Live Japon : la télévision haut débit

22 mars 2008 à 01h02
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Voici, comme chaque semaine un nouveau reportage en direct du Japon, réalisé grâce à notre correspondante permanente sur place : Karyn. Présente dans la célèbre ville de Tokyo, Karyn nous propose donc de nous faire vivre l'actualité high tech de ce côté-ci du globe. Dépaysement garanti !

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- « Monsieur, vous venez d'affirmer devant ce parterre de chercheurs, ingénieurs, techniciens et producteurs japonais que vous proposez en France un bouquet de quelque 200 chaînes dont cinq en haute-définition sur réseau ADSL. Pouvez-vous nous expliquer comment vous assurez la qualité et la fluidité des flux vidéo ? Avez-vous mis en place un dispositif particulier et, le cas échéant, lequel, pour garantir un débit suffisant et stable, notamment pour la haute-définition ? »

- « "Désolé mademoiselle, je ne suis pas autorisé à répondre à cette question ».

La scène ce déroulait le 6 mars dernier à Tokyo, lors d'un symposium animé par l'auteur de ces lignes, rencontre où des firmes françaises et japonaises de premier plan présentaient leurs innovations dans le but de partager leur expérience et, pourquoi pas, leurs solutions et innovations technologiques respectives. Le point soulevé était gênant parce qu'à la vérité, et tout le monde dans la salle le savait, il est pour le moins difficile d'offrir des vidéos en flux en haute-définition sur une infrastructure ADSL, du moins si les mots ont encore leur sens technique originel et pas seulement une nouvelle signification commerciale destinée à enjôler les clients.

Au Japon, même si des fournisseurs de services comme Gyao proposent des offres de télévision sur internet, l'opérateur historique NTT n'a pour sa part jamais fanfaronné sur la TV sur réseau sous protocole internet (IPTV) tant qu'il n'avait pas mis en place une infrastructure à même de garantir un service de télévision digne de ce nom. Et ce, même s'il compte 9,5 millions de clients par fibre optique. Désormais il se sent prêt à claironner. NTT vient en effet d'achever la construction d'un réseau optique de bout en bout et intégralement sous protocole internet IPv6, ensemble généralement appelé dans le jargon des télécoms NGN ("next generation network", ou réseau de génération suivante). Il prévoit de migrer progressivement et automatiquement ses clients particuliers sur cette infrastructure de pointe (une première) à partir de la fin du mois, en commençant par Tokyo et les autres grandes mégapoles nippones, lesquelles concentrent une part majoritaire de la population.

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A la clef, un débit mieux assuré, une qualité de service (QoS) contrôlée et garantie moyennant un supplément mensuel de 200 yens (1,3 euro) à ajouter aux 4.300 yens (27,75 euros) de base, une sécurité renforcée et une flopée de prestations nouvelles ou notablement améliorées par rapport aux actuels services sur fibre (FTTH). NTT espère compter à lui seul entre 20 et 25 millions de foyers raccordés et abonnés à ce nouveau réseau national en 2010, sur un total de 48 millions de ménages recensés sur l'archipel. Au total, on dénombre déjà au Japon 30 millions de foyers accédant à internet à haut débit (soit 62,5% du total), dont 11 millions par fibre optique à 100 Mbit/s en mode symétrique (9,5 millions via NTT), 14,5 millions par ADSL de 20 à 50 Mbit/s en voie descendante et le reste par câble.

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Seulement 5% des maisonnées nippones (2,4 millions), résidant dans des îles éloignées, au fin fond de la campagne ou à flanc de montagne, ne peuvent pas, pour l'heure, bénéficier de l'une de ces offres. Mais, selon un responsable du ministère des Télécommunications, ces "zones blanches" seront effacées en 2010.

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La stratégie de NTT pour rendre ses offres attractives consiste notamment à faire appel à des tiers pour fournir des contenus populaires. Ainsi, pour accompagner le lancement commercial de "Flet's Next" (nom commercial des services sur NGN de NTT), une filiale du géant de l'électronique japonais Sony vient de présenter à Tokyo un service de TV gratuit via internet. Il emploie un procédé "multicast IPv6", avec publicités personnalisées, et est exclusivement destiné aux 9,5 millions de foyers nippons accédant déjà à la toile par fibre optique via le réseau de NTT. Sony Marketing va proposer dans un premier temps, à compter de la fin du mois, six canaux diffusés en continu sur cette plateforme baptisée "Branco", dont une chaîne d'animation japonaise, une de documentaires de Discovery Channel, un canal de musiques, un de courts-métrages et un autre de séries TV.

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Des services de TV sous protocole internet (IP) sont déjà proposés un peu partout dans le monde, mais ils reposent dans presque tous les cas sur des réseaux ADSL, infrastructures qui, comme nous l'avons souligné un peu méchamment plus haut, sont peu adaptées à la diffusion stable de flux vidéo ("streaming") en haut débit. La technologie par fibre (FTTH) permettant une vitesse de transmission élevée, Sony promet des images de la qualité d'un DVD en plein écran, sans altérations.

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Pour bénéficier de cette offre gratuite pour PC, les utilisateurs doivent au préalable télécharger un logiciel spécifique et s'inscrire en fournissant au passage quelques précisions permettant de dresser leur profil de consommateur (la gratuité a un prix qu'il faut payer de sa personne!).

Une fois ces formalités remplies, place au spectacle (à partir du 31 mars à midi, heure de Tokyo). La grille des programmes n'est pas encore publiée, elle le sera lundi 24 mars. Il sera possible de programmer à l'avance les émissions/films/animations/documentaires/séries que l'on veut regarder, auquel cas le logiciel de visionnage s'ouvrira automatiquement sur le bon canal, à l'heure dite.

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Sony Marketing a par ailleurs développé un outil de diffusion de publicités ciblées associé à ce nouveau service gratuit. Ce système permet d'intercaler entre les émissions des spots promotionnels personnalisés selon les centres d'intérêt, l'âge et le sexe de chaque téléspectateur, de ses choix antérieurs de programmes ou encore de l'heure et du lieu de résidence. « Même si deux personnes habitant ou non deux zones différentes regardent le même canal à la même heure, elles ne verront pas les mêmes spots », a expliqué Sony Marketing au cours d'une conférence de presse. A la différence des émissions transmises en "multicast", les pubs seront diffusées en "unicast", autrement dit, chacune ne s'adressera qu'à un téléspectateur particulier.

Ce service est destiné aux PC, mais d'autres, différents sont déjà proposés à destination des téléviseurs.
Ainsi, cinq grands fabricants de TV à écran plat japonais, Sony, Matsushita (TV de marques Panasonic, JVC), Toshiba, Sharp et Hitachi, ont lancé il y a quelque mois un système permettant de recevoir directement sur un téléviseur connecté à internet des vidéos à la demande (VOD), sans transiter par un quelconque boîtier. Ils ont créé pour ce faire en février 2007 une société commune qui gère une offre appelée AcTVila.

Cette co-entreprise propose une gamme de services, répartis selon trois niveaux. Le premier est constitué d'une sélection de sites d'informations spécifiques en textes et photos (météo, actualités, Bourse, vie pratique, etc.). Le deuxième est un service de vidéo à la demande en qualité moyenne dite "basique" et le troisième donne accès à des films et autres contenus en qualité DVD.

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Le tout s'appuie sur une interface visuelle simple. Nul besoin pour en profiter d'ajouter un énième boîtier sous la TV. Ces données et vidéos peuvent en effet être reçues directement par les dernières générations de téléviseurs disposant d'une prise d'accès direct à intenet à haut-débit (fibre optique, câble, ADSL). Pour être sûr que l'on dispose du débit suffisant pour profiter de la vidéo en plein écran de qualité DVD, il est recommandé d'effectuer un test avant d'acheter un téléviseur compatible, plus onéreux qu'un modèle standard. Résultat au domicile de l'auteur de ces lignes au coeur de Tokyo: de 53 Mbit/s à 70 Mbit/s selon les horaires. Pas mal, largement de quoi faire passer une vidéo exigeant dans le cas présent un débit stable de 12 Mbit/s minimum, tout en continuant à naviguer confortablement sur le net avec un ou deux PC. Divers canaux se développent aussi pour les consoles de jeu Wii raccordées à la TV, machines que Nintendo aimerait voir en permanence allumées.

En proposant ce type de prestation, les leaders japonais du secteur visent trois objectifs: ils veulent éviter que l'ordinateur ne devienne l'écran préféré des spectateurs au détriment du téléviseur; ils simplifient l'accès aux services de vidéo à la demande (navigation via la télécommande, pas d'équipements supplémentaires) pour favoriser leur décollage, séduire tous les types de dévoreurs de programmes TV (dont les seniors) et trouver des nouveaux relais de croissance; enfin, ils enrichissent fonctionnellement les téléviseurs pour justifier le maintien de leur niveau
tarifaire et enrayer ainsi la baisse infernale des prix de vente en rayon.

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Cependant, ce service AcTVila est pour le moment peu connu des acheteurs de téléviseurs et les vendeurs n'en parlent quasiment pas. Tous les postes équipés de la prise réseau et du logiciel dédié, soit environ 125 modèles déjà en rayons ou prévus dans les prochaines semaines, ne sont pour la plupart pas encore adaptés à l'offre "vidéo plein écran". Ils ne peuvent recevoir que les contenus de base (vidéo de qualité moyenne et services multimédia d'informations divers sur la météo, les embouteillages, les cours de Bourse, le trafic ferroviaire, etc.). Qui plus est, les postes équipés sont plus chers. Il faut compter un supplément de près de 150 euros. Autre souci: les contenus sont encore limités à environ 1.000 programmes (films, séries TV, magazines, animations, programmes musicaux). Ce nombre devrait toutefois être doublé au cours du printemps. Les gérants d'Actvila indiquent que sur le parc de quelque 100 millions de postes de TV susceptibles de recevoir la télévision numérique terrestre (TNT) nippone lorsque le signal analogique sera coupé en juillet 2011, 70 millions seront compatibles avec ce service. Ils espèrent que 10% des possesseurs de ces téléviseurs (soit 7 millions de ménages) seront des clients actifs d'AcTVila. Qui vivra verra.


En attendant, le lien entre internet et TV pour l'heure le plus flagrant est celui du "buzz" généré par les programmes de télévision sur les sites communautaires, blogs et plates-formes de partage. Le filon « t'as vu hier à la télé ? » est par exemple exploité par So-net, un founisseur d'accès à internet et gérant de portail affilié au groupe d'électronique Sony. So-net a conçu un nouvel outil, "Blog Keyword Visualizer TV", qui permet d'établir automatiquement un classement des émissions de TV qui font le plus jaser sur la toile, en analysant automatiquement les messages postés sur les blogs. Le système passe sans cesse en revue les quelque 800.000 contributions publiées chaque semaine sur les blogs nippons et actualise quatre fois par jour cinq classements, en faisant la distinction entre les diverses catégories de programmes (hit-parade général, séries, films, animations et variétés/magazines). Un clic sur le nom d'un des programmes renvoie à une page où sont concaténées les contributions afférentes, accompagnées des liens vers les blogs d'origine. Le site propose aussi des "gadgets", petits outils qui permettent à chacun d'afficher lesdits classements et leur évolution sur son propre blog.

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Par ailleurs, l'explosion des sites de partage de vidéos a récemment conduit Matsushita (bientôt rebaptisé du nom de sa marque phare Panasonic) à signer en janvier un accord avec Google, propriétaire de la plate-forme YouTube, pour rendre les contenus de cette dernière accessibles sur une nouvelle gamme de TV plasma qu'il devrait proposer au printemps. Sony a de son côté annoncé la commercialisation prochaine de téléviseurs pour naviguer dans les vidéos en ligne de ses filiales Sony BMG Music (musique) et Sony Pictures Entertainment (cinéma) et celles d'autres fournisseurs (dont AOL et Yahoo!).

Ces accords montrent la volonté des champions nippons des nouvelles races de TV de ne pas laisser l'écran d'ordinateur accaparer les yeux de leurs clients. S'ils parviennent effectivement à ramener ainsi les téléspectateurs devant la TV, ce sont peut-être bien in fine les diffuseurs qui trinqueront, sauf à ce qu'ils s'adaptent eux aussi et proposent leurs contenus sur les plates-formes en ligne. Certains ont commencé et le NGN de NTT tout comme l'offre "Branco" de Sony va leur permettre de se positionner plus fortement encore. Certaines chaînes ont déjà décidé de créer leurs propres pages sur les sites de partage pour éviter que leur programmes ne s'y trouvent à leur insu.
Sony, qui propose aussi un service de partages de vidéo au Japon, est pour sa part parvenu à un accord avec les organismes de gestion de droits musicaux. Les internautes peuvent utiliser une musique pour illustrer un clip vidéo confectionné par eux-mêmes, auquel cas Sony paye sa dîme aux ayant-droits.

Il serait cependant souhaitable que la qualité technique des vidéos postées sur YouTube ou ailleurs s'améliore grandement, sinon quel est l'intérêt de les regarder sur un grand écran haute-définition? Les Japonais, téléspectateurs occasionnels ou réguliers de sites de partage de vidéos, se plaignent en effet déjà du piètre rendu sur un petit écran d'ordinateur ou de téléphone mobile !
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