LeWeb'10 - M.Baker : la mission de Mozilla n'est qu'à moitié remplie

Guillaume Belfiore
Lead Software Chronicler
09 décembre 2010 à 08h56
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Lors du salon annuel LeWeb'10 qui se déroule actuellement à Paris, les plus grandes personnalités de la Toile se rassemblent et discutent des dernières technologies en nous dévoilant les prochaines tendances. A cette occasion nous avons rencontré Mitchell Baker, présidente de Mozilla qui revient sur Firefox, Thunderbird leur avenir ainsi que les prochaines ambitions de la fondation.

Votre partenariat avec Google prend fin en novembre 2011. Vous avez su réduire la part de leur apport financier. Envisagez-vous une stratégie financière qui apporterait davantage d'indépendance à Mozilla ? Par exemple dans le domaine des applications web ou des extensions ?

Mitchell Baker : Pour commencer nous aimons bien la stratégie fiancière actuelle pour plusieurs raisons, la principale étant que les utilisateurs de Firefox l'apprécient. Et pour nous c'est très important. Bien sûr nous ne sommes pas les seuls à dire cela mais dans notre cas c'est fondamental sinon les gens qui développent Firefox arrêteraient tout de suite leurs travaux. Par ailleurs nous avons toujours connu un monde de compétition intense donc nous devons avoir un produit que les gens apprécient. Nous aimons notre stratégie financière et c'est l'une des raisons pour laquelle nous n'avons pas choisi de diversifier cette dernière.

Cependant je pense que dans quelques temps nous introduirons des changements. Je ne sais pas de quelle manière pour l'instant il se pourrait que ce soit similaire à ce que nous avons aujourd''ui. Vous avez suggéré des application web, pourquoi pas. Il se peut aussi que ce soit autre chose. Ceci dit nous sommes une organisation à but non lucratif donc générer des revenus n'est pas notre mission principale.

Nous allons faire quelque chose dans le domaine des applications mais ce sera différent de ce qui existe déjà. et quand nous aurons trouvé une solution viable alors nous penserons au modèle économique par la suite. Pour nous les revenus ne sont qu'un moyen d'atteindre notre mission globale.

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Et qu'en est-il des extensions ?

M.B :  Nous réfléchissons à des moyens d'aider les développeurs à être payés pour leurs travaux sur les extensions et ce afin de créer une véritable stratégie et un écosystème. Il s'agira plus d'un marketplace avec des extensions gratuites et payantes.

Et pensez-vous prendre une commission sur les ventes ?

M.B : Je ne sais pas pour l'instant il s'agit d'un projet. Il est possible que nous prenions une commission pour faire tourner ce service.

Dès ses débuts, la mission de Mozilla était de forger un web plus ouvert et innovant. Aujourd'hui certains acteurs tels que Google et Opera sont innovants et Microsoft s'ouvre au HTML5. Votre mission est-elle achevée ? Quel est l'avenir de Firefox ?

M.B : Nous n'avons accompli que la première partie. Un marché ouvert et compétitif c'est très bien mais nous avons un certain idéal pour ce dernier. Il faut que ces critère puissent réellement impacter la vie des gens. L'on peut par exemple imaginer qu'il y ait beaucoup de choix mais rien de bien. L'on pourrait imaginer qu'il y ait une cinquantaine de navigateurs différents mais aucun d'entre eux respectant la vie privée. Certes il y aurait du choix, un marché compétitif mais finalement rien de valable pour l'utilisateur.

Il y a donc un autre but derrière cet objectif premier. Et si l'on observe le web d'aujourd'hui il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la gestion de la vie privée et la sécurité. Certes il y a Firefox mais il s'agit aussi d'influencer les éditeurs à suivre notre trace. Il y a aussi d'autres domaines comme par exemple pouvoir choisir son navigateur sur smartphone et dans deux mois Firefox 4 sera disponible en version finale sur Android.

Il y a aussi le marché très fermé des répertoires d'applications mobiles. Il n'y a pas d'interopérablité et pas d'intégration avec le web. En ce sens nous travaillons sur un web app store pour par exemple télécharger une même application sur différents terminaux.

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Il y a beaucoup de projets au sein de Mozilla Labs. Certains sont actifs, d'autres non. Comment choisissez-vous vos priorités ?

M.B : Pour certains de ces projets, nous faisons une évaluation, en tirons de simples conclusions et l'arrêtons. Mais comme il est open source, n'importe qui peut choisir de le continuer. Pour déterminer nos priorités nous nous posons plusieurs questions. Cela résout-t-il un problème ? Si oui ce dernier est-il important ? Combien de personnes sont intéressées par ce projet ? Ce dernier résout-il un problème si bien qu'il mérite sa place au sein de Firefox ? C'était notamment le cas de Personas. Enfin doit-on en modifier son ergonomie pour le déployer auprès de tous les consommateurs ?

Et finalement qui se pose ces questions et prend les décisions ? Est-ce la communauté ou Mozilla ?

M.B : C'est un peu les deux. Chez Mozilla nous nous sentons au milieu de cette communauté. Il y a des leaders au sein de cette dernière ainsi que des prises de décisions par exemple sous la forme de votes. Il y a un vrai aspect communautaire et parfois les leaders peuvent dire : "wow ce projet était vraiment bien mais finalement les internautes utilisant leur navigateur 24h sur 24 n'ont tout simplement pas compris comment il fonctionnait".

Pourquoi le développement de Thunderbird n'est-il pas aussi rapide que celui de Firefox ?

M.B : Thunderbird est un produit différent pour plusieurs raisons. Il s'agit d'un client email avec les protocoles POP et IMAP. Pour l'instant ce n'est pas une plateforme dominante sur Internet si vous voyez ce que je veux dire.

Voulez-vous dire que plus de gens utilisent un webmail plutôt qu'un client ou qu'il y a plus d'internautes utilisant un navigateur qu'un client email ?

M.B : Effectivement tout cela est vrai. Mais vous savez si un navigateur évolue plus rapidement c'est parce qu'au-delà de l'interface graphique, l'architecture intérieure change aussi très rapidement. Sur Thunderbird, cette architecture ne change pas. La manière dont vous recevez ou envoyez vos emails n'a pas changé, nous utilisons toujours POP et IMAP.

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Mais d'une certaine manière les réseaux communautaires n'ont-ils pas fait évoluer les communications ? Pourrions-nous voir l'introduction d'un gestionnaire global des différentes messageries des réseaux ?

M.B : Oui probablement. Nous avons d'ailleurs le projet Raindrop au sein de Mozilla Labs qui adressait justement ce problème. Ceci dit, au travers des retours que nous obtenons, il semblerait que la communauté de Thunderbird ne soit pas vraiment très claire sur le degré d'innovation qu'elle attend. Pour l'instant nous n'avons pas encore trouvé la bonne approche pour innover davantage. Certains ne veulent qu'un client email, d'autres attendent un peu plus. Ce n'est pas facile.

Pourtant au début de Firefox, les gens ne voulaient pas forcément une navigation par onglets. Ce n'était pas la norme. Il fallait changer ses habitudes et quelque part Firefox nous a imposé cette ergonomie.

M.B : Oui. Ceci dit aujourd'hui il nous semble que la communauté de Firefox est plus encline à accepter l'innovation et les changements par rapport à celle de Thunderbird. Peut-être est-ce dû à un plus grand intérêt pour le web d'une manière générale, je ne sais pas.

Hormis Firefox et Thunderbird, y aurait-il selon vous un autre produit que l'on pourrait placer à leurs côtés ?

M.B : Nous avons le service web Sync qui transfert les données de votre navigateur, les favoris, l'historique, les mots de passe. Pour la plupart des gens il ne s'agit que d'une fonctionnalité de Firefox et pourtant il s'agit bien d'un produit séparé. Mais la meilleure manière de le déployer auprès des internautes est bien de le présenter comme un service tiers à Firefox.

Nous allons dévoiler d'autres services web mais ces derniers seront probablement aussi perçus comme des fonctionnalités de Firefox. Aussi notre Web App Store fonctionnera dans tous les navigateurs, pas seulement Firefox.

Jolicloud et Flock ont abandonné le moteur de rendu Gecko pour Webkit. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

M.B : Gecko et Webkit sont de technologies similaires mais pas équivalentes. Peut-être Webkit collait plus à leurs besoins. Cela peut vous paraître bizarre mais nous apprécions cette compétition. Les gens doivent utiliser ce qui leur plait le mieux.

Pensez-vous qu'un modèle ouvert/fermé tel que Chromium/Chrome puisse trouver sa place sur Firefox ?

M.B : Non absolument pas. Pour nous il est impensable que le développement de Firefox soit séparé de la communauté.

Je vous remercie

Guillaume Belfiore

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Responsable du développement éditorial sur la partie Logiciel et Services Web sur Clubic. Précédemment journaliste, je traitais l'actualité web et mobile au sens large. Je m'intéressais aux entrailles...

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Responsable du développement éditorial sur la partie Logiciel et Services Web sur Clubic. Précédemment journaliste, je traitais l'actualité web et mobile au sens large. Je m'intéressais aux entrailles des navigateurs web, aux nouveaux smartphones mais aussi aux systèmes d'exploitation, aux questions de sécurité ou à l'actualité e-business en général. Sinon je dois avouer que j'ai un faible pour tout ce qui touche au web design et c'est généralement le code source d'une page web que je lis en premier.

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