Initiée en 2009, la saga Borderlands a déjà connu plusieurs suites. Seulement trois ans après le premier opus, c'est Gearbox qui se charge du développement de Borderlands 2. En revanche, en 2014 sur The Pre-Sequel!, le studio texan ne vient qu'en soutien de 2K Australia. La même année, Tales from the Borderlands change complètement de registre : aux commandes, nous retrouvons Telltale Games qui réalise ici un jeu d'aventure conforme à ses habitudes. Enfin, il y a quatre ans, sortait The Handsome Collection, une compilation pour laquelle c'est surtout un travail de rafraîchissement qui a été réalisé. Dix ans après la sortie du premier opus et avec « autant » de suites, on se demande forcément comment Gearbox est parvenu à innover pour Borderlands 3.
« la campagne de Borderlands 3 se moque des Jumeaux Calypso, comme une manière de tourner en dérision le comportement des influenceurs, bien réels, eux »
Dahl de monstres
Le Beau Jack ayant périclité précédemment, Borderlands 3 débute logiquement avec un nouvel adversaire pour le joueur... ou plutôt deux nouveaux adversaires puisque la campagne toute entière est conçue autour de l'opposition entre notre héros et les Jumeaux Calypso. Tyreen et Troy sont dans l'air du temps et avec eux, Gearbox parodie ouvertement ces dizaines « d'influenceurs » qui rêvent de likes et sont prêts à toutes les compromissions pour drainer toujours plus de followers. Ils se mettent en scène - caméra à la main - et ne reculent devant rien, surtout pas la violence la plus extrême, pour se faire mousser. À d'innombrables reprises, la campagne de Borderlands 3 se moque des Jumeaux Calypso, comme une manière de tourner en dérision le comportement des influenceurs, bien réels, eux.En réalité, la popularité n'est qu'un moyen pour Tyreen et Troy, qui cherchent en fait à mettre les mains sur les clés des arches. Ils espèrent ainsi trouver la Grande Arche et l'immense pouvoir - supposé - qu'elle renferme. Sur leur route, les Jumeaux trouvent Lilith que les amateurs de la franchise connaissent bien. Devenue leader des Pillards Écarlates, celle-ci souhaite recruter toujours plus de combattants et nous incarnons bien sûr LA recrue de choix. En début de campagne, il nous faut sélectionner un personnage parmi quatre nouvelles têtes : Amara la Sirène et ses poings immatériels, FL4K le Roi des bêtes, toujours accompagné par une, deux ou trois créatures, Moze l'Artilleuse et son puissant mécha l'Ours de Fer, ou Zane l'Agent spécial qui dispose de gadgets comme un drone de combat.
Ces quatre personnages ne changent pas la formule Borderlands, mais nous apprécions le renouveau qu'ils proposent par rapport aux héros des précédents opus. Leurs arbres de compétences, leurs aptitudes spécifiques et leurs gadgets sont autant de moyens de voir les choses différemment, et de mener la campagne à sa manière - avec, de notre côté, une préférence pour Moze : il faut dire que le mécha est assez jouissif. Puisque nous parlons campagne, notez qu'elle s'étale sur environ 30 heures sans chercher - loin de là même - à faire toutes les quêtes secondaires. Borderlands 3 garantit donc une bonne durée de vie, mais le contenu de la campagne, lui, est en retrait : un mode « chasseur ultime » pour augmenter la difficulté, un mode « chaos » pour appliquer divers modificateurs aux ennemis et les « cercles du massacre » pour des défis plus compacts en arènes.
Du renouveau, il y en a ainsi nettement moins dans le déroulement de la campagne bien qu'elle tente une espèce de twist pour feindre l'innovation. Histoire de raccrocher avec les wagons des précédents opus, l'aventure débute donc sur Pandore et suit un déroulement extrêmement classique... Jusqu'à la découverte du vaisseau Sanctuary et de son décollage. Les Pillards Écarlates veulent effectivement devancer les Jumeaux Calypso et doivent pour cela partir vers différentes planètes. On se prend alors à rêver d'une certaine composante spatiale, mais non tout cela n'est qu'artifice. Le Sanctuary n'est rien de plus qu'un hub sans grande originalité, permettant seulement d'aller sur les différentes planètes du jeu en fonctions des impératifs de mission ou de nos envies de découverte.
« le manque flagrant de charisme d'abord des Jumeaux Calypso, mais ensuite de tous les méchants »
A bailar Calypso
Au total, nous sommes amenés à explorer cinq planètes, mais pour ménager un peu la surprise, nous ne parlerons que des quatre premières. Tous les amateurs connaissent déjà Pandore, l'astre de départ. Elle s'apparente à une Tatooine post-apocalyptique où seule compte la force. Marécageuse et couverte d'un épais manteau forestier, Eden-6 est la base opératoire de la famille Jakobs, des flingues du même nom. Athénas est une espèce de retraite monastique et Prométhée est en partie ravagée par la guerre que se livrent les deux fabricants d'armes, Atlas et Maliwan. Hélas, ces planètes ont un impact essentiellement cosmétique : la conception des niveaux ne change pas véritablement de l'une à l'autre, pas plus que l'organisation des quêtes.Les quêtes justement nécessitent un aparté tant il s'agit d'un point décevant. Gearbox nous a habitué à des objectifs simples et Borderlands 3 ne déroge pas à la règle, en amplifiant encore le côté peu inspiré. Alors forcément, on s'ennuie. Pratiquement toutes les quêtes se résument à se rendre sur une zone pour y dégommer des méchants et, de temps à autres, jouer les facteurs pour récupérer ou livrer un objet précis. Nous aurions aimé plus de diversité dans les objectifs, comme lorsque nous devons poursuivre l'énorme Carnivoria : il s'agit là de détruire certains composants du « camion » pour l'obliger à s'arrêter. Hélas, cette mission est isolée et même celles de « défense » d'un PNJ ne soutiennent la comparaison : le PNJ ne pouvant pas mourir, on ne fait, en fin de compte, que repousser des vagues d'ennemis.
Cela dit, le plus gênant n'est finalement pas la monotonie et le manque d'audace des quêtes. Nous y reviendrons, mais l'action frénétique compense en partie ce problème. Ce qu'elle ne peut compenser en revanche, c'est le manque flagrant de charisme, des Jumeaux Calypso d'abord, mais aussi de tous les méchants - boss majeurs ou mineurs - qui parsèment l'aventure. Pour les scénaristes, il n'était certes pas évident de se mettre au niveau du Beau Jack - quelle classe quand même ! - mais le résultat reste particulièrement décevant. Leurs monologues sont longs et manquent tellement de panache qu'à chacune de leurs interventions, on ne souhaite qu'une chose : zapper... Sauf que les développeurs n'ont pas intégré la moindre option pour accélérer ou couper les cinématiques.
Pour ne rien arranger au manque de charisme des Calypso, l'humour de Borderlands tombe ici bien bas, plus encore que celui de The Pre-Sequel!. Evidemment, on ne peut pas dire que Borderlands 2 ait été particulièrement subtil, mais ici les vannes de certains personnages - Ellie, Claptrap ou BALEX pour n'en citer que trois - ne sont en réalité qu'un enchaînement de grossièretés, de référence au postérieur ou plus vulgairement dans le jeu, au cul des protagonistes. Quand Claptrap utilise ce qui lui sert de fondement pour colmater une brèche dans le vaisseau, on sourit, mais quand ledit robot nous rabâche pendant dix minutes son « exploit », ça lasse. Plus encore que le faible niveau d'humour déployé, c'est le recyclage infini de vanne de Borderlands 3 qui nous fait friser l'overdose.
« les armes se voient le plus souvent dotées de deux modes opératoires »
Tyreen, l'âne il se terre
Heureusement, tout n'est pas à jeter dans « l'habillage » du jeu. Nous avons par exemple une affection toute particulière pour le duo constitué par Sir Hammerlock et son compagnon Wainwright Jakobs, descendant des flingues Jakobs. L'opposition entre ce dernier et sa sœur est amusante et le déroulement des missions - quoique les objectifs restent peu inspirés - un peu moins linéaire. Nous avons également une petite pensée pour Tiny Tina qui signe ici un retour bref mais remarqué ou la présence - plus importante - de Rhys Strongfork, l'un des deux principaux protagonistes de Tales from the Borderlands. Il est maintenant à la tête de la société Atlas, mais a toutes les peines du monde à la conserver alors qu'une O.P.A. on ne peut plus hostile est conduite par Katagawa Junior.Vous l'aurez sans doute remarqué et Gearbox a d'ailleurs basé une partie de sa promotion là dessus : les scénaristes ont fait revenir de très nombreux personnages de la franchise, comme si ce Borderlands 3 devait être le dernier de la série. Nous en avons déjà évoqué quelques-uns comme Sir Hammerlock ou Tiny Tina, on peut encore citer Brink, Mordecai ou Moxxi. Hélas, dans la majorité des cas, il ne s'agit que de très fugaces apparitions comme si Gearbox avait été obligé - par contrat - de leur donner une place dans cette nouvelle production. Dans la majorité des cas, ils ne sont donc là que pour une scène et n'ont pas vraiment le temps ou les moyens de peser sur l'ambiance. Dommage car le charisme des nouveaux-venus - et pas seulement celui des méchants - est assez faible.
Notez bien que la question de l'humour est sans doute quelque chose d'encore plus subjectif que l'appréciation d'un scénario ou du rythme de l'action. Il est ainsi possible que vous soyez plus réceptif aux blagues des auteurs de Borderlands que nous, mais même dans ce cas, vous serez sans doute d'accord pour conclure que Borderlands 2 était plus inspiré à ce niveau là ; et c'est dommage car en ce qui concerne loot et armements, Borderlands 3 a mis les petits plats dans les grands. Comme d'habitude, l'élimination de la moindre créature est susceptible de nous rapporter de l'équipement, mais la récolte semble encore plus importante que précédemment. Mieux, les armes se voient le plus souvent dotées de deux modes opératoires afin, par exemple, d'utiliser des munitions incendiaires ou corrosives.
De fait, la quête du meilleur devient encore plus folle et motive le joueur à poursuivre la sienne. C'est bien simple, durant notre premier run de la campagne, nous n'avons pour ainsi dire jamais gardé une arme entre les mains pendant plus d'une heure. On récupère, on analyse, on compare et on fait son choix d'armes et équipements. Par rapport à un RAGE 2, les sensations au moment d'appuyer sur la détente sont en retrait, mais cela reste tout à fait convenable et l'aspect un peu délirant que peuvent prendre les affrontements à la mode Borderlands fait le reste. Les ennemis peuvent surgir de partout, ils n'hésitent pas à attaquer par dizaines et, même si l'intelligence artificielle est totalement absente, on prend un plaisir fou à tirer dans tous les sens ou à jouer de la grenade.
« Gearbox a reconduit le principe du mode coopératif, qui a tant fait pour la renommée des précédents opus »
La guerre de Troy aura-t-elle lieu ?
À côté des combats « classiques », Borderlands nous a habitué à proposer tout un tas de combats de boss, contre des créatures plus puissantes que de coutume et nécessitant donc une - ou plusieurs - tactique(s) particulière(s) pour l'emporter. Hélas, Borderlands 3 exagère à ce niveau et face au nombre de combats de boss, on sent que les développeurs ont manqué d'idées. Résultat, à côté de quelques duels vraiment bien trouvé et plutôt spectaculaires comme celui contre l'Agoniseur 9000, se trouvent plusieurs combats de boss sans âme, sans intérêt serait-on tenté de dire. Trop souvent, les créateurs se sont reposés sur le seul concept du sac à points de vie avec plusieurs « résurrection » pour faire durer un peu le suspens. Là encore, c'est subjectif bien sûr, mais ces affrontements sans imagination sont peu affriolants et ne donnent pas envie de retourner dans l'arène pour les occire une fois de plus.Sauf peut-être à retourner sur Borderlands 3 avec des amis. Sans surprise, Gearbox a reconduit le principe du mode coopératif qui a tant fait pour la renommée des précédents opus. Bien sûr, même un jeu très moyen doit normalement devenir plus intéressant dès lors qu'on le pratique entre amis. Mais Gearbox a tout de même le chic pour réussir ses modes coopératifs. Parcourir Pandore ou Athénas avec trois amis dans les rôles principaux procure un immense plaisir et mettre sur la tronche d'innombrables vilains - pas beaux - qui peuplent cet univers est un bonheur de chaque instant. Une fois encore, pas de problème particulier à signaler dans la mise en œuvre de ce mode de jeu et si certains se sont plaints de soucis de connexion, nous n'avons absolument rien à reprocher à Gearbox.
Au contraire et pour conclure notre test de Borderlands 3 nous aimerions souligner la qualité technique du jeu. Notez que nous n'avons pu tester que la version PC du jeu et que celle-ci présente tout de même un problème important : le mode DirectX 12 - présenté comme une bêta - est à déconseiller, il semble entraîner d'importantes saccades. En revanche, en DirectX 11, la fluidité du jeu et sa relative légèreté sont plus qu'appréciables. À base de i9-9900K et de GTX 2080 Ti, notre configuration a ainsi pu faire tourner le jeu à plus de 60 images par seconde minimum en 3840 x 2160 avec tous les détails poussés au maximum. Côté bug c'est aussi très satisfaisant avec simplement quelques petits soucis d'interface vite réglés en quittant / rouvrant l'inventaire par exemple. Du bon travail donc, même si Gearbox aurait pu en profiter pour retoucher une interface utilisateur pas toujours très ergonomique.
Borderlands 3 : l'avis de Clubic
Sans être un mauvais jeu, Borderlands 3 n'est hélas pas l'apothéose de la franchise que nous appelions de nos vœux. En reprenant les principales caractéristiques des précédents opus, Gearbox ravira à n'en pas douter les fans de la série. Hélas, le studio manque clairement d'audace et peinera donc à convaincre la majorité des autres joueurs. Si vous trouviez l'humour des précédents déjà lourdingue, vous risquez fort d'être exaspérés par les interventions de certains personnages qui peinent à arracher le moindre sourire. Le manque de charisme des principaux ennemis ne plaide pas non plus en faveur du jeu, de même que la conception des quêtes... plus FedEX que jamais.Pour autant, tout n'est évidemment pas à jeter et l'arsenal hallucinant à disposition du joueur fait toujours son petit effet. On ne se lasse jamais de comparer et remplacer nos flingues. Plusieurs combats de boss sont particulièrement bien pensés et les nouveaux personnages font souffler un petit vent de fraîcheur. Les fans pourront donc y aller les yeux fermés, mais nous ne saurions trop conseiller aux autres d'essayer avant d'acheter, tant Borderlands 3 peut diviser les joueurs... En espérant que Gearbox se montre plus audacieux - ou plus inspiré - la prochaine fois.
Test réalisé à partir d'un code fourni par l'éditeur