Des piments doux à foison ! Une nouvelle récolte record au sein de l'ISS

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
02 décembre 2021 à 17h31
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Poivrons ou piments ? Ce sont en fait les mêmes plants à la base, tout dépend de la variété, de la maturité et du taux de capsaïcine. © NASA
Poivrons ou piments ? Ce sont en fait les mêmes plants à la base, tout dépend de la variété, de la maturité et du taux de capsaïcine. © NASA

En 2021 pour la première fois, les astronautes ont pu manger les piments qu'ils ont eux-mêmes fait pousser dans la Station Spatiale Internationale.

Après les laitues, la station connaît des cultures nouvelles et de plus en plus complexes, avec un record ici de 137 jours avant récolte ! Avec beaucoup d'effets positifs pour les occupants de l'ISS, et bientôt d'autres essais.

Un joli sac de piments doux

Quatre plants, 137 jours, et 26 jolis piments doux. C'est un sacré rendement pour les pousses qui ont germé et grandi au sein de l'Advanced Plant Habitat sur la Station Spatiale Internationale ! L'astronaute Mark Vande Hei s'est occupé de la fin de la récolte le 26 novembre, concluant l'expérience la plus longue avec de la nourriture produite en orbite depuis le début des tentatives du genre.

Une petite faim ? © NASA
Une petite faim ? © NASA

Megan McArthur avait déjà coupé 7 poivrons/piments (les plants sont identiques) le 29 octobre, et les astronautes en avaient profité dans un repas qui a vite tourné à la « soirée Tacos » avec du bœuf, des tomates et des artichauts réhydratés. Cela a l'air anecdotique, mais en réalité, c'est le fruit (ou pour ainsi dire le légume) de plus d'une décennie de travail. Car faire pousser des plantes aussi complexes que des piments doux sur l'ISS est encore un véritable défi.

Un gros travail depuis le sol

En effet, une grande part des travaux menés avant de voir les plants en orbite est réalisée au sol, par l'équipe dédiée au Plant Habitat, située au Centre Spatial Kennedy. Pour les piments doux, par exemple, il a fallu un peu plus de deux ans. « Nous avons prélevé des piments "Hatch Chili Pepper" cultivés au Nouveau Mexique, avons travaillé pour qu'ils puissent tenir au sein de l'APH, et trouvé des solutions pour que les plants puissent produire cette première génération dans l'espace », explique le responsable de l'expérience, Matt Romeyn.

L'APH est un caisson automatisé avec des caméras et plus de 180 capteurs, et pourtant ces six mois avec des poivrons ont nécessité de multiples interventions des astronautes. Pour installer les plants (Shane Kimbrough en juillet), mais aussi pour les polliniser, et sélectionner les plus performants afin que seules quatre pousses puissent occuper cet espace réduit, d'environ la taille d'un four de cuisine.

Cultivateurs en herbe

L'APH est un matériel plus complexe, et normalement plus autonome que Veggie, l'autre expérience qui permet d'observer des pousses au sein de la station spatiale. Reste que les équipes au sol ont observé que les astronautes étaient aux petits soins pour leurs plants de piments doux. Chaque jour en effet, les capteurs ont détecté plusieurs ouvertures de la façade avant de l'APH, les occupants de l'ISS venant observer, photographier et simplement admirer leur petite culture.

Plusieurs études ces dernières années et les retours d'expérience des astronautes eux-mêmes pointent d'ailleurs vers un bénéfice psychologique à faire pousser des plantes dans ce type d'environnement fermé, et l'engagement des participants est maximal : Veggie et l'APH sont régulièrement cités tout en haut des expériences que les astronautes préfèrent ! Il faut dire que cette fois, ils en ont en plus bien profité, en consommant un bon tiers de la récolte avec un enthousiasme visible.

Poivrons d'aujourd'hui, plantes de demain

Les piments doux restants, ainsi que les feuilles des plants et les racines ont été prélevés et congelés pour des études postérieures après leur retour au sol. En effet l'expérience ne s'arrête pas là, et il faudra comparer le résultat de la production en orbite avec les plants témoins en Floride. D'ores et déjà, les scientifiques ont observé des différences avec un retard de l'apparition des piments (environ 2 semaines) et des formes différentes pour les fruits ainsi que leurs pédoncules.

Selon les observateurs, certains étaient moins doux que d'autres... © NASA
Selon les observateurs, certains étaient moins doux que d'autres... © NASA

Les astronautes, eux, commencent à avoir l'habitude de consommer leur « petite production perso ». Sur Veggie, ce sont plusieurs générations de salades qui se succèdent depuis 2014 (laitue, romaine rouge, chou chinois et chou rouge russe, salade mizuna japonaise…), et les astronautes peuvent couper et utiliser presque une moitié des feuilles, ce qui n'est pas très nourrissant à moyen terme, mais apporte une belle satisfaction ! Sur l'APH, les piments doux ont succédé aux radis, que les astronautes n'avaient cependant pas pu goûter.

Pourra-t-on s'appuyer uniquement sur les plantes ?

Et à l'avenir ? Eh bien, plus de piments à l'horizon, mais les équipes vont préparer l'APH pour tenter de faire pousser des grappes entières de tomates cerises, si tout va bien en 2022. Il est aussi question de voir comment se débrouillent des plans de coton, et différentes autres cultures de plantes à feuilles ainsi que des herbes aromatiques dans les années à venir. Les deux expériences serviront encore plusieurs années à tester différentes techniques et sélections des espèces, mais la NASA réfléchit très sérieusement à inclure à l'avenir dans de futures stations (et pas qu'en orbite basse) des caissons pour de la production régulière de nourriture incluse dans le régime « habituel » des astronautes.

Source : NASA

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (9)

xryl
C’est sûr qu’à 100 000$ le kg de piment (frais de livraison chez Uber Eat, je crois), il vaut mieux les faire pousser.
Droz
Je ne savais pas que les poivrons étaient juste des vieux piments.
Palou
Ils sont de la même famille (Capsicum) et s’apparentent aux piments « doux », pas les piments forts qui sont un genre à part
Kahn-San
en tout cas il s ont choisi une bonne espèce pour leur expérience, j’ai déjà eu ce genre de piments / poivrons, ça pousse tout seul, c’est super résistant (j’avais tendance à oublier régulièrement des les arroser, ça repart direct une fois qu’on remets de l’eau)<br /> et en plus c’est bon et ça fait toujours plaisir le fait maison
Francis7
Les piments sont bons pour la santé, pour le coeur, pour la longévité. Les italiens en raffolent.<br /> Le piment donne plus de goût aussi, ce qui permet d’ajouter moins de sel ou pas du tout. Ceux-là, confits dans de l’huile d’olive donnent la sauce pizza que l’on connait.<br /> Les piments forts à quantité modérée confits dans du vinaigre blanc peuvent agréablement agrémenter tous les plats pour plus goût sans ajout de sel. Ca fait comme du citron piquant. On peut y ajouter aussi de fines lamelles d’oignons.
Voigt-Kampf
Il faudra prévoir d’efficaces toilettes dans la station. Chaud dedans !
Palou
Voigt-Kampf:<br /> Il faudra prévoir d’efficaces toilettes dans la station. Chaud dedans !<br /> surtout s’il a encore sa combinaison, ce sera chaud dedans en effet
Ipoire
Ca aurait été bien d’en savoir plus sur la recherche fait au sol sur le plan de piment.<br /> Est t’il génétiquement modifié pr accepter l’absence de gravité ?<br /> Pourquoi est-ce si difficile de faire pousser dans l’espace ?<br /> Si ca prend 1an a chaque tentative, il faudra des siècles pour savoir qu’est ce qui pousse ou pas dans l’espace, c’est bien trop long. Je comprends pas pourquoi ils ne testent pas plusieurs légumes en meme temps.
ebottlaender
Parce qu’il n’y a pas la place ni les dispositifs pour le faire sur l’ISS, tester différentes espèces en même temps serait trop complexe (il faut plusieurs plants pour pouvoir faire une statistique à minima). D’autre part, faire pousser des plantes en impesanteur est TRES complexe, car pour humidifier les racines par exemple, il faut des systèmes à capillarité (et du terreau ça ne sert à rien là haut), mais aussi des matériaux qui laissent la plante respirer sans faire pourrir ses racines. Il y a la sève qui n’évolue pas dans la plante comme sur Terre, le fait qu’il n’y ait pas d’insectes (il faut donc polliniser avec des ventilateurs et à la main au pinceau) etc… Oui, c’est complexe. Et ça explique pourquoi faire pousser des piments ou des poivrons est considéré comme un bel exploit après 21 ans de station.<br /> La recherche au sol fait pour sa part l’objet de publications et souvent, on ne sait les détails des différentes manipulations (ça peut être des croisements, des manips génétiques, des boutures etc) que quelques années plus tard.
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