Pourquoi Adblock Plus veut vous faire payer

05 mai 2016 à 12h32
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Payer des articles de presse, quelle drôle d'idée ! Ce modèle économique évident avant Internet revient sur le devant de la scène, cette fois, à l'initiative d'Adblock Pus, qui s'est associé à Flattr.

Vous aimez un article, une vidéo ou une photo au point de cliquer sur un bouton « like » ? C'est un signe de reconnaissance que les médias apprécient, et dont ils se servent pour piloter leur stratégie éditoriale. Adblock Plus, que l'on n'attendait pas forcément sur ce sujet, souhaite aller plus loin. Le célèbre bloqueur de pub s'est allié au service de donation en ligne Flattr (fondé par Peter Sunde, à l'origine de The Pirate Bay). Explication.

Présenté le 3 mai, ce nouveau service est attendu pour la fin de l'année dans le monde entier. Son nom : Flattr Plus. Son but : rémunérer les médias en un clic. Comment ? Lorsque vous lisez un article et que vous décidez de soutenir son éditeur, vous cliquez sur le bouton dédié. Plutôt que de grossir un compteur de pouces bleus, verts ou turquoises, celui-ci va déclencher un micro-paiement en puisant dans votre compte Flattr, crédité en amont.

Un autre type de « racket » ?

De cette façon, Adblock Plus espère proposer aux médias une nouvelle ligne de revenus, en plus de la publicité classique - que 20 % des internautes bloquent en moyenne, causant un manque à gagner estimé par Adobe en 2015 à 22 milliards de dollars. La bête noire des éditeurs imagine sans doute aussi se refaire une virginité, tout en ajoutant elle aussi une nouvelle ligne de recettes à son modèle économique, reposant sur les listes blanches.


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La première difficulté pour Flattr sera de créer le réflexe du paiement chez le lecteur - Crédit : Flattr.


Celles-ci permettent à certains éditeurs de passer outre le blocage, moyennant finance. Des acteurs majeurs comme Google, Microsoft, Amazon ou Yahoo sont déjà passés à la caisse, de même que d'autres entreprises très importantes dans le secteur - et moins visibles du grand public - comme Outbrain et Taboola (recommandation de liens), ou le spécialiste français du reciblage publicitaire Criteo. Pour certains, ce modèle confine au racket.

Payer ? Certainement pas !

Avec Flattr Plus, ce sentiment risque d'être... amplifié. Car il s'agit bien sûr pour Eyeo (l'éditeur d'Adblock Plus) de prélever une commission lors de chaque donation. En d'autres termes, celui-ci bloque la publicité d'un côté, et prive les éditeurs de recettes potentielles. Et de l'autre, leur propose une sorte de substitut, en se rémunérant au passage. Il est du reste peu probable que Flattr Plus comble le manque à gagner engendré par Adblock Plus.


Une enquête réalisée par OpinionWay en France en 2014 était assez édifiante à ce sujet. Leurs auteurs avaient demandé combien étaient prêts à débourser 65 euros par an pour un Web sans pub - revenant à seulement 5,4 euros par mois, sous la moitié d'un abonnement Spotify ou Netflix environ. Réponse : 87 % ont répondu non !
Alors ils ont demandé quelle somme ils voulaient bien payer. Réponse pour la moitié d'entre eux... 0 euro.

Le payant suit son chemin

Malgré tout, c'est bien le chemin du payant qu'empruntent la plupart des médias. Car la pub quand elle n'est pas bloquée, n'est tout simplement pas vue (une sur deux selon Kantar Media en 2015), et ça, les annonceurs en tiennent de plus en plus compte, ce qui a tendance à réduire les prix. Mais aussi, éditeurs et marques rivalisent de nouvelles idées pour combler leur manque à gagner, et paradoxalement, attisent le phénomène du blocage.


La situation s'est tellement tendue que l'IAB lui-même - l'organisme normatif de la publicité mondiale - a publié une lettre sous forme de mea culpa en 2015 dans laquelle il avouait « s'être planté de voie », et prenait acte de sa part de responsabilité dans l'état du marché, où la pression et le ciblage ont couru après l'érosion des revenus. Si bien que le Bureau a mis en chantier de nouveaux standards pour une publicité plus « fairplay ».


Vidéo de lancement de Flattr Plus.


Engagement vs. audience

Dans ce vaste débat, la position de Peter Sunde avec Flattr Plus, est de « transformer l'internet en ce qu'il était supposé être depuis le début », c'est-à-dire « un espace où les créateurs rencontrent leur public » revalorisant le « contenu riche », qui actuellement, serait « perdu dans les pièges à clic et les articles en diaporama, tous ayant pour but de générer des revenus publicitaires ». Il prône un modèle basé sur l'engagement, plus sur l'audience.

La question est de savoir comment Flattr Plus mesurera le fameux engagement pour définir le juste niveau de rétribution. Sera-t-il fondé sur les mêmes outils de mesure que ceux utilisés pour la publicité, comme le nombre de clics, de visiteurs uniques ou le temps passé par page ? Ajoutons que les contenus les plus appréciés se font parfois discrets et ne sont pas toujours les plus partagés ou commentés. En cela, Flattr risque d'être un leurre.


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