Services mobiles : la crise ? quelle crise?

02 mai 2009 à 09h43
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S'il y a un secteur d'activité japonais pour le moment quasiment totalement épargné par la crise et qui ne se fait guère de tracas, il s'agit de celui des services de télécommunications cellulaires. On savait, et depuis belle lurette, les Nippons incapables de se séparer de leur sacro-saint mobile, on en a une nouvelle preuve aujourd'hui. Il semble en effet qu'ils préfèrent rogner sur moult autres budgets pour préserver intact celui consacré à l'utilisation multimédia de leur "keitai denwa". On insiste sur le mot utilisation, car il en va différemment concernant les achats de terminaux.

Voilà en tout cas ce que reflètent pour l'heure les résultats financiers annuels des trois plus importants opérateurs japonais, NTT Docomo, KDDI (service AU) et Softbank Mobile.

Le pionnier de l'internet mobile, NTT Docomo, qui a lancé le concept des services en ligne sur téléphones i-mode il y a précisément 10 ans et en tire des profits colossaux depuis, a annoncé cette semaine avoir dégagé un gain net de 472 milliards de yens (3,6 milliards d'euros) au cours de l'exercice budgétaire bouclé le 31 mars dernier. Son bénéfice d'exploitation a progressé de 2,8% comparé à celui de l'année précédente à 6,4 milliards d'euros, grâce à des frais amoindris. Le chiffre d'affaires annuel de NTT Docomo s'est pour sa part établi à 35 milliards d'euros, en baisse de 5,6% sur un an, "du fait des programmes de réduction tarifaire", mais pas d'une chute des consultations de sites.

Durant l'année, NTT Docomo a fortement diminué ses dépenses (-7,3% sur un an), ce qui a permis de gommer totalement le déclin des recette dû d'une part à la baisse des tarifs de base entraînée par la concurrence mais aussi aux moindres ventes de terminaux. Rappelons en effet que les téléphones ne sont distribués au Japon que par les opérateurs et ne peuvent être achetés nus, sauf rares exceptions. NTT Docomo a écoulé 20,13 millions de mobiles neufs durant l'année, soit 22% de moins que l'an précédent. Nous avons dit plus haut que les Japonais n'avaient apparemment pas diminué leurs dépenses de services mobiles, en revanche, ils ont désormais tendance à se contenter de modèles de téléphone plus anciens déjà richement dotés au lieu de sauter sur toutes les nouveautés comme ils le faisaient précédemment. On peut y voir comme Docomo un petit effet de la crise et une prudence financière.

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L'opérateur estime en effet que "comme la conjoncture économique s'est mondialement détériorée, un léger impact négatif s'est fait sentir sur la vente de terminaux", sans que cela ne plombe ses comptes. Une autre explication est toutefois possible: les téléphones qui sortent depuis dix-huit mois n'apportent plus vraiment de possibilités nouvelles transcendantes par rapport aux précédents. Du coup, il n'y a pas forcément nécessité d'en changer. D'autant que la modification récente du mode de tarification des dits terminaux a abouti à des prix moins avantageux, un facteur qui compte en période d'anxiété face à l'avenir. Mais la baisse des achats de nouveaux mobiles n'a pas non plus que des inconvénients puisque cela se traduit aussi pour NTT Docomo par un amoindrissement des frais d'acquisition des dits appareils auprès de ses fournisseurs, et par une réduction des commissions versées aux revendeurs.

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NTT Docomo, qui avait traversé un passage à vide en 2006/2007, a décidé depuis de cajoler ses actuels abonnés au lieu de s'escrimer à en recruter de nouveaux à grands frais, d'autant que sa bonne image ainsi recouvrée attire du monde. Le service dans les boutiques de Docomo est remarquable. "Bienvenue, quel est votre souci? Code du terminal oublié. Bien asseyez-vous je vous en prie, nous allons régler ce problème. Voilà. Avez-vous besoin d'autre chose? Nous vous remercions de votre visite et de votre patience". Courbettes, sourires, etc. Pas un soupir, un signe d'énervement, un mot de reproche, aux petits soins, quel que soit le client. Bien entendu, dans tous les commerces japonais, le service est généralement bon. Mais dans les temples de l'électronique comme Bic Camera ou Yodobashi qui vendent aussi des téléphones, le bruit, la foule, les promotions tapageuses gâchent un peu la prestation. Du coup, par ses boutiques gérées en propre, Docomo montre le contraste. Ses rivaux font d'ailleurs de même, mais la différence se joue alors sur les outils dont chaque opérateur dispose pour répondre aux questions et besoins de chacun. Chez Docomo, on parierait qu'ils ont étudié tous les cas de figure et former avec forces cours et manuels tout le personnel pour être capables de répondre à tout sur-le-champ.

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Quoi qu'il en soit, on perçoit que c'est tel est bien le but du jeu. Du coup, le portefeuille de clients de Docomo s'est enrichi de 1,2 million de nouveaux noms entre avril 2008 et mars 2009. Il a ainsi terminé l'année budgétaire avec plus de 54,6 millions de souscripteurs lucratifs et très fidèles, dont 49 millions (91%) ont choisi une offre de troisième génération (3G). Le taux de rupture de contrat de NTT Docomo est tombé à 0,5%. Le Japon compte au total 112 millions d'abonnés à un service de télécommunications mobiles. Chaque client rapporte en moyenne à NTT Docomo 5710 yens (44 euros) par mois, dont 2380 yens (42%) sont imputables à l'utilisation de services de données.

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Si les Nippons n'amputent pas trop leur budget mobile, c'est aussi parce qu'ils n'en voient guère la possibilité, voire n'y pensent pas ou ont la flemme de faire les démarches éventuellement requises. En effet, du fait du mode largement répandu de tarification forfaitaire quel que soit le volume de données transitant sur le réseau, que l'on surfe peu ou beaucoup revient en gros au même. Finalement, la variable d'ajustement concerne davantage les abonnements aux sites divers de fournisseurs tiers (beaucoup sont payants en sus du forfait), mais cela n'impacte pas directement les recettes des opérateurs qui, eux, encaissent le forfait lié au flux de données. Pour l'année en cours qui s'achèvera le 31 mars 2010, NTT Docomo table d'ailleurs sur un bénéfice d'exploitation stable et un gain net en augmentation, même si son chiffre d'affaires devrait baisser un peu, mais pas tant à cause de la récession qu'en raison des inéluctables baisses de tarifs et promotions auxquelles il est poussé par les concurrents.

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Le deuxième acteur du secteur, KDDI, a lui aussi confirmé la forte rentabilité de ses services mobiles. D'avril 2008 à mars 2009, KDDI a encaissé un bénéfice net de 1,7 milliard d'euros, en hausse de 2,3% sur un an et un gain d'exploitation en progression de 11% pour un chiffre d'affaires de 27,4 milliards d'euros. Malgré la baisse du chiffre d'affaires, la première pour KDDI en six années budgétaires et qui est due à la chute du nombre de terminaux mobiles vendus (-32% à 11 millions d'exemplaires), la nette augmentation des profits d'exploitation s'explique par le rendement des services multimédia mobiles.

Leur profitabilité a en outre été fortement aidée l'an passé par un allègement des charges liées aux achats de terminaux, et par une baisse concomitante des commissions reversées aux distributeurs. Fin mars, KDDI comptait 30,84 millions d'abonnés, soit 678.000 de plus qu'un an plus tôt, malgré la saturation du marché et la vivacité de ses concurrents Softbank et NTT DoCoMo pour capter et fidéliser les clients. Le revenu moyen par abonné mobile (ARPU) a cependant continué de décliner, sur fond d'érosion inévitable du prix des communications vocales et du fait de l'obligation de réagir aux offensives tarifaires des autres opérateurs. L'an passé, chaque souscripteur rapportait 5800 yens (44,6 euros) par mois à KDDI dont 17 euros (38%) pour les flux de données. Dans les mois à venir, la somme correspondant à des communications vocales devrait encore refluer tandis que les dépenses liées aux données est attendue en augmentation. Le groupe se prépare de facto à une baisse du revenu mensuel moyen par abonné à 5420 yens mais il espère recruter 760.000 clients supplémentaires.

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Dans la liste des "sujets/problèmes pour l'année en cours" affichée par KDDI lors de la présentation de ses résultats, le mot crise n'apparaît pas. Pour l'exercice 2009-2010, entamé le 1er avril, KDDI escompte ainsi une hausse de son bénéfice net sur un chiffre d'affaires à peu près étale. KDDI, qui rencontre actuellement des difficultés pour faire évoluer ses terminaux CDMA 1xEVDO autrement que sur le plan du design, continue de se démener pour se démarquer par des contenus et services multimédia plutôt populaires auprès des jeunes. On en reparlera dans le mois à venir puisque les nouveautés d'été vont prochainement nous être présentées et que sur ce point le troisième opérateur, Softbank, pourrait encore surprendre.

Ce groupe de télécommunications et de services internet, géré par le milliardaire Masayoshi Son, a pour sa part fait état jeudi 30 avril d'une chute de 60% sur un an de son bénéfice net pour l'année close fin mars dernier, à 332 millions d'euros, mais cela est dû à des pertes en Bourse et des écritures comptables liées à sa dette. Ses activités mobiles, elles, ne sont nullement responsables. Rachetées en 2006 au britannique Vodafone, elles sont au contraire devenues depuis la vache à lait de Softbank (représentant 60% des recettes du groupe), même si cette activité a un peu souffert l'an passé de la chute des ventes de téléphones portables. Fin mars, Softbank Mobile, qui recrute des clients à tour de bras grâce à des promotions attractives et des mobiles de plus en plus appréciés, comptait fin mars 20,63 millions d'abonnés (dont plus de 90% aux services de troisième génération), soit 18,5% du marché derrière NTT Docomo (environ 48,5%) et KDDI (28%). D'autres opérateurs plus petits se partagent les miettes restantes.

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"Depuis 23 mois d'affilée nous faisons la course en tête en nombre net de recrutements" se vante à l'envi le patron de Softbank, marque dont les campagnes de publicité à la télévision (des sagas bien montées) caracolent en tête du palmarès des spots les plus plébiscités depuis deux ans. Toutefois, le souci de ce groupe est désormais de mieux fidéliser ses clients et de les pousser à davantage consommer, puisque pour l'heure, le revenu moyen mensuel par souscripteur est nettement inférieur à celui de ses concurrents, Softbank ayant attiré à lui par des petits prix des abonnés qui ne sont du coup pas les plus dépensiers. A noter que cette semaine lors de sa conférence de presse (interminable plaidoyer pro domo comme toujours), M. Son n'a pas fait la promotion à tout va de l'iPhone comme il en avait coutume. Pour quelles raisons? Mystère. Le fait est en tout cas que ledit iPhone 3G, qu'il propose en exclusivité au Japon, est désormais quasiment offert et que malgré cela on ne se bat pas dans les magasins pour en acheter un.

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Par ailleurs, Softbank, qui se définit comme une "internet company" a vu ses marges nettement progresser sur les services d'accès à internet par ligne fixe ASDL "Yahoo! BB", profitant entre autres de frais d'amortissement moins importants qu'il y a un an, alors que le nombre d'abonnés de Softbank à ce type de service, dépassé par la fibre optique, est descendu à 4,3 millions fin mars. Le portail "Yahoo Japan!" (numéro un au Japon) et les services associés, ensemble géré par Softbank au Japon, ont pour leur part enregistré des revenus en hausse de 2,7% sur un an et des profits en progression de 8,6%, grâce à une augmentation des contenus proposés et des recettes publicitaires encaissées. S'y sont ajoutées de bonnes ventes dans la galerie marchande virtuelle "Yahoo! Shopping".

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Pour l'exercice en cours qui sera clos fin mars 2010, Softbank s'est comme d'habitude contenté de donner une prévision de bénéfice d'exploitation, sans préciser le chiffre d'affaires ni le gain net escomptés. Il espère dégager en 2009/2010 un profit d'exploitation de 420 milliards de yens, soit une augmentation de 16,9% sur un an. On verra le moment venu mais le fait est que comparé aux autres secteurs, et notamment à celui de l'électronique grand public, celui des services sur mobile n'est pas à plaindre. La grippe porcine ne devrait pas plus l'atteindre que la crise, au contraire, les communications à distance par téléphone et e-mail pourraient croître pour éviter les risques de contagion. A l'heure d'écriture de ces lignes, le virus n'avait cependant pas encore franchi les frontières de l'archipel ou du moins ne l'y avait-on pas encore repéré.

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