Deliveroo condamné par un tribunal italien en raison d'un "algorithme discriminatoire"

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
07 janvier 2021 à 16h26
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Un juge de Bologne estime que Deliveroo a failli en établissant un classement de réputation en fonction des performances de ses livreurs.

Deliveroo, pointée du doigt par trois syndicats, a été épinglée par un juge en Italie, qui a reconnu dans une ordonnance rendue le 31 décembre que l'entreprise avait utilisé un algorithme considéré comme « discriminatoire ». Le plateforme de livraison de repas, présente dans la Péninsule depuis 2015, a été reconnue coupable d'opérer des distinctions entre ses livreurs, selon leurs performances. « Le système a été changé il y a peu », assure désormais Deliveroo, contrainte de changer de braquet.

Une inégalité d'accès aux créneaux horaires de la plateforme

Pour comprendre comment l'algorithme de Deliveroo en est venu à être « discriminatoire », il faut d'abord comprendre comment fonctionne la plateforme.

Les livreurs, pour pouvoir exercer, doivent en avance bloquer des créneaux horaires de travail disponibles, pour que la répartition du travail soit équitable selon les coursiers et selon les lieux. L'idée étant de favoriser les livreurs qui seront les premiers à indiquer être disponibles. Les créneaux horaires sont mis à la disposition des coursiers sur une plateforme numérique dédiée.

Il se trouve que certains livreurs n'avaient pas accès de façon égalitaire à certains créneaux, comme le dénonce trois syndicats italiens, parmi lesquels la CGIL Bologne, branche locale de la Confédération générale italienne du travail, plus grand syndicat du pays.

Selon eux, le système de réservation des créneaux était basé sur une note attribuée par un algorithme, qui, pour chaque coursier, se basait sur deux éléments : la fiabilité et la participation. Sauf que tous n'avaient pas accès à la plateforme au même moment. Les plus performants pouvaient en effet bloquer leur créneau pour la semaine dès le lundi matin, tandis que les autres, jugés donc moins performants, devaient attendre 15h00, voire 17h00 pour les plus inefficaces.

Des manquements au droit du travail italien

L'autre problème soulevé par les syndicats et confirmé par la décision du tribunal est que le système ne respectait pas le droit du travail, dans le sens où la moindre annulation de réservation (d'un créneau de livraison) faite en-deçà de 24 heures entraînait manifestement une pénalité et, donc, une baisse de la « performance » du livreur aux yeux de l'algorithme. Et ce quel que soit le motif invoqué : maladie, grève ou autre.

Même en cas d'activité, le rider pouvait être sanctionné par une perte de points, si celui-ci se connectait au-delà de « 14 minutes et 59 secondes » après le début de sa session de livraison. Sur ce point, la société Deliveroo a elle-même reconnu que ce défaut de connexion affectait « négativement le paramètre de fiabilité » du coursier, comme on peut le lire dans la décision. En somme, aucun retard n'était toléré sans prendre le risque d'être « sanctionné », alors même que les livreurs italiens sont censés demeurer indépendants.

Les syndicats italiens se sont félicités de la décision du tribunal de Bologne, qu'ils n'hésitent pas à qualifier de « tournant historique dans la conquête des droits et libertés syndicats du monde numérique ».

On peut aussi aller plus loin et directement s'interroger sur ce modèle à long terme. La gestion algorithmique d'une telle activité n'est-elle pas, en soi, déshumanisante, arbitraire et génératrice de discriminations diverses ? Chaque pays se fait petit à petit son avis. L'Italie, elle, a en partie tranché. Et même si Deliveroo a anticipé en écartant cet algorithme il y a un mois et affirmé qu'il ne serait pas utilisé en France, d'autres pays réfléchiront peut-être à la question. Ce sera peut-être également le cas d'autres plateformes, comme Uber Eats, dont les livreurs peuvent être directement imputés par les notations attribuées par les clients du service de livraison.

Source : Tech Crunch

Alexandre Boero

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Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM, école reconnue par la profession), pour écrire, interviewer, filmer, monter et produire du contenu écrit, audio ou vidéo au quotidien. Quelques atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la production vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et la musique :)

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Commentaires (8)

TotO
Un soucis avec les spaghetti à la bolognaise ?
Garden_Dwarf
Combien de points de pénalité pour avoir mis de la viande de cheval dans la lasagne ?
Peter_Vilmen
J’ai du mal à comprendre le problème avec la discrimination sur la performance, puisque 100% des entreprises privées la pratique ? Est-ce en rapport avec le status d’indépendant, ou bien une spécificité du code du travail Italien ?
cirdan
Système complètement idiot et injuste, qui favorise les meilleurs en pénalisant ceux qui ont du retard.<br /> L’art du tout ou rien et une manière «&nbsp;subtile&nbsp;» et cynique de mettre une pression maximale sur ses livreurs. C’est bien que la justice ait mis le «&nbsp;holà&nbsp;».
mcbenny
Pour ne pas être considéré comme employeur, ces sociétés se disent «&nbsp;plateforme de mise en relation&nbsp;», mais dans ce cas, elles doivent rester neutres. Les coursiers peuvent être notés par les clients (admettons) mais pas par la société, sinon cela signifie qu’il y a un lien de subordination, et que donc les livreurs sont des employés (congés, cotisations, syndicats, comités d’entreprise, etc.)<br /> En donnant des mauvais points ou de/favorisant certains coursiers, ils démontrent leur pouvoir de décision dans l’organisation du travail des coursiers, donc leur position de supérieurs hiérarchiques.
BBlake
Je trouve que le système est motivant pour ceux qui s’investisse et encourage ceux qu’ils le sont pas. On a du mal félicité ceux qui ont du mérite dans notre société, cela devient même le contraire.<br /> Le seul défaut que je vois ici est que le «&nbsp;manque d’activités&nbsp;» comprend les arrêts maladie, ce qui est indépendant du choix du livreur au contraire de la grève ^^
sylvio50
ça fait penser au crédit social chinois. En chine, certains (beaucoup même) sont pour, d’autres sont contre. C’est un changement de société.
Hadory
Alors pour l’avoir essayé, oui ça te «&nbsp;motive&nbsp;» (pousse serait plus exact) à livrer de manière régulière.<br /> Cependant quand je me suis inscrit il y a 3 ans, tu ne peux réserver qu’à partir de 17h le lundi.<br /> Et devine ce qui arrive à partir de 17h ? Et bien il ne reste que les créneaux creux pour la semaine (si tu as de la chance et qu’il en reste).<br /> De mémoire les deux premiers mois je n’ai pu faire qu’une dizaine d’heure (au total sur les deux mois) avant de passer dans des mois plus frais (novembre oblige) et de pouvoir réserver un peu plus souvent. Alors que j’étais au chômage et dispo et volontaire à faire ça 24/7.<br /> De même si tu ne livres pas pendant une semaine (vacances, fêtes, autre…) tu retombes très vite à 17h.<br /> Et il faut aussi prendre en compte qu’à la base le concept c’était un «&nbsp;à côté&nbsp;» où tu choisis tes horaires (c’est comme ça que je le voyais et que c’était présenté). Le concept est un peu perdu avec ce système où tu es «&nbsp;poussé&nbsp;» à faire le plus d’heures possibles <br /> J’ai arrêté il y a 2 ans, j’ai tenu 6 mois et j’ai seulement fait un peu de tunes en complément du chômage parce que passer à «&nbsp;11h&nbsp;» comme on dit est vraiment compliqué et qu’il faut se foutre un coup de pied au cul pour ne pas le foirer.<br /> Même avec un score parfait de présence à tes créneaux et une grande satisfaction client tu n’es pas forcément un 11h, il faut encore attendre qu’une place se libère
BBlake
Merci pour ton retour d’expérience, c’est très instructif.<br /> Le fait que les vacances et fêtes ne soit pas pris en compte est mal foutu aussi.<br /> De ce que je comprend, Deliveroo se place entre un système pour des personne faisant sa à côté de leur travail et pour les personnes voulant faire ça à plein temps. En se plaçant au milieu, il propose donc un service adapté pour personne.<br /> Alors sois ils sont mauvais en organisation ou alors ils se cherche ^^
Hadory
Au contraire c’est très malin.<br /> Ça évite de salarier les livreurs, de payer moins de charge et de pas s’embêter avec des absences vu qu’ils sont obligés d’être là s’ils veulent des créneaux / de l’argent donc <br /> A savoir aussi, il y avait des «&nbsp;avantages&nbsp;» avant, des créneaux morts avec des tarifs garantis si tu faisais une commande (par ex 10€ entre 15 et 16h), des primes météo, de jour ferié etc… Beaucoup de choses qui disparaissent peu à peu
ZOG
fr.sputniknews.com<br /> Affaire Deliveroo: symbole d’une ubérisation de l’antisémitisme?<br /> Deux restaurants casher se sont vu refuser des livraisons Deliveroo! La classe politique est en émoi et la directrice générale de l’entreprise en France a été convoquée...<br />
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