Réussite ou échec ? L'atterrisseur japonais SLIM s'est bien posé sur la Lune, mais...

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
22 janvier 2024 à 19h30
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Le direct de l'agence japonaise montrait de nombreuses données de SLIM (post atterrissage). ©  JAXA
Le direct de l'agence japonaise montrait de nombreuses données de SLIM (post atterrissage). © JAXA


Sa descente le 19 janvier jusqu'à la surface lunaire fut un véritable succès, et le Japon est bel et bien devenu la 5e puissance à poser un véhicule avec succès sur la surface. Malgré tout, la célébration fut de courte durée. À cause d'un souci d'orientation, l'atterrisseur SLIM a vidé ses batteries. Tout n'est pas perdu…

Le petit atterrisseur japonais SLIM (aussi appelé le « Moon Sniper ») a commencé comme prévu son freinage et sa descente vers le sol lunaire vendredi dernier, le 19 janvier. 20 minutes diffusées en direct et montrant principalement la télémesure transmise par le véhicule qui a fait de son mieux pour ralentir et se poser correctement sur les parois inclinées près du cratère Shioli, sur la face visible de la Lune. Et au moment de l'atterrissage, les deux commentateurs japonais ne se sont pas départis de leur calme (oserait-on dire, leur flegme), malgré des relevés qui, sur le moment, ont paru contradictoires. En effet, les affichages montraient un atterrissage réussi, tandis que l'agence japonaise a quasi immédiatement annoncé « attendre de nouvelles données » avant de programmer une conférence de presse. Il y avait un problème, et cela a perturbé la fête.

Pourtant, SLIM s'est bel et bien posé sur la Lune, et le Japon est devenu la 5e puissance (après l'URSS, les États-Unis, la Chine et l'Inde) à réussir à s'y poser !

Mais alors, quel est le problème ?

En réalité, dès l'instant de l'atterrissage, les équipes japonaises ont eu confirmation de deux choses : leur véhicule SLIM avait survécu à sa descente sur la Lune et pouvait toujours communiquer, et ses panneaux solaires ne chargeaient plus la batterie dont les niveaux avaient déjà commencé à baisser. Il s'agissait donc d'une course contre la montre pour comprendre le problème, mais aussi pour télécharger un maximum de données issues de la descente. Car rappelons-le, le but principal du « Moon Sniper » était de se poser à moins de 100 mètres d'un point précis sur la Lune, ce qu'il a très justement réussi à faire ! Ce 22 janvier, les autorités japonaises ont apporté quelques précisions. D'abord, le problème de chargement des batteries est lié à l'orientation des panneaux : SLIM est très probablement couché sur le côté. Et le soleil n'éclaire pas l'ouest sur la Lune actuellement, donc les batteries se sont déchargées.

2 h 37 après avoir touché le sol lunaire, le Japon a choisi d'éteindre SLIM avec 13 % de batterie, après avoir récupéré le plus de données possibles, y compris de la part de petits robots éjectés correctement juste après avoir touché le sol. Il semble que ces derniers se soient bien comportés.

Vue d'artiste de SLIM comme elle était censée se poser. Apparemment, ce n'est pas aussi droit... © JAXA
Vue d'artiste de SLIM comme elle était censée se poser. Apparemment, ce n'est pas aussi droit... © JAXA

Agence recherche bonne surprise

Même si la JAXA n'a pas publié d'images jusqu'ici (il y a plus important pour eux, comme les données liées au moteur lors de la descente), l'agence affirme sur X.com (ex-Twitter) que plusieurs séquences ont bien été récupérées. Et il y a encore mieux : l'espoir est toujours permis ! Si les équipes ont mis SLIM en veille prolongée avant que sa batterie atteigne 0 %, ce n'est pas un hasard. Car le Soleil va poursuivre sa course dans le ciel au-dessus de la surface lunaire. Et éventuellement atteindre ces fichus panneaux solaires. La JAXA a donc tenté un pari, en économisant un peu de batterie (et de transferts de données) dans l'espoir de pouvoir réactiver correctement SLIM d'ici la fin de la semaine. Dans tous les cas, l'agence japonaise fera une conférence avec ses résultats pour en parler. Et si le « Moon Sniper » nous faisait une petite surprise ?

Source : NASA Space Flight

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (16)

Rainforce
SLIM est très probablement couché sur le côté<br /> C’est ballot !<br /> Et éventuellement atteindre ces fichus panneaux solaires.<br /> Rhalala …
nicgrover
Malheureusement il y a toujours l’impondérable même si tout est fait pour le minimiser. A 384 400 km de la Terre c’est déjà un exploit qu’il ait atterri car c’est une première pour le Japon.<br /> Merci Eric, on attend la suite maintenant.
Proutie66
On est vraiment plus fichu d’aller sur la lune avec toute notre technologie
Catstom
Les batteries ont été calibrées au plus juste ??? même pas 3 heures d’autonomie ca parait fort peu
Ccts
On est quand même en train de balancer un sacré paquet de détritus sur la lune … la durée de vie de ces petites sondes c’est pas fou fou.
Martin_Penwald
La masse, c’est l’ennemi dans l’exploration spatiale. Des batteries plus grosses, ça veut dire plus de carburant pour décoller, mais aussi plus de carburant pour alunir, ce qui implique plus de carburant pour décoller …
Rainforce
Proutie66:<br /> On est vraiment plus fichu d’aller sur la lune avec toute notre technologie<br />
Korgen
Rien d’anormal là dedans. Dans les années 60-70 seuls l’URSS et les USA ont eu un programme lunaire et ils ont eu aussi leurs échecs. Pour rappel la 1ère sonde lunaire (russe) rate sa cible de 6000 km. Il leur aura fallu attendre Luna 9 pour arriver à se poser en douceur.<br /> Les japonais en sont à leur 1ère tentative, c’est déjà bien beau qu’ils aient réussi à poser leur sonde sans dégats. Il n’y a que la NASA et l’agence russe qui ont cette expérience, rien de surprenant qu’un autre pays ou qu’une entreprise privée galère.<br /> Ne pas oublier aussi que sur la lune tu ne peux pas utiliser de magnétomètre ou de GPS et que les outils comme les gyroscopes n’ont pas le même fonctionnement.<br /> Dernier point, on parle de sondes autonomes. Faire atterrir des sondes avec des algorithmes se basant sur des instruments de mesure est moins simple qu’il n’y parait. Lors d’un vol habité, un humain peut improviser face à des situations non prévues quand une IA ne peut pas. Lors d’Apollo IX, le LEM avait largement dépassé le site d’alunissage prévu. Armstrong a dû trouver un site safe de visu pour poser le LEM, ce qu’une sonde classique ne peut faire.<br /> Il ne faudrait pas oublier que la NASA a réussi à poser une sonde sur une comète à pratiquement 8 milliards de km (et encore une fois ce sont les seuls à avoir cette expérience).
gothax
Merci Éric !
MattS32
Korgen:<br /> Il ne faudrait pas oublier que la NASA a réussi à poser une sonde sur une comète à pratiquement 8 milliards de km (et encore une fois ce sont les seuls à avoir cette expérience).<br /> Non, ça c’est l’ESA avec Philae / Rosetta. La NASA a crashé (volontairement, Deep Impact) une sonde sur une comète, pas posé.
ebottlaender
Hum hum, comme on le rappelle dans l’article, 4 autres nations ont déjà réussi à se poser sur la Lune : les Etats-Unis, l’URSS, la Chine et l’Inde.<br /> L’agence japonaise en est officiellement à sa première tentative, mais elle avait déjà un orbiteur, et elle a aidé l’entreprise iSpace, qui a raté son atterrissage lunaire au printemps 2023.
f-dzt
Il semble que les Européens ne soient pas intéressés par la lune alors ? Ou trop occupés par des problèmes terre-à-terre ces derniers temps …
MattS32
Ils sont intéressés. L’ESA travaille sur ce sujet avec la NASA. Elle va notamment fournir certains modules du programme Artemis.
Korgen
Exact mais ça n’empêche pas le propos d’être juste, à savoir que «&nbsp;on&nbsp;» est capables de prouesses telles que poser une sonde sur un astre, même très loin. Et qu’il faut bien comprendre que ces prouesses ne se sont pas faites sans échecs.<br /> @ebottlaender Tout à fait. Je cite la NASA et l’URSS pour leur expérience de 60 ans dans le domaine. La Chine n’a que 10 ans d’expérience dans l’alunissage (il me semble tous couronnés de succès dès le 1er essai, ce qui est une première). L’Inde c’est très récent, 2019 pour la 1ère tentative d’alunissage (échouée) et l’été dernier pour leur 1er succès.
Chirokee
Rappelons toutefois que la sonde NEAR Shoemaker avait réussi se poser sur Éros le 12 février 2001 alors qu’elle n’avait pas été prévu pour cela. Elle y a survécu et transmis jusqu’au 28
taist
ont ils appelés DARTY ?
juju251
Korgen:<br /> Il ne faudrait pas oublier que la NASA a réussi à poser une sonde sur une comète à pratiquement 8 milliards de km (et encore une fois ce sont les seuls à avoir cette expérience).<br /> Il ne faudrait tout de même pas oublier que la première mission (et encore la seule* ? ) à s’être posée sur une comète est européenne : Rosetta - Philae. Certes, tout ne s’est pas déroulé comme prévu pour Philae, mais cela n’empêche que ça reste une réussite.<br /> Alors, évidemment, j’en vois déjà lever leur sourcil et me dire «&nbsp;oui, mais c’était facccciiiiiile, à seulement 510 millions de kms de la Terre&nbsp;».<br /> Facile, ben tiens cependant, il ne faut pas oublier les trois assistances gravitationnelles, le survol de Mars, de différents astéroïdes, les dix ans de voyages, dont quasiment trois sonde mise en veille (pour économiser l’énergie), son réveil programmé …<br /> Bref, les équipes de l’ESA savent aussi relever quelques défis. <br /> *Comme le rappelle Eric, la sonde DART s’est écrasée dessus, pas posée (ce qui reste une mission très complexe, évidemment).
Korgen
Et prévoir avec une précision extrême le point de rencontre des années au préalable, gérer l’éjection de matière de la comète sans endommager la sonde, etc…<br /> Très sincèrement, pour ma part, je trouve que c’est le défi le plus impressionnant qu’on ai réussi depuis Apollo IX (et dans une moindre mesure la réussite du sauvetage d’Apollo XIII).
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