Live Japon : nanotechnologies - invisible mais bien vu

21 février 2009 à 12h48
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Connaissez-vous le Japan Prize? Il s'agit de la plus haute distinction scientifique japonaise, accompagnée de la coquette somme de 50 millions de yens (plus de 400.000 euros), attribuée chaque année par un comité d'experts nippons et remise aux lauréats par l'Empereur du Japon en personne. Cette année, le récipiendaire-vedette est un Américain, Dennis L. Meadows, connu pour ses théories sur les "limites de la croissance", thèse selon laquelle l'espèce humaine va vite se retrouver dans une situation critique si certains facteurs physiques limitatifs de la vie terrestre, comme les ressources naturelles, l'environnement, les terrains, etc. ne sont pas pris en compte dans les politiques industrielles et économiques. Cette mise au point date de 1972: bien vu, mais encore difficilement applicable mondialement, tout nécessaire que ce soit.

En 2008, ont été primés par le Gotha des sciences japonais les surnommés "papas de l'internet", les Américains Vinton Gray Cerf, vice-président de Google, et Robert Elliot Kahn, PDG de l'organisation pour le développement de technologies CNRI. Un an plus tôt, en 2007, ce sont les physiciens français Albert Fert et allemand Peter Grünberg qui s'étaient vu remettre cette prestigieuse récompense des mains d'Akihito avant d'être également honorés du Prix Nobel de Physique quelques semaines plus tard.

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Si ce rappel est d'actualité c'est pour deux raisons: primo l'auteur de ces lignes a reçu cette semaine son carton pour assister à la remise du Japan Prize 2009, le 23 avril. Deuxio, le jour-même elle pensait fortement à Albert Fert en parcourant les travées du salon Nanotech à Tokyo, lieu où étaient présentées les dernières innovations liées aux nanotechnologies et nanomatériaux. Or, on pouvait y écouter des chercheurs nippons de NEC ou Toshiba vanter les performances des MRAM (magneto-resistive random access memory, mémoire magnéto-résistante à accès aléatoire), un type de mémoire vive précisément rendu possible par les découvertes d'Albert Fert sur les effets électriques de la magnétisation de couches nanométriques de différents matériaux.

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Ce dernier nous confiait lors de son dernier passage dans la capitale nippone être surpris par les développements que ses recherches suscitent chez les industriels locaux grâce à la rencontre entre ses découvertes fondamentales, la miniaturisation des matériaux et la précision des procédés de production poussées à l'extrême. «Les progrès incessants des nanotechnologies vont encore amener beaucoup de choses", prédit-il. La discipline dont il a ouvert la voie, «l'électronique de spin" ou «spintronique", exploite le spin électronique (un petit vecteur porté par chaque électron), pour révolutionner la façon dont son couchées les données sur un support constitués de plusieurs tranches nanométriques.

"Ce qui est extraordinaire avec la spintronique aujourd'hui, c'est l'extension de son champ d'application. Un problème fréquent pour moi est le choix entre plusieurs nouveaux axes de recherche qui me semblent tous également prometteurs", explique le physicien. Les résultats de ses travaux initiaux sur la magnero-resistance géante sont déjà utilisés pour la lecture/écriture sur des disques durs, d'autres sont exploités dans ce nouveau type de mémoire, les MRAM, sur lesquelles planchent ardemment les industriels japonais NEC, Hitachi ou Toshiba, attirant les regards non moins intéressés de chercheurs chinois et sud-coréens en quête d'informations.

Sony est également à la pointe dans ce domaine, selon M. Fert. «Les Japonais sont en avance dans le développement de la future génération de MRAM car ils ont su exploiter très rapidement les derniers progrès des nanotechnologies grâce à des efforts industriels et financiers conséquents", souligne le chercheur.

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Une première génération de MRAM a déjà été mise sur le marché en 2006 environ, mais son impact sur la technologie des ordinateurs est jugé très limité. "La nouvelle génération bénéficie des avancées récentes qui amènent une façon totalement nouvelle d'écrire une mémoire magnétique, directement par un courant électrique injecté dans la mémoire et non pas indirectement par le champ magnétique induit par un courant", détaille le physicien. Les chercheurs de NEC sont convaincus qu'il existe là une pépite technique, qui cumule les avantages des mémoires RAM et ROM (rémanente, basse-consommation, commutation rapide, etc), sans les inconvénients d'aucunes.

Grâce aux technologies exploitant le spin, il sera aussi possible, selon M. Fert, de créer un nouveau type d'oscillateurs qui pourraient avoir des applications importantes dans le domaine des télécommunications pour générer des ondes à très hautes-fréquences. Ainsi, ces technologies pourraient être utilisées pour créer un nouveau mode d'émission des téléphones portables et réseaux cellulaires. «L'évolution actuelle de la spintronique ouvre de nouveaux champs de recherche avec des problématiques nouvelles qui concernent aussi bien l'électronique que le magnétisme ou la dynamique non-linéaire (évolution non-linéaire d'un phénomène dans le temps - ndlr)", se réjouit-il.

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Cet exemple est un des innombrables cas qui illustrent la différence entre la recherche française (qui est à l'origine de découvertes fondamentales exceptionnelles mais qui peine à les exploiter faute d'industriels prêts à investir lourdement à long terme) et la capacité des Japonais à transformer en applications et produits des trouvailles prometteuses d'où qu'elles viennent et qui, sinon, resteraient sur des paillasses, inusitées. Toutefois gare, car les Japonais sont de plus en plus forts également en recherche fondamentale et ils ont ainsi de plus en plus le loisir d'exploiter à des fins industrielles leurs propres découvertes.

Un exemple? Eh bien celui des nanotubes de carbone. C'est NEC lui-même qui a mis en lumière cette structure et qui depuis pousse son avantage pour l'utiliser dans divers produits, dont les composants électroniques.

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Son compatriote Fujitsu aussi mise fortement sur le carbone sous toutes ses formes moléculaires, à commencer par lesdits nanotubes, un matériau qui, à en croire les Nippons, est pétri de qualités pour la conductivité, la rapidité, le comportement à température élevée, on en passe et des plus complexes à expliquer. Reste que toutes ces caractéristiques étaient doctement argumentées au salon Nanotech, même si la difficulté est de rendre attractif ce qui ne peut pas être vu, ou seulement à travers des microscopes, comme des "micro-machines" (ou micro-systèmes mécatroniques - MEMS) dont des minuscules piles à combustible pour alimenter un circuit intégré.

Malgré tout, en cherchant bien, on trouve quelques applications plus tangibles, directement issues des nanotechnologies. Exemple: un bio-plastique (encore signé NEC) qui a des propriétés (de robustesse, de flexibilité, de dureté, etc.) plus proches de celles des plastiques issus d'hydrocarbures, ce qui permet d'étendre les usages potentiels de ces nouveaux matériaux écolos, pour le plus grand bien de la planète.

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Du côté de l'Organisation pour le développement des nouvelles énergies et techniques industrielles (NEDO), on pousse à fond les recherches sur les écrans "ultra-flexibles" en appliquant des techniques de nano-impression sur des substrats malléables pour former la couche transistorisée, les couches-filtres ou encore la couche de rétroéclairage, le tout étant ensuite superposé tout en restant archi-fin et souple. Il s'agit au final de créer réellement un écran ayant la tenue d'un papier plastifié mais non rigide.

La création de nano-structures est un domaine dans lequel le Japon, qui compte des champions des systèmes d'impression industriels (Toppan, DNP, Epson, Brother, Canon, etc.), est apparemment l'un des pays les plus en pointe, grâce à une expertise de longue date en matière de composants miniatures, par exemple pour les imprimantes à jet d'encre.

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Ces technologies de l'infiniment petit vont très loin qui permettront par exemple de fabriquer... des coeurs humains, en imprimant des couches de cellules vivantes. Le raisonnement est basique: un organe n'est jamais qu'un assemblage très ordonné de cellules. Reste qu'il est a priori difficile de le reproduire compte tenu de la taille minuscule desdites cellules, de leur diversité, de leur nature vivante et de leur positionnement complexe. Mais un chercheur japonais, Makoto Nakamura, a découvert que les gouttes d'encre bombardées sur du papier par une imprimante à jet avaient à peu près les mêmes dimensions que des cellules, et que l'impression d'une photo en millions de couleurs n'était pas moins compliquée.

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D'où son idée originale de reproduire sur des milliers de couches superposées le motif cellulaire d'un organe pour le reconstituer en trois dimensions (3D), en exploitant la rapidité et la précision inégalées des imprimantes à jet d'encre. "C'est comme construire un gratte-ciel à une échelle microscopique en utilisant différents types de cellules", sourit Makoto Nakamura. Pour connaître le motif à répliquer, il suffit théoriquement de scinder un organe en deux horizontalement pour en voir la coupe, c'est-à-dire la disposition interne des cellules. Une imprimante est ensuite programmée pour éjecter des cellules selon le même modèle cellulaire, en accumulant des milliers de couches les unes sur les autres. L'imprimante "cellulaire", déjà mise au point à partir d'un modèle à jet d'encre du marché, est capable d'ajuster le tir avec une précision d'un millième de millimètre et de construire un tube de cellules d'un centimètre et demi de haut en une minute. Malin et sacrément prometteur.

Un autre exemple pour terminer ou presque, celui de nouveaux matériaux photovoltaïques qui peuvent être déposés en couches ultra-minces sur des supports très fins selon différentes formes complexes, comme des feuilles de fausse plante (Mitsubishi), objet décoratif qui du coup sert aussi de lampe alimentée par l'énergie solaire. Et des idées lumineuses comme celles décrites ci-dessus, il y en a encore bien d'autres en préparation. Allez, une dernière pour la route, la voiture dont le pare-brise serait un plein écran et dont la carrosserie changerait de couleur en fonction de la météo et de la température extérieure ou générerait elle-même de l'électricité, pour minimiser la consommation et la déperdition d'énergie.

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