Live Japon : succès des sites communautaires fermés

14 juillet 2007 à 14h20
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Voici, comme chaque semaine un nouveau mini-reportage en direct du Japon, réalisé grâce à notre correspondante permanente sur place : Karyn. Présente dans la célèbre ville de Tokyo, Karyn nous propose donc de nous faire vivre l'actualité high tech de ce côté-ci du globe. Dépaysement garanti !

Les Japonais préfèrent les sites communautaires fermés

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Les Japonais ont beau être des avant-gardistes en matière de nouvelles technologies, ils sont moins inspirés lorsqu' il s'agit de nommer des nouveaux concepts d'un terme nippon. A moins qu'ils ne trouvent tout simplement plus "chic" de reprendre un mot anglophone, ce en quoi ils ne se différencieraient guère des Français. Tout cela pour dire qu'en japonais aussi, "blog" se dit "blog", et que le phénomène web 2.0 y prend de l'ampleur comme partout ailleurs.

Selon diverses études, environ un Nippon sur dix est inscrit à un site communautaire et davantage encore sont des "bloggers". Rappelons que le Japon compte 127 millions d'âmes, dont grosso modo un quart de vieux, et un cinquième d'enfants.

Toutefois, plutôt que d' étaler leur vie et réflexions personnelles sur Internet au vu et au su de tout le monde et n'importe qui, beaucoup de Japonais réservent leurs états d'âme, photos et vidéos privées à quelques personnes préalablement sélectionnées. Autrement dit, hormis des « exhibitionnistes » qui font plus ou moins commerce de leur intimité, ils sont nombreux à s'exprimer uniquement sur des plates-formes de blogs et réseaux communautaires sur cooptation.

Ces lieux fermés sont aux sites personnels et communautaires traditionnels ce que les bars privés sont aux débits de boissons, on n'y est admis que sur présentation et invitation de l'auteur ou d'un membre, non sans avoir à donner son identité et des gages d'honnêteté à l'entrée. Notez toutefois que le fait que ces réseaux soient réservés à des visiteurs choisis ne signifie pas qu'on n'y trouve pas l'équivalent de blogs "journaux intimes" ou autres types de sites très personnels. Simplement, tout le monde ne peut pas venir les lire, seulement ceux que l'auteur a conviés.

Mais pourquoi diantre les Japonais préfèrent-ils le milieu clos des Social Network Services (SNS) aux sites et "blogs" ouverts de la toile: eh bien pour la bonne et simple raison que c'est plus convivial et plus sûr. On est entre amis de bonne compagnie, on n'y croise que des gens connus (au moins virtuellement), et pas des hordes d'enquiquineurs qui viennent là écrire n'importe quoi, faire leur propagande nauséabonde ou semer la pagaille d'une manière ou d'une autre. Et ce même si au Japon les participants des forums et autres lieux immatériels d'échange de vues semblent un peu plus civilisés que ceux que l'on rencontre hélas souvent ailleurs. Reflets de la société réelle. De surcroît, pour les Japonais, chez qui perdurent quelques restes de culture confucéenne, la notion de communauté solidaire demeure importante. On a en outre tendance à considérer que pour faire partie du groupe, il faut le mériter.

Mixi : chronique d'un succès aux sites communautaires... fermés !

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La plus importante plate-forme de tribus est exploitée par la firme Mixi, née en février 2002. A elle seule, elle totalise depuis mai 2007 plus de 10 millions de membres inscrits, tous sur invitation bien sûr, et des centaines de milliers de sites, c'est-à-dire autant de clubs fermés. Le nombre d'encartés Mixi grossit au rythme impressionnant d'environ 15.000 par jour.

Le phénomène Mixi est tel qu'il existe un guide spécifique en ligne pour les néophytes, lequel explique précisément comment entrer dans la communauté. Mais inutile d'espérer y trouver une ruse quelconque: les choses sont clairement exposées: pour faire partie du club de privilégiés, il n'y a pas cinquante solutions, il faut faire le tour de ses amis et des amis de ses amis pour trouver quelqu'un qui accepte de vous envoyer par e-mail une invitation en bonne et due forme.

Reste que vu son rythme de croissance, Mixi a de plus en plus de difficultés à éviter que des petits malins passent à travers les mailles du filet. S'ils jouent ainsi les chevaux de Troie, ils ne se comportent toutefois pas forcément comme des malfrats. Cette plate-forme reste ainsi de l'avis général la plus sûre et c'est justement la raison pour laquelle elle continue de tenir la dragée haute aux concurrents qui proposent un système ouvert.

Selon la société de classement NetRatings Japon, les membres des SNS passent en moyenne 3 heures 54 minutes par mois dans les clubs où ils sont acceptés, soit, un temps plus long que sur les traditionnels "blogs".

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Les plus inconditionnels des SNS de Mixi ont entre 20 et 30 ans, mais tous les âges et catégories sociales y sont représentés. Les jeunes mères de famille adorent, qui se refilent des conseils à la pelle pour l'éducation de leurs rejetons, le shopping, l'art de concilier vie professionnelle et privée et autres sujets de préoccupation. Au point que leurs maris vont jusqu'à les surnommer « Mixi ». Les cercles de jeunes, qui autrefois se contentaient de se réunir sur les campus ou dans des salles municipales pour conduire diverses actions sociales ou partager des loisirs, ont donc désormais leur pendant en ligne.

Les écoliers et collégiens ne sont bien sûr pas en reste, d'autant que certaines classes ont leur site officiel. Mais les plus dingues de Mixi sont sans nul doute les adolescents et jeunes adultes célibataires qui utilisent le plus souvent leur téléphone mobile pour poster des photos, des commentaires et des articles à tout bout de champ.

On trouve en outre sur Mixi des outils qui ne se différencient guère de ceux proposés sur MySpace comme la "Mixi Station" qui permet de faire écouter des musiques aux amis, sans téléchargement, et à ces derniers de les acheter sur les plates-formes iTunes ou Amazon par un simple clic.

Mixi vient par ailleurs d'intégrer un moteur de recherches borné à son environnement et diverses autres fioritures. Pour conserver sa place de numéro un, cette plate-forme cotée en Bourse, créée et dirigée par un jeune homme de 30 ans, Kenji Kasahara, est en effet obligée d'évoluer sans cesse, car la concurrence se fait de plus en plus féroce. Tout le monde espère bien sûr dévorer une part de l'énorme gâteau publicitaire qu'offrent ces espaces, à 80% financés par les annonceurs.

La concurrence se profile à l'horizon

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Le magnat des médias australo-américain Ruppert Murdoch (Newscorp), propriétaire de MySpace, n'a évidemment pas laissé passer le coche, qui s'est associé au milliardaire nippo-coréen Masayoshi Son, patron du groupe de télécoms nippon Sofbank, pour lancer fin 2006 la version japonaise de cette plate-forme pour ordinateurs et terminaux mobiles. ! Japon (également en partie détenu par Softbank) a dans la foulée créé Yahoo Videocast, une plate-forme communautaire de partage de vidéos et autres contenus multimédias, suivi par Sony qui vient d'ouvrir la sienne.

La plus importante galerie commerciale virtuelle Rakuten avait pris les devants en faisant son entrée sur ce créneau porteur des sites communautaires en mars 2006, espérant une forte synergie entre ses boutiques et les tribus de consommateurs. Le lien entre SNS et commerce est en effet d'autant plus fort au Japon que les discussions virtuelles comme réelles tournent souvent autour du shopping, des loisirs, de la gastronomie...

Du coup des logiciels d'analyse du "kuchi komi" en ligne (bouche à oreille) ont vu le jour pour mieux exploiter les jugements portés sur tel ou tel produit ou service. NTT Data propose par exemple un outil qui permet de comprendre automatiquement, à partir de mots-clefs recherchés, les phrases contenues sur les sites écrits par le grand public. Contrairement à d'autres moteurs d'analyse, le système ne se limite pas à repérer des mots ou noms dans un texte, mais il peut faire ressortir séparément les opinions positives et négatives (par exemple: "cette console de jeux, je la veux" ou "elle n'est pas pratique"). Le programme, dont on comprend l'utilité pour les annonceurs, reconnaît quelque 36 milliards de combinaisons de sens et impressions émises dans les phrases à partir des relations de mot à mot.

Des variations liées au concept

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Outre le filon commercial, une autre tendance, moins forte mais réelle, a émergé depuis quelque temps: le "journalisme citoyen", avec dans un premier temps le lancement au Japon de la plate-forme d'origine sud-coréenne "Oh! My News" bientôt suivie par de nombreuses autres initiatives connexes.
Insatiables lecteurs de journaux et magazines, sur papier, sur PC ou sur mobiles, et amateurs avertis de photos d'actualité, les Japonais ont certes culturellement quelques réticences à faire publiquement état de leurs opinions, mais cela ne les empêche nullement de témoigner et de contribuer à la diffusion d'informations.

Mixi, encore lui, propose ainsi depuis quelques semaines un service de dépêches qui peuvent être reprises et commentées par ses membres, ce qui permet d'analyser « quels sujets intéressent qui » et d'en tirer des statistiques bien utiles pour les affaires de la maison (publicités liées).

Plus étonnant, la plus vieille agence de presse du monde, la française AFP, s'est associée au Japon à plus d'une dizaine de fournisseurs de services de blogs locaux, offrant aux créateurs de sites personnels le droit de reprendre librement ses photos d'actualité et la possibilité de les commenter. Potentiellement, ce service est utilisable par plus de dix millions de bloggers nippons de "Yahoo Japan! Blog", "Seesaa", "Sixapart", "Jugem" et "SportNavi.com". Ils peuvent ainsi faire apparaître en deux clics sur leur propre site les photos protégées de l'AFP, sans pouvoir toutefois les télécharger ni les stocker sur leur machine. Elles sont en outre systématiquement accompagnées de leur légende officielle en japonais.

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Ce service, qui est une première dans l'univers des grandes agences de presse mondiales, vient compléter une plate-forme de photos et dépêches en japonais avec blogs personnels que l'AFP a lancé pour le moment uniquement au pays du Soleil-Levant.

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Soulignons pour conclure que les réseaux communautaires constituent aussi un nouveau moyen pour les entreprises japonaises de faciliter la communication et l'entraide entre salariés. Elles sont ainsi de plus en plus nombreuses à proposer des plates-formes internes pour leurs collaborateurs. Ces sites, où la hiérarchie n'est pas censée exister (ce qui n'est pas facile au Japon), sont le plus souvent des sites d'entraide ou des salons de discussion sur les loisirs, la famille, et divers autres sujets inoffensifs pour l'entreprise. En clair, ils ne se transforment pas illico en antichambres de fomentation de grèves et autres révoltes syndicales même s'il n'est pas interdit (au contraire) d'y faire état en conscience de ses préoccupations professionnelles.

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