Live Japon : Le meilleur et le pire des vidéos d'amateurs

24 septembre 2011 à 10h08
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Plus que la télévision ou les jeux vidéo, internet est aujourd'hui le refuge des jeunes Nippons, au point que certains ne sortent plus de chez eux tant l'extérieur leur semble ennuyeux comparé à cet espace multimédia virtuel quasi infini, une réalité reproduite telle quelle dans le manga de Jean-Paul Nishi.

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Au Japon comme ailleurs, les sites de partage de vidéo d'amateurs sont parmi les plus fréquentés de la toile, véritables défouloirs où les jolies créations côtoient les pires horreurs au service de causes plus ou moins avouables ou par pur plaisir gratuit de plus ou moins bon goût. Outre YouTube, les plates-formes les plus utilisées au Japon se nomment Nico Nico Douga ou Ustream.

La première diffuse en direct ou en différé de très nombreux événements, des concerts aux émissions de TV indépendantes en passant par des images de webcam installées chez eux par des sortes d'exhibitionnistes modernes. Tout trouve un public, sur Nico Nico Douga ou ailleurs, y compris des suicides en direct avec des spectateurs pour encourager et d'autres pour dissuader.

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Nico Nico Douga est cependant aussi devenu un véritable outil de travail pour les journalistes puisqu'y sont retransmises de très nombreuses conférences de presse auxquelles on n'a pas nécessairement la possibilité de se rendre physiquement, soit parce que c'est loin, soit parce que le temps manque, ou bien encore parce que le nombre de personnes admissibles sur place est limité. Alors que les chaînes de télévision traditionnelles manquent d'espace pour retransmettre des discours intégraux d'hommes politiques ou autres manifestations qui n'intéressent qu'un quarteron de personnes, Nico Nico Douga, par son modèle technique, peut se le permettre. Nico Nico Douga a ainsi diffusé récemment les joutes politiques du Parti démocrate du Japon (PDJ), formation de centre-gauche au pouvoir qui n'a pas arrêté de se chamailler (alors que le pays est sens dessus-dessous) pour virer un Premier ministre et le remplacer par un autre, le sixième en cinq ans et qui risque aussi de dégager l'année prochaine.

L'autre particularité de cette plate-forme est de donner la possibilité au spectateur de faire défiler en temps réel en surimpression sur l'image les commentaires des internautes.

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Dans un registre différent, Nico Nico Douga, site qui exige une inscription (gratuite ou payante), a également servi ces dernières semaines à promouvoir un mini-festival de présentation d'animations d'amateurs , Frenz 2011, une manifestation qui s'incrit depuis trois ans dans la lignée d'événements similaires existant en ligne depuis une dizaine d'années.

Les participants sont essentiellement des hommes (lycéens, étudiants, travailleurs indépendants ou salariés) dont l'activité principale (s'ils en ont une) est plus ou moins liée à la création graphique. "Il y a beaucoup de filles dans les écoles d'art ou de création graphique, mais ce sont surtout les garcons qui réalisent des animations à titre individuel. Les spectateurs de ce genre de réalisations sont également souvent de jeunes hommes", analyse le fondateur de l'événement, Chisei Maeda. Il dit néanmoins espérer "rassembler plus de monde, des deux sexes et de tous âges, pour présenter un éventail encore plus varié de créations".

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Parmi les courts-métrages les plus grands publics présentés cette année dans le cadre de Frenz2011 figurait un dessin animé tiré du dernier manga "Paris aishiteruze" (¨Paris, ma chérie) publié au Japon en feuilleton dans un magazine de manga féminin puis en recueil par notre mangaka complice surnommé Jean-Paul Nishi.



Cette adaptation animée, partiellement visible sur YouTube, est signée Pekicyte, ou Peki Shiobara, designer graphique qui réalise entre autres des publicités pour le premier opérateur de télécommunications mobiles japonais, NTT Docomo. La création d'animations et leur présentation dans des soirées et concours est pour lui un loisir qui lui permet d'élargir son cercle de contacts et amis ainsi que ses compétences professionnelles, le tout en s'amusant. Le court-métrage intégral, de quelque 8 minutes, proposé cette année a nécessité environ deux mois de travail, en employant les logiciels du commerce souvent utilisés pour ce type de création (Photoshop, Illustrator, etc.).

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Un autre participant de Frenz2011, motivé par la performance informatique, a pour sa part présenté des animations entièrement réalisées par programmation en lignes interminables de code. Impressionnant.
Bien entendu, la qualité des réalisations proposées dans ce genre d'événement d'amateurs est très variable, l'originalité pas toujours au rendez-vous et les sources d'inspiration parfois trop faciles à deviner, mais certaines animations bâties sur une véritable histoire sont néanmoins plutôt bien senties et prometteuses.

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"L'originalité de Frenz est de laisser totale liberté technique et artistique à ceux qui participent", explique M. Maeda. Une autre particularité est de s'appuyer sur le web pour encourager la création et d'offrir en récompense une présentation en public des réalisations, ce qui est toujours une satisfaction pour les protagonistes.
Contre toute attente cette année, la tragédie (séisme, tsunami, accident nucléaire) vécue par le Japon au mois de mars dernier et dont les effets se font encore sentir n'a pas eu d'influence sur les nombreuses vidéos présentées, reconnaît M. Maeda.
A noter que ce producteur de Frenz (festival qui se déroule une fois par an sur deux soirées et une nuit) est un type multiconnecté multi-casquettes, spécialisé dans la production d'événements mêlant virtuel et réel, comme l'indique sa carte de visite. Tel, fax, e-mail PC, e-mail mobile, Skype, Mixi, Facebook, Twitter, toutes ses coordonnées électroniques sont inscrites sur le rectangle de papier qui est aussi un véritable curriculum vitae, mais qui entre malgré tout sans problème dans les étuis à carte traditionnels, gabarit respecté.

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Poursuivons dans un registre certes différent mais qui met aussi en relation les interactions entre internet et la vie réelle et entre l'imagination débordante des amateurs et la réalité des faits sur le terrain.
Le vendredi 16 septembre, des centaines de Japonais ont manifesté devant le siège du groupe de cosmétiques Kao, au motif que ce dernier véhiculerait "la propagande étrangère" et salirait le Japon en parrainant des séries télé sud-coréennes. Ce défilé était un nouvel épisode d'une hystérie nationaliste relayée via internet. "Nous voulons laisser un beau Japon à nos enfants, donc nous n'achetons pas les produits Kao", "l'argent que vous donnez à Kao salit le Japon": des jeunes mères de famille, retraités, salariés quadragénaires ou étudiants s'insurgent en effet depuis plusieurs semaines contre cette entreprise. Ils lui reprochent de soutenir la chaîne Fuji TV, plus grand diffuseur japonais de feuilletons émanant de Corée du Sud, un pays voisin qui, bien que plus petit que le Japon, se débrouille très bien pour enjoliver sa réputation à l'étranger et y exporter ses produits culturels.

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La chaîne Fuji TV ne nie pas profiter de cette manne. Elle se vante même d'accompagner la "vague sud-coréenne" ("hanryu ou kanryu"), en proposant depuis janvier 2010, "le meilleur de la production de la péninsule voisine", des romances apolitiques servies par des éphèbes dont s'amourachent les ménagères japonaises.
Bien que ces séries jouissent depuis plusieurs années d'une grande popularité dans l'archipel, à l'instar de la variété sud-coréenne (K-Pop), la haine nationaliste contre Fuji TV et Kao a été déclenchée par le limogeage d'un acteur japonais qui s'était un peu élevé sur internet contre cette chaîne.
Par le biais d'un message posté sur Twitter le 23 juillet, Sosuke Takaoka (29 ans) a reproché à Fuji TV de gorger le public de programmes sud-coréens jusqu'à plus soif, au détriment des productions nationales. "Les Nippons veulent des programmes nippons", avait-il lancé. La mise à l'écart du comédien a dégénéré en un mouvement patriotique de solidarité à son égard et contre Fuji TV et l'annonceur Kao. L'appel à manifester "contre une télé et son bras financier anti-japonais" a été relayé en vidéos, illustrations et textes sur de nombreux sites. "La démontration de force de vendredi 16 septembre a été un énorme succès, il y avait plein de nouveaux venus. Cela va provoquer de gros dégâts sur Fuji TV", affirmait un protestataire, revendiquant la participation de 2.000 individus brandissant des drapeaux japonais.

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Outre des regroupements nationalistes encadrés de policiers au pied de son siège au centre de Tokyo, Kao est victime d'une campagne de sabotage d'image sur internet.
D'innombrables faux acheteurs postent des messages infamants sur les sites de vente en ligne, affirmant par exemple à propos d'une lessive Kao, "ça ne lave rien, ne supprime pas du tout les odeurs. Verdict: inutilisable !", ou bien, au sujet d'une boisson, "j'ai des problème gastriques depuis que j'ai bu cette eau, je la déconseille aux Japonais".

Kao est aussi vraisemblablement harcelée d'appels téléphoniques de consommateurs surexcités, tandis que Fuji TV est clouée au pilori, des téléspectateurs énervés appelant à des rassemblements aux abords du luxueux et ostentatoire immeuble de la chaîne dans la baie de Tokyo.
Ce mouvement de rebellion, appuyé par l'extrême droite, laisse pantois Kao: "actuellement nous n'envisageons pas de cesser de parrainer la tranche horaire" des séries sud-coréennes, a expliqué un porte-parole du groupe, jugeant l'affaire "totalement insensée". "Nous sommes un annonceur qui se contente d'acheter des espaces publicitaires pour promouvoir ses produits, nous ne sommes pas liés au contenu du programme, même si nous n'investirions bien sûr pas pour parrainer une émission qui enfreindrait la loi ou notre philosophie", a-t-il justifié. Kao nie par ailleurs être un actionnaire de Fuji-TV, réfutant les spéculations circulant également sur le Web, lequel accueille aussi des fausses vidéos encore pires que celles qui massacrent Kao.

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Dans ce registre où la malhonnêteté le dispute à l'infamie, une parodie d'une déclaration télévisée de l'Empereur (au lendemain de la tragédie du 11 mars) a suscité des réactions outrées et même des appels à tuer le fautif. Il faut dire que le gars n'y est pas allé de main morte, puisqu'il fait s'exprimer son Excellence sur ses exploits sexuels passés, ce qui est totalement insupportable non seulement pour la frange nationaliste, mais aussi pour la plupart des Japonais et encore plus pour les victimes du 11 mars à qui le message solennel de Akihito était particulièrement destiné. C'était la première fois en effet que l'Empereur faisait ce type de "déclaration au peuple", preuve de la gravité de l'événement.

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On dégote aussi en cherchant bien sur le Net nippon des détournements de journaux télévisés ou magazines d'information français (comme Zone Interdite), bricolés pour jeter l'opprobe sur le Parti démocrate du Japon, au pouvoir depuis septembre 2009, ou encore servir la propagande nationaliste. Lorsque l'on comprend le commentaire en français et simultanément les sous-titres truqués en japonais, on a du mal à établir le rapport, mais le fait est que d'aucuns ici semblent trouver cela amusant.
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