Live Japon : IGZO, la technologie qui sauve Sharp

03 novembre 2013 à 10h44
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Le pionnier nippon de l'affichage à cristaux liquides (LCD), Sharp, vit des mois difficiles depuis mi-2011 mais il est en voie d'être sauvé grâce à une technologie, IGZO, qu'il n' a certes pas inventée, mais qu'il a réussi à industrialiser avant tout le monde et sur laquelle il garde une belle longueur d'avance.

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Comme pour toutes les autres technologies d'affichage à base de cristaux liquides, Sharp fait la course en tête, depuis toujours. Il y a quelques jours, il a encore annoncé une prouesse de plus: qu'il allait bientôt produire au Japon des petits écrans de smartphones IGZO à partir de dalles-mères de très grandes tailles, un procédé à haut rendement inemployé jusqu'à présent.

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Sharp va façonner des écrans IGZO pour mobiles dans son usine numéro 2 de Kameyama (centre du Japon) où étaient auparavant fabriqués des écrans de téléviseurs, puis de PC et tablettes. Il va les produire, et c'est cela la nouveauté, à partir de dalles-mères dites de 8e génération, soit des substrats de verre de 2,4 mètres sur 2,16 m. L'utilisation de dalles de cette surface pour des petits écrans de smartphones de moins de 7 pouces de diagonale garantit un fort rendement, « rendu possible par une optimisation du processus de production ainsi que par la capacité de la technologie IGZO », selon le groupe.

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Cette technique tire son nom des matériaux semi-conducteurs utilisés, à savoir des oxydes d'indium, gallium et zinc, lesquels permettent de créer des matrices de transistors plus fines et dix fois moins gourmandes en énergie que celles réalisées en silicium pour les écrans LCD traditionnels dits a-Si TFT-LCD.

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C'est en 1995 que la technique IGZO a commencé de voir le jour, lorsqu'un certain professeur Hosono a proposé des semi-conducteurs d'oxyde transparent et amorphe (TAOS) avec des mobilités électroniques élevées. Puis il a conçu la technique IGZO en tant que chef d'un laboratoire d'institut de recherche public. Parce que leur mobilité électronique est 10 à 20 fois supérieure à celle du silicium amorphe, les afficheurs TFT avec IGZO peuvent avoir une résolution dix fois meilleure. Ils peuvent être posés sur des films plastiques à des températures plus basses que les matériaux actuels, et, de fait, trouver un plus large éventail d'applications.



Initialement, ce n'est pas la japonais Sharp, mais le sud-coréen Samsung, en 2011, qui le premier a scellé un accord de licence avec le laboratoire de M. Hosono détenteur du brevet. Sharp, lui, a certes attendu 2012, mais c'est quand même lui qui le premier a réussi à produire des écrans IGZO, non seulement des petites tailles, mais aussi des plus grandes, par exemple pour des moniteurs professionnels. Plusieurs autres fabricants d'écrans nippons ou non ont développé de leur côté des prototypes haute résolution, 3D et grands écrans LCD et organiques électrluminescents (OLED) à base d'IGZO, mais Sharp est loin devant dans la fabrication en série.

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Sharp est tellement avancé que Samsung s'approvisionne auprès de lui pour une partie de ses écrans. E ce n'est pas le seul d'ailleurs: Apple aussi a choisi Sharp. Une grande partie des nouveaux écrans qui seront façonnés à Kameyama devraient équiper des futurs produits Apple, en l'occurrence les prochains iPhone, iPad et ordinateurs portables de la société de feu Steve Jobs. Selon un média taïwanais, Apple utiliserait déjà des écrans IGZO Sharp sur une partie (environ 40%) des nouveaux iPad Mini. Les 60% restants seraient des écrans LG d'un autre type, à base de silicium amorphe. Et cette source de préciser que, pour que la différence ne soit pas trop perceptible, les performances desdits écrans IGZO auraient volontairement été dégradées. Pour les écrans des prochaines générations de produits, Apple serait en négociations avec ces deux sociétés (Sharp et LG), et cette fois ce serait pour que tous les écrans soient IGZO avec des spécifications techniques similaires. En attendant, et comme le montre J.P. Nishi dans son manga, le client, lui, ne peut pas choisir l'écran voulu, sans quoi tous les Japonais, sans hésiter, opteraient fièrement pour Sharp.

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Le but de ce dernier est en tout cas d'élargir la gamme des applications de la lucrative technologie IGZO y compris pour des écrans haute-définition au format 4K. Il équipe déjà ses propres smartphones et tablettes de ce type d'écran qui non seulement consomment moins mais ont une qualité de restitution supérieure.

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A l'avenir, IGZO deviendra une technologie sans doute commune et c'est peut-être pourquoi Sharp a d'ores et déjà décidé qu'il allait investir dans une usine avec le groupe chinois CEC Panda pour produire en Chine des écrans haut de gamme de télévision, tablettes et PC. Sharp va prendre 8% d'une coentreprise exploitant un site de production que doit construire en Chine le groupe local Nanjing China Electronics Panda (CEC Panda), auquel Sharp va fournir des technologies de fabrication en série de dalles LCD. L'usine, qui devrait entrer en service en 2015, aura une capacité mensuelle de production de 60 000 dalles de 2,2m sur 2,5m.

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Le groupe bénéficiera d'une partie de la production pour ses propres appareils. Jusqu'à présent,Sharp avait fait en sorte de protéger ses pépites techniques en ne produisant qu'au Japon ses dalles-mères, mais ses difficultés financières le poussent apparemment à privilégier désormais un redressement durable de sa situation, sous la houlette d'un nouveau patron. « Nous voulons améliorer notre compétitivité en combinant au mieux les technologies, les ressources humaines et les moyens de production pour fabriquer à meilleur coût au plus près des marchés servis, tout en conservant les activités de recherche et développement au Japon », a justifié la direction de Sharp. Elle n'a pas précisé quelles technologies seront mises à la disposition de CEC, mais des informations dans la presse japonaise laissaient entendre qu'il pourrait s'agir de coproduire en série des dalles IGZO. Le cas échéant, Sharp transfèrerait donc en Chine une technologie-clef, même si dans deux ans, au moment où l'usine sera lancée, il aura peut-être perdu l'avance qu'il a vis-à-vis de concurrents sur ce type de procédé et voudra assurément produire à plus bas coûts .

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Le partenariat avec CEC Panda vient s'ajouter aux multiples autres déjà noués par Sharp ces derniers mois pour se tirer d'une mauvaise passe financière qui dure depuis deux ans. Sharp a en effet accepté l'entrée dans son actionnariat de son concurrent et client sud-coréen Samsung Electronics et du développeur américain de technologies mobiles Qualcomm. Il a en outre cédé la moitié de la gestion de sa plus récente et grande usine japonaise de dalles-mères LCD de grandes dimensions au taïwanais Hon Hai. Finalement, aidé par ses technologies de pointe, Sharp est peu à peu en train de s'en sortir. Cette semaine, il a fait état d'une perte nette bien moins importante que prévu à l'issue du premier semestre de l'exercice 2013-2014 et a maintenu sa prévision de retour dans le vert à la fin de l'année.

Sharp craignait une perte semestrielle de 10 milliards de yens, mais il l'a finalement limitée à 4,3 milliards de yens (33 millions d'euros), grâce à des ventes de panneaux solaires et dalles LCD supérieures aux attentes. Au cours des mois d'avril à septembre, Sharp a enregistré un net regain de ventes de cellules photovoltaïques (+80%), d'équipements professionnels (+14%), de dalles LCD (+30%) et de composants électroniques (+17%).

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Son chiffre d'affaires semestriel a ainsi gagné 21,5% sur un an à 1.342 milliards de yens (un peu plus de 10 milliards d'euros), une bonne bouffée d'oxygène pour ce groupe qui a souffert durement de la réduction de la demande de TV, au Japon particulièrement après que tous les foyers se sont équipés de modèles dernier cri. Bénéficiant des commandes de Samsung et Apple, Sharp se remet progressivement. Toutes ses activités sont redevenues bénéficiaires sur le plan opérationnel, grâce à de notables réductions de coûts et à une restructuration. Pour l'ensemble de l'année comptable qui s'achèvera en mars 2014, Sharp escompte toujours un bénéfice net de 5 milliards de yens et un gain d'exploitation de 80 milliards pour un chiffre d'affaires attendu à 2.700 milliards, en hausse de 8,9% sur un an. Sharp avait terminé l'année précédente nettement dans le rouge.
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