Les écrivains s'interrogent sur le livre électronique

26 mai 2009 à 12h26
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Bien décidé à ne pas subir le même sort que l'industrie musicale, le conseil permanente des écrivains -une association fondée en 1979 et ayant notamment milité pour le prix unique du livre -a organisé il y a quelques jours à Paris un débat intitulé "Livres Riches, Auteurs Pauvres ?".

Réunissant l'avocat Christophe Caron, l'écrivain Régis Jauffret, l'éditeur Reynald Mongne, le scénariste de bandes dessinées Olivier Jouvray ou encore l'éditrice Constance Krebs, le débat, animé par la journaliste Karine Papillaud, portait sur l'avènement de nouveaux types de livres, éventuellement enrichis d'éléments multimédia, et surtout sur le modèle économique de l'industrie du livre à l'heure d'internet.

Loin d'opposer livre imprimé sur papier et livre électronique, les intervenants ont au contraire cherché à relativiser le passage au numérique. "Depuis les premières tablettes en argile il y a 5000 ans, le livre n'a cessé d'évoluer et de s'enrichir" a expliqué Constance Krebs, qui avait notamment participé à la création des éditions 00h00 à la fin des années 90 ; "Les expérimentations ont souvent été des fausses pistes. Le livre enrichi n'en est qu'à ses débuts" a pronostiqué Olivier Jouvray, co-fondateur du groupe KCS production ; "On peut imaginer l'introduction d'oeuvres musicales ou de peintures dans la prolongation des notes de bas de page" a suggéré Olivier Caron, Avocat à la cour et Professeur de droit ; "Avant d'être imprimé, un livre est déjà un fichier numérique" a rappelé Olivier Mongne, patron des éditions Ginkgo. "La vraie innovation est très rare et le livre numérique n'est que le portage d'un art ancien sur un nouveau support" a souligné pour sa part Régis Jauffret, auteur de Lacrimosa. (éd. Gallimard, 2008.).

Sceptiques sur l'avènement d'un livre multimédia ou collaboratif, les membres de la table ronde semblaient surtout s'interroger sur le modèle économique du livre électronique, un livre certes moins coûteux à imprimer ou à distribuer, mais sur qui pèse également le risque d'une baisse des prix voire d'un piratage généralisé. "Avec Internet, nous assistons à une explosion de la consommation de produits culturels et les consommateurs ne sont pas prêts à payer ces biens au prix auquel ils étaient jusqu'à présent vendus" a expliqué Olivier Jouvray. Une baisse des prix qui pourrait faire de nombreux perdants. "J'ai peur qu'un livre électronique ait un prix inférieur à un livre en papier et que cela se fasse aux dépends des auteurs" a indiqué Régis Jauffret. "Même un livre électronique coûte au moins deux euros à éditer" a expliqué Olivier Mongne, inquiet pour l'avenir des petits éditeurs.

Affichant une certaine unité contre le piratage, les intervenants s'opposaient par contre sur les pistes à suivre pour éviter une baisse de leurs marges. Tandis qu'Olivier Mongne évoquait le rapprochement entre éditeurs et distributeurs avec par exemple le rachat de Tite-Live par Gallimard, les auteurs évoquaient pour leur part la piste de l'auto-publication. "Les auteurs à succès finiront sans doute par vendre directement leurs ouvrages sur des kiosques comme l'App Store d'Apple. Quand aux auteurs qui ne vivent pas de leur plume, ils pourraient être tentés de faire de même, pour que les sommes dérisoires qu'ils touchent ne soient pas captées par des intermédiaires devenus inutiles" a indiqué Régis Jauffray. "Ce n'est pas compliqué de créer un site internet et de mettre en place des moyens de paiement. Dans la bande dessinées, il y a déjà des auteurs qui s'organisent en coopérative avec un certain succès." a expliqué Olivier Jouvray.

Outre l'auto-publication, le débat a également évoqué la piste de la "licence globale", une sorte d'impôt sur la création qui pourrait rémunérer les auteurs ou les écrivains. Mais cette solution ne semblait pas réaliste pour Olivier Caron. "La France ne peut pas faire ce qu'elle veut en matière de droits d'auteurs. Au nom de la hiérarchie des normes, notre législation doit se conformer au droit communautaire et à nos engagements internationaux qui vont dans le sens d'un renforcement du droit d'auteur plutôt que dans celui de sa collectivisation" a rappelé l'avocat qui plaidait pour une refonte des contrats d'édition, inadapté à l'ère de l'informatique (notion d'épuisement du livre) et ne prévoyant pas d'autres modèles économiques comme la publicité ou l'abonnement.

S'improvisant avocat des libraires, Régis Jauffret s'inquiétait également des textes tombés dans le domaine public, disponibles gratuitement sur internet, et qui pourraient détourner les consommateurs des librairies de quartier. "Il ne faut pas que ces livres deviennent gratuits. On pourrait imaginer une prolongation du paiement du droit d'auteur et que ces revenus reviennent à une sorte de caisse centrale des libraires" a proposé Régis Jauffret, qui teste également d'autres modèles tels que la lecture publique (et payante) de ses ouvrages.

Nouveaux écrans, nouveaux modes de distribution, nouveaux modèles économiques... cette table ronde du Conseil Permanent des écrivains posait en tout cas plus de questions qu'elle n'apportait de réponses pour l'avenir du monde littéraire, un secteur pris de "folie" pour reprendre les termes de l'un des membres du CPE. "Le vrai défi est surtout de pousser les moins de 30 ans à lire à nouveau des livres" a conclu Constance Krebs. Reste à savoir si les ouvrages que liront les nouvelles générations sur leurs smartphones et autres tablettes tactiles seront le fruit d'auteurs professionnels ou d'écrivains passionnés... mais bénévoles.
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