Test de Resident Evil Village : une balade à la campagne qui tourne mal

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Test de Resident Evil Village : une balade à la campagne qui tourne mal

Maxence Jacquier

12 octobre 2021 à 13h59

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Resident Evil a déjà eu plusieurs vies. Des épisodes canoniques chéris puis boudés par la critique, des succès commerciaux gigantesques ou relatifs et des spin-offs plus ou moins pertinents ont jalonné les 25 ans d’existence de la franchise de Capcom, qui a dépassé en 2020 les 100 millions d’exemplaires vendus.

Si l’éditeur japonais est reparti de zéro ou presque avec Resident Evil 7 - le premier épisode canonique en vue à la première personne - l’objectif avoué du nouvel opus est de consolider ces bases tout en faisant le pont avec l’héritage conséquent de la série : un défi de taille que Resident Evil Village réussit de justesse.

7

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Resident Evil Village
  • Le Village, réussi et cohérent
  • Certaines séquences remarquables
  • Ambiance générale ciselée
  • Décors fouillés, environnements variés
  • Certaines séquences hors-sujet
  • Manque d’ambition ludique de certains donjons
  • Combats de boss décevants
  • Scénario ficelé à la va-vite

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Jeu de main, jeu de vilain !

Après avoir survécu à l’accueil pour le moins « chaleureux » de la famille Baker en Louisiane, Ethan Winters et sa femme Mia se sont réfugiés en Europe pour tenter de se reconstruire et d’élever leur bébé Rosemary, qui vient de voir le jour. Deux ans après les événements de Resident Evil 7, les cicatrices sont toujours béantes, et voilà Ethan contraint de partir une nouvelle fois en quête de réponses : sa fille a été enlevée, sa femme criblée de balles et lui abandonné aux abords d’un village mystérieux, à la suite d’un accident de voiture. Surplombé par un imposant château, le hameau délabré semble en proie à ce mal étrange dont la série à le secret.

Après les virus et les parasites, c’est maintenant un champignon qui gangrène la populace. Déjà à l'œuvre dans RE7, le Mutamycète transforme cette fois les humains en lycans et autres bestioles à la pilosité plus ou moins développée. Ethan va rapidement faire la connaissance des notables du coin, une bande de joyeux drilles aux pouvoirs épatants, managés par une prêtresse sombre, Mother Miranda. On ne présente plus Lady Dimitrescu, matrone fellinienne de trois mètres, aussi effrayante que séduisante, qui nourrit déjà nombre de memes ; Heisenberg a visiblement abandonné la meth pour se concentrer sur la télékinésie des objets métalliques ; la livide Bona Beneviento semble moins animée que la poupée flippante qui l’accompagne, et le monstrueux Moreau constitue le vilain petit canard de cette nouvelle « famille » déglinguée à laquelle il faudra faire face.

L'arrivée dans le village. Spoiler : tout ne va pas bien se passer.
L'arrivée dans le village. Spoiler : tout ne va pas bien se passer.

Comme son prédécesseur, RE8 fait beaucoup d’effort pour présenter ses antagonistes, et même ses PNJ en général : le marchand obèse difficile à cerner, la sorcière cinglée et ses incantations mystiques ou encore le géant hirsute et son immense marteau emprunté à Astaroth de Soul Calibur complètent un casting bigarré que l’on croisera régulièrement tout au long de l’aventure. Une emphase qui contraste grandement avec les enjeux de ce nouvel opus : entre les rites ésotériques, les conflits internes et les interventions sous testostérone de l’inévitable Chris Redfield, Village n’emmène pas vraiment la série sur de nouveaux sentiers narratifs.

L’intrigue, globalement très convenue, se conclut de manière invraisemblable, Capcom jetant nonchalamment à la figure des joueurs les connexions pas très subtiles de cet épisode avec les autres arcs narratifs de la licence. L’agent fongique, Umbrella, Ethan, la Louisiane : on aurait apprécié des intrications un peu plus subtiles de tous les enjeux de Resident Evil, et surtout une manière moins brusque que ces quelques notes écrites, balancées en vrac, que l’on consulte vite fait avant l’affrontement final.

Si Capcom n’a jamais été réputé pour la subtilité de sa narration et son ambition dans le domaine, Village ne déroge pas à cette triste règle.

Une galerie de personnages pitorresques...
Une galerie de personnages pitorresques...

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RE7 + RE4 = RE8 ?

Resident Evil 7 était avant tout une histoire de famille ; le concept est ici repris mais étendu à l’ensemble d’une bourgade, offrant tout le loisir à Capcom d’explorer les mécanismes de l'instinct grégaire et d’aérer un peu l’espace de jeu, délicieusement suffocant et resserré dans le précédent volet.

Savant mélange d’action, de réflexion et d’horreur, Resident Evil Village profite d’une formule de gameplay plus ambitieuse et équilibrée que son prédécesseur. Les lieux sont plus nombreux et variés, et l’action globalement bien mieux incorporée au sein de l’exploration. Après ses pérégrinations claustrophobiques en Louisiane, Ethan profite donc cette fois d’un terrain plus ample et ouvert : le village, dans lequel on reviendra régulièrement au fil du jeu, sert de hub central connectant les différents environnements.

Le titre gagne un peu en rythme ce qu’il perd en pression, l’étau se relâchant régulièrement pour permettre au joueur d’explorer tranquillement les environs à la recherche de clés, de camelote à revendre, de munitions supplémentaires ou d’animaux à chasser. Sans être gigantesque, la bourgade bénéficie d’un soin remarquable apporté à sa composition, et on finit par s’approprier avec plaisir cet espace de jeu central qui recèle raccourcis, objets cachés et éléments de lore inutiles, donc indispensables.

Petit deux pièces en plein coeur du village, vendu en l'état
Petit deux pièces en plein coeur du village, vendu en l'état

C’est un peu moins le cas avec les différents donjons, dont la construction souvent étriquée et la durée de visite assez courte étouffent toute ambition ludique dans l'œuf. Le château Dimitrescu est symptomatique : ce faste promontoire lugubre, que l’on rêvait en manoir Spencer à la Resident Evil premier du nom, se révèle finalement trop corseté pour toucher du doigt le charisme et la générosité de son prestigieux modèle.

Pire, cette manie de réduire l’espace de jeu à peau de chagrin grève grandement l’intérêt des combats, contre l’engeance classique comme face aux boss : Lady Dimitrescu n’a rien de la ténacité de Mr. X ou de la férocité du Nemesis, puisqu’il suffit de faire le tour d’une table ou de se réfugier chez le marchand pour éviter ses offensives poussives.

Lent et souvent dépassé par la présence ennemie, Ethan bénéficie cette fois encore d’un arsenal conséquent pour venir à bout des différents ennemis qui se présentent à lui. Un peu de dextérité suffit alors à se sortir sans encombre de la plupart des situations, tandis que quelques mines de proximité ou grenades explosives aideront parfois à se tirer d’un mauvais pas. La possibilité de contrer l’ennemi, utilisée par hasard deux ou trois fois tout au plus pendant l’aventure, se révèle plus approximative : la puissance de feu est un recours bien plus fiable que le timing étrange de cette manœuvre défensive, plus gadget qu’autre chose au final.

En dehors de quelques séquences d’action intéressantes à jouer, dans le village ou la forteresse par exemple, les combats de RE8 n’offrent donc rien de bien exceptionnel, d’autant que les munitions, que l’on peut fabriquer à loisir à l’aide des ressources glanées dans les décors ou sur les ennemis, ne viennent jamais vraiment à manquer.

JVFR
Magnifique mais relativement classique, le château manque un peu d'ambition dans sa construction

Restent quelques séquences fortes, remarquablement mises en scène, comme la découverte de l’usine, la partie de cache-cache ou la forteresse. Des moments charnières où la formule hybride, convoquant aussi bien la tension de Resident Evil 7 que l’exubérance décomplexée de Resident Evil 4, prend tout son sens. Si on est souvent ramené à la réalité par une scène de boss un peu ratée ou un donjon pas terrible (le moulin, une purge), les quelques envolées horrifiques de Resident Evil 8 justifient à elles-seules la découverte du jeu pour les amateurs de la série.

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Et la lumière fut

La réalisation est également un facteur déterminant dans notre appréciation du jeu. Les décors fouillés des intérieurs témoignent d’un fascinant naturalisme du désespoir : des nappes froissées, gamelles abandonnées à la hâte sur le feu, tapis gorgés de matière organique visqueuse et autres bougies qui se consument en arrière plan constellent les cahutes déglinguées et crédibilisent grandement ce hameau putride, nourrissant notre fascination morbide pour les screenshots délicieusement glauques. Les extérieurs ne sont pas en reste, Village profitant de la vue FPS pour multiplier les panoramas magnifiques, les happenings visuels horrifiques et les reliefs mystérieux.

Les corps, têtes d’animaux ou morceaux de poupées pendus à tous les arbres, les immenses statues de pierre qui jonchent les places, le brouillard épais et même un inquiétant rayon de soleil : Capcom a réalisé un travail formidable sur les décors de son titre, et chaque nouvel environnement est l’occasion d’admirer sa maîtrise technique et artistique. Les visages sont à tomber, et si les animations des ennemis n’ont rien d’original pour la série et que quelques problèmes de collision émaillent un peu la progression, Resident Evil 8 est une merveille visuelle de tous les instants.

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Chaque décor est l'occasion d'admirer le formidable travail technique et artistique de Capcom

Pas forcément à la pointe sur la finesse des textures ou les interactions avec le décor - limitées ici au strict minimum - le RE:Engine se rattrape sur les lumières. Les sources naturelles et artificielles inondent parfaitement chaque décor de leur inquiétante teinte orangée ou grisâtre, les god rays sont toujours idéalement placés et c’est un véritable bonheur de découvrir chaque composition lumineuse à la première personne. Les particules, effets de fumée et autres surfaces réfléchissantes bénéficient superbement de cet épatant travail sur l’éclairage, véritable fer de lance de l’ambiance ciselée qui se dégage de chaque environnement.

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Une version PC royale, ou presque...

Sur PC, Resident Evil Village bénéficie de nombreuses options de personnalisation graphique permettant de trouver un compromis viable en fonction de votre écran et de la puissance de votre machine. L’optimisation très correcte de l’ensemble permettra à beaucoup de profiter du jeu dans de bonnes conditions : notre confortable configuration de test (Ryzen 5600X, RTX 2080 Super, 32 Go de Ram, Corsair MP600) nous a permis de jouer en 2K à 144 images par seconde constants, en poussant quasiment tous les paramètres au maximum (sauf « qualité d’image », trop exigeant à haut niveau pour le matériel disponible en stock à l’heure actuelle) tout en bénéficiant de temps de chargement particulièrement courts.

Une fois le Ray Tracing activé (pas de DLSS dans Resident Evil Village), on reste globalement entre 85 et 110 fps suivant les lieux. On n’a pas trouvé le gain suffisamment significatif pour jouer l’intégralité de l’aventure en activant ce mode : le rendu des éclairages reste magistral en mode normal. Pour le reste, l’ergonomie douteuse du jeu sur PC rappelle que la série est née sur console : le mapping des touches dans les menus est abscons, la gestion de la molette calamiteuse et certains contrôles sont impossible à modifier (comment changer de type de grenade ?). Un simple Alt-Tab nous a parfois contraint à relancer le jeu, celui-ci tournant tout à coup à 30 images par seconde de manière inexpliquée.

Le combo clavier/souris reste radical en vue à la première personne : il facilite grandement les combats en évitant d’éparpiller ses munitions dans la nature à chaque déhanché de lycan. On se passe des retours haptiques et des gâchettes adaptatives de la Dual Sense, et donc d’un peu d'immersion, mais la possibilité de se retourner rapidement sans avoir à appuyer sur un bouton reste un confort largement appréciable.

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À gauche : RT OFF, paramètres graphiques élevés / À droite : RT ON, paramètres graphiques élevés

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La durée légale, mais pas plus

Merveille d’ambiance, spectacle visuel impressionnant, pot-pourri narratif maladroit et cocktail ludique inégal, Resident Evil Village n’est pas vraiment un modèle de durée de vie. Si l’on ajoute nos quelques échecs aux 8 heures 47 minutes affichés après les crédits de fin, on arrive tout juste au niveau du précédent volet et assez loin du conséquent Resident Evil 4.

Largement plus rejouable que RE7 avec ses quelques à côtés plus ou moins secrets à débusquer en explorant les environnements à fond, ses nombreux défis à relever pour les complétistes et ses nouvelles armes à débloquer pour le fun, on pourra sans mal passer une vingtaine d’heures sur le jeu avant d’en faire complètement le tour. On recommande tout de même chaudement aux amateurs de survival de commencer directement en difficile, afin de densifier un peu des affrontements un brin statiques en normal compte tenu de la puissance de feu à disposition.

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Dix heures de jeu maximum en normal, et quelques à-côtés appréciables

Le mode « Mercenaire » et ses quatre niveaux, déclinés en deux versions, offre une cerise sympathique sur le gâteau en attendant Resident Evil RE:verse, le stand-alone multijoueurs gratuit promis par Capcom pour cet été en guise de cadeau d’anniversaire (empoisonné ?) pour les 25 ans de sa licence.

Pas certain que les quelques heures supplémentaires, à se gaver de pouvoirs spéciaux en enquillant les headshots, suffisent à combler les fans absolus de jeux de survie, même si Resident Evil 8 s’inscrit dans la lignée des jeux du genre en termes de durée de vie.

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Resident Evil Village : l’avis de Clubic

Moins radical que Resident Evil 7, mais aussi mieux équilibré et plus généreux, Resident Evil Village est une bonne suite qui, sans les transcender, parvient bien à concilier différents héritages de la série. Porté par son ambiance magnifiquement sinistre, ses quelques séquences fortes et son décorum puissant, le jeu de Capcom parvient le plus souvent à faire oublier ses écueils ludiques et narratifs, même si on aurait aimé un peu plus d’ambition dans la construction des espaces de jeu et des combats de boss plus inventifs et surprenants.

Resident Evil poursuit sa mue et assure ses arrière en inscrivant (parfois maladroitement) sa nouvelle optique dans ses canons standardisés. Sans être une énorme claque, Village est un épisode solide, intéressant à plus d'un titre, qui restaure encore un peu plus la confiance des fans. Vivement la suite.

Resident Evil Village

7

Grâce à son ambiance fantastique et quelques séquences fortes, Resident Evil Village est une suite solide qui crédibilise un peu plus la nouvelle approche de Capcom pour sa licence.

Les plus

  • Le Village, réussi et cohérent
  • Certaines séquences remarquables
  • Ambiance générale ciselée
  • Décors fouillés, environnements variés
  • La lumière, magnifique
  • Les antagonistes hauts en couleur
  • Mode Mercenaire, défis, secrets
  • Le plein d’options graphiques sur PC

Les moins

  • Certaines séquences hors-sujet
  • Manque d’ambition ludique de certains donjons
  • Combats de boss décevants
  • Scénario ficelé à la va-vite
  • Ergonomie des menus douteuse sur PC
  • Aventure principale un peu courte
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