ITW April: retour sur les enjeux du logiciel libre

Guillaume Belfiore
Lead Software Chronicler
26 novembre 2008 à 18h43
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Le 12 novembre dernier, l'April a lancé une campagne promotionnelle afin de recruter de nouveaux adhérents et d'expliquer les positions de l'association face aux éditeurs de logiciels propriétaires. Quelques jours plus tard, ce sont près de 600 nouveaux inscrits qui se sont joints à la cause.

|clubic|Clubic s'est entretenu avec Frédéric Couchet, délégué général de l'April, afin de revenir sur les enjeux du logiciel libre, ses caractéristiques et le rôle de l'April dans sa promotion.

Clubic : Pourriez-vous rappeler les problèmes liés à la licence propriétaire et présenter les visions soutenues par l'April ?|fin|
|neteco|NetEco s'est entretenu avec Frédéric Couchet, délégué général de l'April, afin de revenir sur les enjeux du logiciel libre, ses caractéristiques et le rôle de l'April dans sa promotion.

Guillaume Belfiore : Pourriez-vous rappeler les problèmes liés à la licence propriétaire et présenter les visions soutenues par l'April ?|fin|

Frédéric Couchet : Le problème de la licence propriétaire, c'est la restriction de libertés. Notre vision se base véritablement sur le partage de connaissances, lequel est un peu similaire au mode de la recherche scientifique. Le logiciel propriétaire se positionne sur le marché le plus rentable. L'éditeur est alors le seul maître de ce marché mais aussi de l'avenir du logiciel. Par opposition, le logiciel libre répond à un besoin. Lorsque Linus Torvald a publié le noyau de Linux, c'était principalement pour répondre à des attentes personnelles. Il a dit : « hé les gars je viens de bosser sur un truc, vous en pensez quoi ? » et de là tout est parti. Au sein du logiciel libre, nous retrouvons un peu la même dynamique que sur Internet avec les réseaux communautaires.

Concrètement, quels sont donc les avantages du logiciel libre pour l'utilisateur et les professionnels ?

FC : Il y a énormément d'avantages et les gens commencent à le ressentir. Dans un premier temps, nous contribuons à réduire la fracture numérique avec des coûts plus bas. Si un élève participe à une démonstration d'un éditeur texte sur Microsoft Office, il lui faudra acheter une licence de la suite bureautique pour reproduire ce pas-à-pas. En revanche les choses sont plus simples si l'élève est initié sur OpenOffice.org. Il y a aussi une dimension éducative, notamment pour l'étudiant en informatique qui peut véritablement comprendre le fonctionnement du logiciel à partir de son code source. Le logiciel propriétaire pose aussi des problèmes de sécurité. En gros, Microsoft nous propose une sorte de boite noire en nous certifiant que celle-ci est super sécurisée. L'utilisateur doit se contenter de lui faire confiance. Avec un logiciel libre, le code est accessible par tout le monde et la communauté est très réactive pour corriger d'éventuels problèmes.

L'utilisation du logiciel libre est aussi un avantage considérable pour le professionnel. Si une société recherche un logiciel spécifique pour répondre à des besoins particuliers alors elle peut s'orienter vers une solution libre et demander à une personne tierce d'y rajouter quelques modules supplémentaires. C'est la grande faille du logiciel propriétaire : un seul éditeur ne pourra pas répondre à tous les besoins.

Si l'éditeur d'un logiciel libre n'a pas de contrôle sur l'avenir de son produit, de quelle manière peut-il être payé ?

FC : Il n'y a pas d'exclusion d'usages commerciaux. La société française Mandriva, par exemple, vend son logiciel mais l'utilisateur peut tout à fait le redistribuer en respectant quatre règles fondamentales à savoir les libertés d'utilisation, d'étude du code source, de modification et de redistribution. La version payante de Mandriva que l'on retrouve en magasin contient un manuel d'utilisation et puisque ce sont les principaux éditeurs, ils sont aussi le mieux placer pour proposer un service de support client. Alors que nous vivons à l'ère de la copie numérique, le modèle propriétaire est très hypocrite et tente de recréer de la rareté là où se trouve de l'abondance. En conséquence, une licence d'utilisation est limitée à un ou quelques postes mais au final, cela ne leur coûte pas plus cher à produire. C'est la différence fondamentale entre le bien matériel et immatériel.

Aujourd'hui quels types de licences existe-t-il ?

FC : Dans le domaine propriétaire il y a en beaucoup car chacune est particulière. En gros nous distinguons deux types de licences dans le monde du logiciel libre : les copyleft et les non copyleft.

Parmi les copyleft, nous retrouvons la licence GPL. En business, le principal problème, c'est la concurrence. Comment m'assurer que des personnes ne vont pas reprendre une partie du code pour l'intégrer dans un logiciel propriétaire ? Je vais choisir la licence GPL qui obligera la personne intéressée par le code source à redistribuer les modifications apportées. La licence GPL permet donc de faire du vrai business, c'est magnifique! Aujourd'hui, je dirais que 60 à 70 % des logiciels libres utilisent cette licence.

La licence BSD, par contre, est beaucoup la plus flexible, elle permet de redistribuer le programme sans restriction.

Quelle est la position de l'April sur les logiciels propriétaires distribués gratuitement ?

FC : Ca n'a pas trop d'intérêt. Pour nous ce qui est vraiment important ce sont les libertés fondamentales. La gratuité, il faut s'en méfier. Quelqu'un disait à juste titre : la première dose de drogue est souvent gratuite. C'est un peu comme lorsqu'une personne achète un ordinateur. Vous savez, l'une des grandes forces de Windows, c'est d'avoir convaincu les utilisateurs qu'ils étaient responsables des plantages du système ! Puis ils invitent tout le monde à débourser de l'argent pour mettre à jour leur matériel en dévoilant un nouveau système d'exploitation. Il y a des accords tacites avec les fabricants de matériels. Par opposition, la plupart des logiciels libres sont optimisés pour des systèmes moins ambitieux et l'utilisateur se rend compte qu'il n'a pas besoin de toute cette puissance.

Donc en admettant que tout le monde passe du jour au lendemain sur des logiciels libres, cela aurait-il des conséquences pour les fabricants ?

FC : Non je ne pense pas. Au contraire les constructeurs seraient certainement ravis d'avoir une vraie concurrence permettant aux utilisateurs d'investir plus dans le matériel plutôt que dans la licence qui est vendu avec. Au final, l'acheteur ne paierait que pour ce dont il a besoin.

Il y a quelques jours, Sam Ramji a fait une promotion des activités de Microsoft dans le monde du logiciel libre (Silverlight....) Qu'en pensez-vous ?

Ca fait à peu près 10 ans que Microsoft étudie le mouvement du logiciel libre. Ils sont obligés d'en tenir compte car ce n'est pas un concurrent qui peut être racheté. Pour eux c'est difficile. Cependant, est-ce qu'une structure comme Microsoft peut concrètement évoluer ? Par ailleurs, nous observons toujours chez Microsoft des mouvemements pour contrer le logiciel libre, par exemple au sein des discussions avec le gouvernement. Ils nous font perdre beaucoup de temps! Au final, on a pas besoin qu'ils évoluent, on veut qu'ils nous laissent tranquilles!

Aujourd'hui, à part chez l'utilisateur, où trouvons-nous le logiciel libre?

FC : Certains professeurs se battent pour apprendre aux enfants à utiliser le logiciel libre mais nous ne recevons pas beaucoup de faveurs de la part des instances gouvernementales. Nous allons parler à plusieurs personnes pour voir ce qui peut être mis en oeuvre. Au sein de l'administration, certains DSI croient au libre mais il n'y a pas de politique réelle pour son adoption. La Gendarmerie Nationale migre doucement vers le libre et utilise déjà OpenOffice.org. Les députés de l'Assemblée Nationale sont aussi sur des systèmes libres.

Pour ces derniers utilisateurs, y a t-il eu des modifications du code source pour adapter certains besoins spécifiques?

FC : Je ne saurais dire pour la Gendarmerie mais certains modules ont été rajoutés à l'Assemblée, notamment pour la synchronisation de leur PDA. Je ne sais pas si ces modifications ont été redistribuées.

Certains éditeurs de solutions propriétaires argumentent que passer au libre ralentirait le développement de leur logiciel. Est-ce une vérité ?

En termes de structure, peut-être certains ne savent-ils pas travailler. Depuis que nous sommes tous petits, on nous apprend à être individualistes. Les gens sont habitués à travailler dans leur coin; la société ne met pas l'accent sur le travail collaboratif. On leur apprend à éviter les dangers éventuels mais on ne leur communiquent pas sur les chances éventuelles d'un travail collaboratif.

Revenons, sur cette campagne de l'April. Quels en sont les résultats ?

FC : Nous avons lancé cette campagne promotionnelle il y a quinze jours. Au début nous étions à 2545 adhérents, aujourd'hui il y en a 3115, dont plus de 220 entreprises et associations. Nous allons aussi annoncer trois laboratoires universitaires de recherche. Pour cette campagne, nous observons deux grandes tendances chez les nouveaux adhérents : il y a relativement plus de techniciens et beaucoup de personnes croient en l'April mais n'avaient jamais pris le temps d'y adhérer auparavant. Au début, nous n'étions que quelques bénévoles à peine crédibles auprès des politiciens. Aujourd'hui, nous avons des députés qui expliquent leurs positions sur les forums de Framasoft. Je suis convaincu que nous serons 10 à 20 000 dans quelques années.

L'April promeut le logiciel libre dans les pays francophones. N'auriez-vous pas plus de poids en fédérant un mouvement international ?

FC : Je suis partisan d'une structure qui agit localement. Au sein d'une fédération internationale, les gens perdraient 80% de leur temps à savoir qui doit commander et il y aurait des conflits de pouvoirs et d'intérêts. Au final nous passerions à côté de l'essentiel. Cependant, nous travaillons avec plusieurs personnes pour échanger quelques idées comme la Free Software Foundation de Stallman ou l'organisme FACiL au Québec qui a d'ailleurs repris quelques uns de nos documents.

De quelle manière l'April est-elle financée?

FC : Principalement sur les cotisations d'adhérents. L'avantage d'un tel financement, c'est que les adhérents sont généralement très contents et 90% d'entre eux renouvellent leur dons. Cela nous permet de nous concentrer véritablement sur la promotion du logiciel libre plutôt que de rechercher des subventions. Nous communiquons régulièrement et nous nous déplaçons beaucoup. Nous voulons rester une association humaine.

Je vous remercie

Pour les personnes intéressées par la démarche de l'April, l'association organisera le 12 décembre une soirée à la Cantine à Paris et publiera prochainement un formulaire de participation sur son site internet.

Guillaume Belfiore

Lead Software Chronicler

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Je suis rédacteur en chef adjoint de Clubic, et plus précisément, je suis responsable du développement éditorial sur la partie Logiciels et Services Web.

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