Les 10 actualités et échecs insolites du spatial en 2023, quand ça veut pas…

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
30 décembre 2023 à 17h31
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La petite "usine spatiale" de Varda Space. La capsule est pour l'instant bloquée en orbite... © Rocket Lab/Varda Space
La petite "usine spatiale" de Varda Space. La capsule est pour l'instant bloquée en orbite... © Rocket Lab/Varda Space


Comme chaque année, 2023 fut émaillée de revers cuisants et d'autres aux conséquences moins importantes. Certains ont rapidement trouvé écho sur Clubic et d'autres sont restés sous le radar. Mais en cette fin décembre, il est temps de regarder la réalité en face. Ce n'était pas des échecs, ça n'a juste pas marché.

10 : Ce n'est pas son nom !

La liste commence par une révélation étonnante, mais sans grande conséquence. La Russie met en place d'ici quelques années sa constellation Sfera, centrée sur les besoins étatiques de connectivité, ainsi que sur d'autres services comme l'imagerie. On a appris cette année que Sfera s'appelle ainsi… parce que Vladimir Poutine s'est trompé de nom lors de l'annonce de la création en 2018. L'agence nationale, Roscosmos, l'appelait alors Ehfir (Ether) et n'avait pas prévu de changement, mais après cette petite bourde, tout a été rapidement renommé. Il s'agit de ne pas vexer le chef de l'état.

9 : La boite à outils qui s'en va

Voici une autre maladresse, qui date du 1er novembre. En sortie spatiale à l'extérieur de la Station Spatiale Internationale, les deux astronautes américaines Jasmin Moghbeli et Loral O'Hara sont toutes les deux au cœur de leur première expérience en scaphandre, 400 km au-dessus de la Terre. La sortie se passe bien, mais les deux astronautes n'ont plus le temps de s'occuper d'une antenne, et posent des questions aux équipes au sol. Un moment d'inattention et hop ! Un sac contenant plusieurs outils part à la dérive. Une erreur qui, une fois le « débris » bien catalogué, reste anecdotique : d'ici un an ou deux, le sac sera désintégré dans les hautes couches de l'atmosphère.

De façon assez extraordinaire, cette photo a été prise au zoom quelques jours plus tard. © NASA/JAXA
De façon assez extraordinaire, cette photo a été prise au zoom quelques jours plus tard. © NASA/JAXA

8 : Un parachute qui a bien failli ne pas sortir

Cette fois, ce n'est pas passé loin. En septembre, la capsule de la mission OSIRIS-REx ramène sur Terre les inestimables échantillons prélevés sur l'astéroïde Bennu au début de la décennie. Elle traverse l'atmosphère et déploie son parachute au-dessus du désert en Utah (États-Unis) avant de se poser. On ne l'apprendra que plusieurs semaines après, mais les trois câbles du système de commande étaient mal branchés. Le petit parachute qui devait sortir son grand frère lors de la descente a même été éjecté pour rien. Heureusement que cette histoire se termine bien ! Les échantillons sont à l'étude à Houston.

En parlant des échantillons d'OSIRIS-REx, une grande partie d'entre eux n'est toujours pas documentée, parce que la partie centrale du collecteur… est toujours fermée. La faute à une vis récalcitrante ou grippée, et à un outil mal adapté pour « forcer » et ouvrir le petit container étanche. Sauf que l'ensemble est déjà partiellement ouvert dans un box à atmosphère contrôlée, et qu'il n'est pas possible d'ouvrir le « sas » quand on le souhaite. Une petite équipe s'occupe actuellement de préparer un outil adapté. En attendant, les scientifiques travaillent avec les poussières collectées sur le rebord du boitier. Mais quand même, cela fait 4 mois qu'il est là… fermé.

Les échantillons de l'astéroïde Bennu ont bien failli ne pas voir les labos... © NASA
Les échantillons de l'astéroïde Bennu ont bien failli ne pas voir les labos... © NASA

7 : La capsule qui n'a pas pu revenir sur Terre

Une autre capsule a malheureusement fait parler d'elle cette année. C'est celle de l'entreprise Varda Space. Envoyée en orbite en juin, sa première minuscule « usine spatiale » a réussi à produire du ritonavir, un médicament principalement dédié à lutter contre le SIDA, à plus de 500 kilomètres d'altitude, profitant de l'impesanteur. Oui, sauf que la capsule qui devait ramener les échantillons prototypes sur Terre n'a pas reçu l'autorisation de se poser aux États-Unis, car Varda ne peut fournir les garanties nécessaires sur la sécurité de son système. Résultat, elle a produit des médicaments, mais ne peut les ramener sur Terre sans le coup de tampon administratif. Dommage !

6 : Revenez dans trois mois !

Les délais administratifs ont fait d'autres victimes cette année. C'est le cas de la fusée expérimentale Miura-1, préparée par la PME espagnole PLD Space, qui espérait l'envoyer vers l'espace à la fin du mois de mai. De quoi valider le design et poursuivre les travaux de la plus imposante fusée Miura-5 ! Mais le 31 mai, quand elle est enfin prête, des vents en haute altitude repoussent le vol. Deuxième autorisation le 17 juin, et cette fois le compte à rebours arrive à zéro, c'est le moteur-fusée qui se met en sécurité après avoir détecté un problème. Le plus gros délai viendra toutefois du gouvernement espagnol : la base côtière d'El Arenosillo interdit les vols l'été à cause des risques d'incendie, rendez-vous dans 3 mois ! La fusée a finalement pu décoller le 7 octobre.

Tentative de décollage avortée (en juin) pour PLD Space. © PLD Space/Raul Torres
Tentative de décollage avortée (en juin) pour PLD Space. © PLD Space/Raul Torres

5 : Un système de sauvegarde qui détruit sa fusée

Les fusées, lors de leurs premiers vols, ne sont pas exemptes de gros problèmes de design. Ce fut le cas cette année en Corée du Nord. La dictature a mis en service sa nouvelle fusée capable d'envoyer des satellites de plusieurs centaines de kilogrammes en orbite basse, Chollima-1. Mais cette dernière avait quelques soucis de jeunesse. En particulier lors de son 2e tir le 23 août, les autorités ont bien cru que la fusée allait atteindre l'orbite… Mais à une poignée de secondes du but, le lanceur a explosé. Pas de chance, ce sont les explosifs chargés de disloquer la fusée en cas d'échec (pour éviter de bombarder une ville par inadvertance) qui se sont déclenchés !

4 : Un échec en vol de trop pour Virgin Orbit

D'autres échecs de fusée ont eu des conséquences importantes. Ce fut le cas tout au début de 2023, le 9 janvier. L'avion 747 de Virgin Orbit décolle pour la première fois du Royaume-Uni, et largue la fusée LauncherOne qui embarque plusieurs petits satellites. C'est un échec en vol cuisant, et un chant du cygne raté. L'avion porteur retourne aux États-Unis, mais les créanciers, eux, quittent le navire. En mars, Virgin Orbit n'a plus un sou et doit limoger ses équipes, l'entreprise est démantelée peu après. Le 747, lui, revole déjà, sous les couleurs de Stratolaunch…

Virgin Orbit opérait la dernière fusée orbitale lancée depuis l'aile d'un avion. © Virgin Orbit
Virgin Orbit opérait la dernière fusée orbitale lancée depuis l'aile d'un avion. © Virgin Orbit

3 : Quand l'antenne de son énorme satellite ne veut pas sortir…

D'ailleurs, ce n'est pas tout d'arriver en orbite. Encore faut-il que tout fonctionne comme prévu ! On a tremblé cette année lorsque la sonde JUICE (en route pour Jupiter) a eu du mal à déployer son bras magnétomètre… Mais le problème a rapidement été réglé. Pour l'un des plus grands satellites envoyés en orbite géostationnaires cette année, ViaSat-3 Americas, ce fut bien plus grave. Ce dernier n'a pas réussi à déployer son énorme antenne pliable de 30 mètres de diamètre, ce qui l'a rendu pratiquement inopérant (700 millions de dollars). Pire, l'entreprise Viasat a racheté au début d'année l'un de ses concurrents, Inmarsat, pour apprendre quelques semaines plus tard que le tout nouveau bijou en orbite, Inmarsat I-6 F2 avait un souci critique de puissance électrique.

2 : Des fuites, des fuites et encore des fuites

L'année avait commencé avec une équation difficile sur la Station Spatiale Internationale. En effet, en décembre 2022, la capsule Soyouz MS-22 avait subi une fuite de son radiateur principal. Causée, selon Roscosmos, par un impact de micro-météorite. Mais quelques semaines plus tard, c'est cette fois un cargo russe Progress, qui fait face au même type de fuite. Une sortie spatiale d'inspection ne révélera rien de particulier, mais la série n'était pas encore terminée ! Cet automne, ce fut au tour du module (permanent) Nauka de subir une nouvelle fuite de liquide refroidissant. Une série de hasards, problèmes de conception, ou les deux ?

Le module russe Nauka sur l'ISS, avec le petit module Pritchal au bout, qui permet de s'y amarrer. © NASA
Le module russe Nauka sur l'ISS, avec le petit module Pritchal au bout, qui permet de s'y amarrer. © NASA

1 : Minute, où sont nos réservoirs ?

La palme de l'erreur revient cette année au constructeur italien Avio, qui a la charge de la petite fusée européenne Vega (et de son évolution Vega C). Après un décollage réussi en octobre, l'entreprise devait s'atteler au dernier lancement de Vega prévu au printemps prochain. Problème, deux des quatre réservoirs de l'étage supérieur AVUM (qui ressemblent à de gros chauffe-eau) ont été… égarés. Un problème de traçabilité qui tourne au ridicule, puisqu'il semble que ces deux réservoirs ont été laissés dans une pièce qui a ensuite fait l'objet de travaux de réfection. Ils ont été retrouvés, contaminés et inutilisables, à la décharge. Plus ennuyeux encore, ce sont les derniers de la série, ils ne sont plus produits ! En attente d'une solution, le tir a été reporté à l'automne 2024.

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (5)

nicgrover
Je ne dirai pas le «&nbsp;bêtisier aérospatial&nbsp;» 2023 mais il y a des articles qui m’ont fait sourire.<br /> Tous mes meilleurs Voeux M Eric
cid1
J’aime bien le coup du rennomage à cause de Vladimir Poutine.<br /> Quant à Juice, le bug en question c’est un beetle, Beetle Juice
Bidouille
Sacré Vladimir, si c’était sa seule bourde. Il en a fait et en fait encore des pires
max6
Mon bon sachez que Vladimir ne fait jamais de bourdes d’ailleurs ce sont les autres qui s’étaient trompés de nom, la preuve ils sont punis, ils doivent écrire le bon nom 1 milliard de fois dans une cabane en Sibérie et après ils pourront rentrer à la maison. Non mais de fois !
pecore
C’est ça l’efficacité russe. Chez nous, si le Président fait une bourde, on en parle sur toutes les chaines et toutes les radios pendant des jours. La honte totale.<br /> En Russie, si le Président fait une bourde, on change la réalité et hop, ce n’est plus une bourde, c’est la nouvelle Vérité. Ça a tout de même plus de classe.
juju251
Ca me fait penser au SR-71 Blackbird, qui a la base devait s’appeler RS-71.<br /> Là aussi c’est une histoire de discours qui a changé son nom. ^^<br /> fr.wikipedia.org<br /> Lockheed SR-71 Blackbird | Anecdotes<br /> En principe, la dénomination de l'appareil aurait dû être Blackbird RS-71, pour Reconnaissance/Strike («&nbsp;reconnaissance/attaque&nbsp;», en anglais). Toutefois, le général Curtiss LeMay lui préféra la désignation SR-71, pour Strategic Reconnaissance, et transforma le texte de la déclaration du président Lyndon Johnson du 25 juillet 1964.<br /> Le nom de «&nbsp;Blackbird&nbsp;» provient de la couleur bleu très foncé - voire noire - de la peinture employée pour le camouflage qui permet à l'avion de réémettre la chaleur...<br /> (Même si j’avais déjà entendu que c’était une erreur d’écriture et non volontaire)
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