Live Japon : le corps humain, un réseau sans fil ?

13 octobre 2007 à 13h00
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Voici, comme chaque semaine un nouveau reportage en direct du Japon, réalisé grâce à notre correspondante permanente sur place : Karyn. Présente dans la célèbre ville de Tokyo, Karyn nous propose donc de nous faire vivre l'actualité high tech de ce côté-ci du globe. Dépaysement garanti !

« Je veux que les Nippons soient inséparables de leur téléphone portable », déclara il y a quelques mois à l'auteur de ces lignes le gourou japonais des télécommunications mobiles, Takeshi Natsuno, lequel sévit depuis des années chez le numéro un local du secteur, NTT DoCoMo. Ce jour-là, où le mobile deviendra réellement vital, sinon à l'homo-sapiens du moins à ses représentants vivant sur l'Archipel, approche à grands pas. C'est que ledit NTT DoCoMo a dans ses laboratoires de Yokosuka une technologie étonnante (effrayante ?) pour rendre le Nippo-sapiens encore plus dépendant qu'il ne l'est déjà de son sacro-saint « keitai » (mobile), et réciproquement.

Un téléphone qui nous identifie partout

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NTT DoCoMo a en effet conçu un prototype de téléphone qui, pour dialoguer avec son environnement direct, se passe allègrement de Bluetooth et de toute autre technologie de communication sans fil de proximité actuelle. Ce terminal inédit emploie un mode de conversation avec les objets alentours baptisé en japonais « jintai tsushin », ce qui en bon français se traduit par « télécommunications par le corps humain ». Avec ce téléphone unique (brièvement évoqué dans le reportage sur le salon Ceatec 2007), quand le chercheur Yuji Nakayama quitte son bureau, une voix synthétique le salue par son nom. Elle le reconnaît. Lorsqu'il s'engouffre dans le métro, il peut passer le portique sans ticket, sans sortir ses mains de ses poches mais sans pour autant truander : il est automatiquement authentifié.

Même chose lorsqu'il arrive à l'entrée de son immeuble : le sas s'ouvre et un message retentit: « bienvenue à la maison Nakayama-san. Vous avez du courrier ». Et ce dernier de se contenter alors de poser un doigt sur la poignée de la boîte à lettres pour qu'elle s'ouvre : elle l'identifie, au toucher. M. Nakayama n'a pas non plus à fouiller au fond de sa poche pour en extirper les clés de son appartement : la porte d'entrée se déverrouille lorsqu'il la frôle de sa main.

Dans l'univers expérimental du cobaye volontaire Nakayama, tout se fait ainsi, comme par enchantement, grâce à son téléphone mobile qui lui sert de sésame, à condition qu'il l'ait sur lui en permanence. Si tel n'est pas le cas, le téléphone, chagriné, se bloque! Le prototype de terminal de M. Nakayama, qui a certes encore un côté « bricolo », utilise le corps comme mode de locomotion pour transmettre des données à des capteurs au sol, aux poignées, aux portiques de métro et autres objets.

Une technologie qui utilise le corps humain

Ainsi, lorsque M. Nakayama marche sur le pas de porte de son immeuble, un signal d'identification part de son téléphone mobile, transite par son buste, ses jambes, ses pieds et traverse ses semelles pour atteindre un récepteur au sol qui lui-même est raccordé au système de sécurité gérant l'accès des résidents. Le principe consiste à s'employer la conductivité naturelle du corps pour véhiculer des informations. Cette technologie, sur laquelle travaille depuis plusieurs années NTT DoCoMo dans le sillage de sa maison-mère NTT, ainsi que son rival KDDI ou encore le groupe d'électronique Matsushita, ouvre la voie à une foultitude d'applications inédites. Intégrée dans un téléphone portable, elle est censée faciliter la vie du mobinaute dans ses actes quotidiens. Exemples : deux personnes équipées d'un tel mobile pourront se transmettre leurs coordonnées et d'autres informations contenues dans leurs terminaux simplement en se serrant la main. Finies les traditionnelles courbettes accompagnant les échanges protocolaires de cartes de visite en papier, obligatoires au Japon, à chaque nouvelle rencontre.

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De même, suffira-t-il de poser sa main sur une caisse enregistreuse dans un commerce pour payer, sans authentification biométrique, simplement en ayant sur soi son mobile faisant office de carte de crédit ou de porte-monnaie électronique. Un aveugle pourra être guidé vocalement par son terminal cellulaire à synthèse vocale en recevant des informations depuis le sol par des étiquettes électroniques, via sa canne blanche et sa main, sans utiliser la localisation par satellite GPS ni le réseau cellulaire. Le siège, le volant et autres éléments configurables des voitures s'ajusteront automatiquement dès que le conducteur sera assis, le véhicule le reconnaissant grâce à son téléphone qui communiquera directement avec le siège via le corps humain, à travers les vêtements. Un ordinateur n'exigera plus de mot de passe, il se connectera automatiquement à un réseau lorsque l'utilisateur le touchera, à condition qu'il fasse partie des individus autorisés. On peut imaginer bien d'autres utilisations encore.

Des performances amenées à se développer

Pour le moment, les débits du prototype actuel NTT DoCoMo sont relativement faibles, mais cela n'est pas une limite car les chercheurs ont déjà démontré que la technologie « jintai tsushin » permet d'atteindre des performances nettement supérieures à Bluetooth. Selon KDDI, il est en effet en théorie possible d'avoisiner les 17 mégabits par seconde (Mbit/s). Une vitesse de transfert de plusieurs mégabits par seconde est déjà à portée de main, dans un centre de démonstration dudit KDDI. Ce qui signifie qu'il sera à moyen terme possible par exemple d'écouter de la musique en ayant un casque sur les oreilles et le téléphone/baladeur dans la poche, sans aucun fil entre les deux, ou bien de regarder des vidéos avec des lunettes/écran, juste en utilisant le corps comme mode de transmission.

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Lorsque les premiers tests ont été effectués il y a déjà plusieurs années par NTT, l'une des difficultés majeures résidait dans la possibilité d'obtenir des débits relativement élevés tout en miniaturisant le capteur/émetteur de signaux. Matsushita avait déjà à l'époque de son côté créé des tout-petits produits, mais leurs performances étaient insuffisantes pour les employer à d'autres fins que la transmission de quelques kilobits. Leurs applications étaient de facto restées cantonnées à quelques usages professionnels dans le secteur de la grande distribution. Ce problème a été en partie réglé récemment par une toute petite société nippone, inconnue du grand public, qui est parvenue à produire un composant de la taille d'un timbre-poste, celui-là même que NTT DoCoMo a plaqué au dos de son prototype. Du coup, les choses se sont accélérées ces derniers mois et le premier opérateur nippon, pionnier du secteur des télécoms mobiles depuis le départ, pense être en mesure de lancer des terminaux dotés de cette technologie de télécommunications sans fil de proximité dans un peu plus d'un an environ.

Le déploiement prévu

NTT DoCoMo envisage d'utiliser la transmission corporelle d'abord pour des fonctions de sécurité, avant de l'employer pour des services commerciaux. Ainsi prévoit-il de vendre dans un premier temps des terminaux qui se bloqueront automatiquement lorsque l'utilisateur s'en séparera. Pour cela, il faudra avoir sur soi une sorte de clef électronique (dans une poche, pendue au coup, sous forme de bracelet) qui communiquera avec le mobile via le corps. Si cet élément et le téléphone ne sont plus en contact, donc si l'un ou l'autre est éloigné du corps du porteur, le téléphone se verrouillera instantanément. Cette application assez banale (mais néanmoins fort utile) ne sera que la première étape, destinée à familiariser les clients avec cette technologie, tout en les rassurant. Il sera plus aisé ensuite de leur proposer divers autres modes d'usage potentiellement générateurs de revenus supplémentaires, le nerf de la guerre.

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Faire transiter des données entre l'environnement immédiat et le mobile, sans faire appel de façon irrationnelle au réseau cellulaire pour des applications locales, permettra en outre d'alléger la charge de données transitant par les circuits cellulaires et donc d'améliorer la qualité de service globale. La technique mise en oeuvre a aussi pour avantage d'être peu gourmande en énergie. Elle ne nécessite en outre pas de jumelage initial, contrairement aux techniques hertziennes comme Bluetooth ou Wi-Fi.

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La cruciale question de la nocivité et de la santé !

Mais, au fait, le corps, qui, à l'origine, n'est pas prévu pour ce genre de fonctions, ne risque-t-il pas d'être endommagé au passage des données? Cette légitime question n'est pas négligée par les chercheurs. Ces derniers effectuent des tests en laboratoires avec une espèce de pâte spéciale qui a les mêmes propriétés physiologiques que le corps humain, afin de mesurer les effets potentiels. Pour le moment, le signal étant très faible, aucune dégradation quelconque n'a été détectée. D'autres équipes, indépendantes, se penchent aussi sur le sujet, et n'ont à ce jour pas tiré la sonnette d'alarme. Qui vivra verra...



En attendant, NTT DoCoMo va s'acheter une bonne conscience en lançant sur le marché très prochainement un autre mobile, spécial « bien-être ». Ce modèle, développé avec Mitsubishi Electric, veillera sur la condition physique de son propriétaire en comptant les pas effectués chaque jour et mesurant divers paramètres physiologiques (pouls, taux de graisse, haleine) pour jouer le conseiller santé.

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Les chercheurs de NTT DoCoMo prévoient aussi de recharger la batterie des mobiles... en utilisant les mouvements du corps comme "turbines". Tant qu'à marcher et dépenser de l'énergie, autant que ça profite.
Les "geo trouve tout" de DoCoMo ne sont d'ailleurs pas les seuls à juger que l'humain a une fâcheuse tendance à brasser beaucoup d'air et à faire les cent pas en pure perte énergétique, fût-ce pour se délester de quelques kilogrammes superflus. L'organisation publique sur les nouvelles énergies et dispositifs industriels japonaise a elle aussi prévu d'utiliser l'activité humaine comme ressource naturelle bon marché.

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Elle a ainsi testé dans une des gares les plus fréquentées de Tokyo des tapis électrogènes placés à la sortie. Ces derniers génèrent des kilowatts en utilisant la force exercée par les centaines de milliers de personnes qui les piétinent chaque jour !

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