Live Japon : campagne électorale en ligne

27 avril 2013 à 20h02
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Alors que le président américain Barack Obama aligne plus de 30 millions de suiveurs sur Twitter et que les élections aux Etats-Unis comme dans beaucoup d'autres pays se jouent souvent en partie sur internet, le Premier ministre nippon, lui, n'en a que quelque 93 400, et le Japon, qu'on dit pourtant souvent à l'avant-garde, vient seulement d'autoriser les candidats à faire campagne en ligne. Il était temps, certes, mais au pays du tout ou rien et de tous les excès, attendons-nous aussi à des abus et mauvaises surprises.

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C'est un des paradoxes du Japon. Ses dirigeants freinent parfois des quatre fers face à une nouveauté qui les dépasse et ça dure des années. En effet, c'est il y a une semaine seulement qu'a enfin sauté, par le vote des parlementaires, le verrou qui interdisait d'utiliser internet pendant les deux semaines de campagne officielle précédent un scrutin. La législation en vigueur était antérieure à internet et interdisait, par défaut de précision, son usage. Elle n'a pas été modifiée car on redoutait notamment une utilisation à mauvais escient du Net alors que le bon vieux clientélisme fonctionnait si bien... du moins tant que les électeurs n'aillaient pas glaner des infos ailleurs et de plus en plus bouder les urnes.

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Il a donc fallu attendre près de vingt ans après l'arrivée d'internet dans le grand-public pour que les hommes politiques japonais finissent par en reconnaître l'utilité lors des campagnes, se rendant compte qu'ils étaient totalement à côté de la plaque, car tout circule de toute façon sur Internet. De plus, les jeunes, dont Internet est désormais le principal outil d'information, se désintéressent presque complètement de la vie politique et ne votent quasiment plus. Pour essayer de corriger le tir, il apparaît désormais aussi indispensable de s'adresser directement à ces potentiels électeurs. C'est d'ailleurs l'un des grands espoirs que suscite cette "libéralisation" de l'usage du net.

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En outre, cette interdiction était devenue d'autant plus idiote qu'elle ne concernait que la période de campagne officielle, ce qui fait que les candidats utilisaient Internet jusqu'à quinze jours du vote et puis, soudain, pendant les deux dernières semaines, leur site web se trouvait figé, plus mis à jour, de même que leur compte Twitter ou leur page Facebook, comme si tout était tombé en panne. Et les mêmes s'en tenaient alors à la bonne vieille méthode des tournées en camionnette dans les villes en hurlant leur nom et celui de leur parti dans les hauts-parleurs, ou en s'époumonant au pied des gares, juchés sur le toit de leur camion. Sans oublier bien sûr les tracts qui finissent le plus souvent à la poubelle et les affiches que plus personne ne regarde.

À qui ce nouveau mode de campagne risque-t-il le plus de profiter ?

À ceux qui ont les meilleurs services de communication et n'ont pas attendu que l'interdiction soit levée pour utiliser Internet hors période de campagne. On peut penser notamment que s'en servira avec adresse l'actuel Premier ministre, Shinzo Abe, qui manie plutôt bien Facebook pour raconter (ou faire raconter par ses services) toutes les bonnes actions qu'il dit entreprendre au service de son pays. Le maire d'Osaka, Toru Hashimoto, qui n'a pas sa langue dans sa poche et le fait largement savoir via Twitter (où il compte plus d'un million de suiveurs), ne va pas se priver non plus.

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En profiteront aussi, et ils s'en frottent déjà les mains, les fournisseurs de prestations en ligne qui vont bien entendu promettre à tous les candidats que grâce à leurs outils magiques ils toucheront des millions d'électeurs et que leurs sites ou comptes divers ne seront pas piratés, ni leurs propos détournés. Tous les « marchands » ont déjà calculé le marché potentiel des campagnes en ligne.

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Cette autorisation de promouvoir sa candidature sur le Net va aussi permettre aux particuliers d'appeler à voter pour leur favori tout comme de dénigrer ceux qu'ils détestent. Il faut donc s'attendre à ce que les révélations, dénonciations et calomnies fusent, ce qu'auront bien du mal à contrôler ou réprimander les autorités tant la culture du Net nippon est aussi celle de l'anonymat intégral (sans même un pseudonyme). À souligner que des restrictions assez étonnantes ont été intégrées dans la nouvelle législation : seuls les candidats et leurs partis peuvent adresser des e-mails de campagne, mais les électeurs ou autres agents de soutien, eux, n'ont pas le droit de faire campagne ainsi pour quelqu'un. Toutefois, ces électeurs ou autres sont autorisés à appeler par e-mail à NE PAS voter pour untel ou untel. Là où le bât blesse en outre, c'est dans le cas où il n'existe que deux candidats : un mail négatif contre l'un revient à appeler à voter pour le second et est donc interdit. Les fonctionnaires des services de contrôle de respect des lois vont s'arracher les cheveux.

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Le premier scrutin avec campagne en ligne aura lieu cet été, pour le renouvellement de la moitié des élus du Sénat. On peut être sûr que tous les candidats vont se déchaîner sur la toile, tout nouveau tout beau, mais il n'est pas garanti pour autant qu'ils intéresseront plus de monde, même s'il est souhaitable évidemment que les électeurs, et notamment les jeunes, en profitent pour mieux se renseigner sur chacun des candidats et fassent des choix plus éclairés.

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Les partis politiques, eux, ont déjà commencé à baliser le terrain : quatre d'entre-eux ont installé des stands ce week-end à Makuhari-Messe où le très populaire site de vidéo en ligne Nico Nico Douga organisait une grande fête. Le Premier ministre y a même fait une apparition et participé à une émission en direct au cours de laquelle il a appelé les jeunes à voter aux sénatoriales. M. Abe, redevenu chef du gouvernement en décembre, a actuellement le vent en poupe (plus de 70% de citoyens en sa faveur). « L'interdiction de faire campagne est désormais levée et mon parti comme moi-même allons enfin pouvoir nous exprimer sur internet avant les élections », s'est-il réjoui.

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Les médias, c'est certain, vont en faire tout un foin, parce qu'ils auront encore plus de petites phrases vaches et autres os à ronger qu'à l'accoutumée. Quant au public, lui, eh bien il manifestera sans doute une certaine curiosité mais risque de s'en lasser tout aussi vite. Ce n'est pas nécessairement parce qu'Internet est plus moderne que les candidats sont meilleurs, les discours sont plus mobilisateurs, les promesses plus justes et les politiques plus efficaces.

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