires qui est en croissance forte. Nous restons très ambitieux pour notre site Web pour 2019.

« Le chiffre d'affaires de 2018 est le second plus gros jamais réalisé par l'entreprise »


Quel fut le chiffre d'affaires de Micromania l'an passé ?

En 2017, ce fut 735 millions d'euros TTC. Les chiffres de 2018 ne sont pas encore communiqués, puisque notre exercice s'est terminé fin janvier. Je vois où on va atterrir, et tout ce que je peux vous dire, c'est que le chiffre d'affaires de 2018 est le second plus gros chiffre d'affaires jamais réalisé par l'entreprise.

...après 2017, donc ?

(Rires) Oui tout à fait. 2017 était le record, et nous n'avons pas battu le record. Mais nous nous en sommes vraiment rapprochés. Il était difficile de rivaliser avec 2017 puisque l'année aura été marquée par le lancement de la Nintendo Switch, et vous le savez, les années de lancement de console sont très porteuses.

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2019 risque d'être une année un peu creuse justement, avec une PS4 et une Xbox One qui arrivent en fin de vie ?

C'est en effet une année charnière sur ces modèles-là, mais Nintendo prévoit cette année plus de consoles vendues en France que l'an passé. Ils sont très forts dans l'Hexagone.

Allez-vous lancer des opérations spéciales cette année ? J'imagine que vous allez toujours miser sur des événements comme le Black Friday notamment ?

Complètement. Il y a la semaine de Black Friday, les opérations que l'on a l'habitude de lancer tout au long de l'année, notamment les Prix Givrés, les Bonnes Affaires. Nous restons très attachés à notre présence dans ces grands rendez-vous, avec des prix très attractifs pour nos clients. Le Black Friday fait partie désormais des incontournables, et pas que dans le jeu vidéo.

« Les Gilets Jaunes ? Ça nous a coûté un petit billet »


Est-ce que vous avez eu des retours sur les soldes d'hiver de cette année ?

En fait, et contrairement au prêt-à-porter par exemple, il est assez difficile de comparer une année à une autre. Je m'explique : une année, vous allez avoir des offres sur des jeux ; une autre, ça peut être sur des jeux et des consoles. Cette année, au mois de janvier, nous avions des offres à proposer sur des consoles, ce qui n'était pas le cas l'année dernière. Lorsqu'on compare les chiffres de cette année par rapport à ceux de l'année dernière, nous sommes en large progression, mais ça ne veut pas dire que les soldes ont été plus dynamiques dans leur ensemble. En toute honnêteté, la distribution est au niveau de celle de l'an passé, après avoir eu des mois de novembre et de décembre chahutés par tous les événements qui ont eu lieu en France avec les Gilets Jaunes, ou plusieurs centres commerciaux ont été bloqués.

Le mouvement des Gilets Jaunes a eu une véritable incidence sur vos chiffres ?

Nous avons un peu de mal à l'évaluer assez précisément, mais ça nous a sans doute retiré une partie du chiffre que l'on aurait dû faire sur ces deux mois-là. Nous avons eu des magasins inaccessibles des samedis entiers sur cette période, donc forcément, ça fait des dégâts. Et au bout du compte, ça nous a coûté un petit billet oui.

Le digital et le produit dérivé sont les deux segments les plus dynamiques en termes de croissance. Un phénomène de Fortnite tire énormément, à la fois les ventes digitales et les produits dérivés.

« On constate une vraie féminisation de notre clientèle »


Micromania a largement franchi le cap de la trentaine d'années. À l'époque, et même au début des années 2000, quand le jeu vidéo a explosé, la moyenne d'âge des acheteurs était plus basse, non ? Et justement, a-t-elle grimpé ou s'est-elle stabilisée ?

La moyenne d'âge augmente, parce que nos clients vieillissent avec l'enseigne. Il y a une quinzaine d'années, l'âge moyen des clients était entre 18 et 22 ans. Aujourd'hui, il est plus entre 25 et 30 ans. Ce qui est intéressant, c'est que beaucoup de nouveaux jeunes clients tirent leurs parents dans le magasin, mais on constate aussi une vraie féminisation de notre clientèle, qui est liée aux produits dérivés. Globalement, nous avons plus de familles aussi. Le public a beaucoup évolué ces deux dernières années.

Alexandre Boero

Chargé de l'actualité de Clubic

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM), pour écrire, interroger, filmer, monter et produire au quotidien. Des atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la prod' vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et Koh-Lanta :)

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Commentaires (6)

thurim
Ce qui est dommage, c’est que le support physique est source de beaucoup d’emmer… maintenant.<br /> Le fait de devoir changer de disque sur PS4, quand on s’est habitué au dématérialisé, mine de rien, c’est un sacré retour en arrière en terme de confort d’utilisation.<br /> Si tu rajoutes le fait qu’avec l’age, tu te retrouves à plus avoir de place pour stocker les boites… bah tu commences vraiment à douter de la possibilité d’un avenir pour le physique, hors marché de niche.
BetaGamma
C’est surtout les achats dématérialisés qui posent problème ! Pas d’occasion, pas de revente, rien… et pas de TVA, ni d’impots…
Funkee
Il reste le marché de l’occasion pour motiver les gens à rester aux supports physiques
thurim
Je pense que ça dépend des consommateurs au final. Personnellement, je ne fais plus de revente depuis que je bosse.
iosandroid
Un jeu version “boite” ça se prête, ça se revend, c’est jouable immédiatement sans attendre 10h de téléchargement (et oui tout le monde n’a pas la fibre), le jour ou la console n’est plus supportée par l’éditeur on reste propriétaire de nos jeux (bonne chance pour retélécharger des jeux payés sur une platforme fermée par l’éditeur). Bref vive les boites, le démat il n’y a que les éditeurs qui y gagnes et le consommateurs sont les dindons de la farce !
Vraiages
Et le fait de ne plus pouvoir stocker de jeux démat a cause de place sur l’hdd, c’est aussi une problématique forte. Tout le monde n’a pas la possibilité de supprimer et télécharger régulièrement pour faire de la place avec une connexion de base.
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