Eric SEIVE, Consultant chez Valtech analyse l’évolution de la veille dans l’entreprise

11 février 2002 à 00h00
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Eric SEIVE, Consultant en management des connaissances et portails chez Valtech société de conseil, présente son analyse de l'évolution de la veille stratégique

AB - Monsieur SEIVE bonjour. Consultant en management des connaissances et portails d'entreprises, vous avez réalisé une analyse sur l'évolution de la veille dans l'entreprise. Quelle méthodologie avez-vous adoptée pour réaliser ce travail ?

ES - Je me suis basé sur des entretiens que j'ai pu mener avec différents responsables de veille lors de missions de conseil. Au travers de ces interviews j'ai pu évaluer les points clés de l'évolution de la veille dans les entreprises.

AB - Votre analyse fait apparaître que nous sommes passés en 15 années de la veille documentaire à la veille collaborative. Pouvez-vous en dire plus sur cette évolution ?

ES - La pratique de la veille s'est développée ces quinze dernières années au sein des entreprises françaises. Les sociétés se sont dotées d'une organisation de veille et d'outils permettant de mettre en œuvre informatiquement tout ou partie du processus.

On peut dire que la veille a connu son propre cycle de développement, sa propre histoire. Celle ci comporte trois grandes étapes.

La première étape a été marquée par la constitution des cellules de veille. Cette période est marquée par la volonté de formaliser et d'organiser la veille au sein des entreprises. Les cellules avaient la charge de l'ensemble du cycle de veille. Elles rassemblaient la totalité des veilleurs d'une entreprise.

Le processus de la veille était découpé en cinq grandes étapes : le ciblage des thèmes de veille, la recherche des informations, la validation, le classement et la mise à disposition.

La prise en charge de chacune des étapes était coordonnée par la cellule de veille. Chaque thème de veille faisait l'objet d'un dossier qui était ensuite donné en consultation aux salariés concernés au sein de l'entreprise.

Ces dossiers de veille étaient principalement constitués de documents papiers et mis à la disposition sous ce format aux personnes intéressées dans l'entreprise.

Autre élément qui a marqué la période, l'utilisation de bases de données interrogeables le plus couramment à distance. Elles nécessitaient l'apprentissage d'un langage de requête que le veilleur devait s'approprier. Les bases pouvant être analysées étaient par exemple les bases de brevets de l'INPI. Cette première intrusion de l'informatique dans le métier de veilleur était anticipatrice d'un changement important dans l'organisation des systèmes de veille.

Les veilleurs développaient une expertise dans l'étude, dans l'interrogation des bases de données existantes et dans la constitution de dossiers de veille. Le principal avantage de cette approche était l'efficacité de l'organisation. Ces dossiers étaient une source fiable d'informations même si la diffusion au plus grand nombre sous format papier posait des problèmes.

L'inconvénient de ces systèmes était que la recherche, la constitution des dossiers et leur diffusion représentaient un lourd travail, consommateur de temps. D'autre part la réactivité, liée à la mise à jour, n'était pas forcément le point fort de ces premiers systèmes de veille qui restaient très documentaires.

La deuxième étape a été marquée par l'entrée de l'Internet dans les entreprises et l'inflation des données, informations et connaissances qui s'en est suivie.

L'utilisation d'Internet a permis le développement exponentiel des sites web, forums de discussion, listes de diffusion... Sortant de la sphère des professionnels, Internet, par le biais des moteurs de recherche a permis le développement de la recherche d'informations par les non-spécialistes.

Ingénieurs, commerciaux, responsables du marketing... tout le monde et à tous les niveaux de l'entreprise a pu avoir accès à une masse importante d'informations.

Les interfaces des moteurs de recherche se sont alors adaptées pour proposer des systèmes de recherche simple, à contrario des bases de données nécessitant un langage d'interrogation qui demandait un certain apprentissage.

Suivant un schéma classique, le premier temps fut celui de l'engouement, c'est-à-dire une recherche frénétique d'informations. Les personnes s'inscrivaient à de nombreuses listes de diffusion et se trouvaient confrontées à un raz de marée informationnel.

L'avantage de ce système était l'ouverture et la diversité de sources d'information. Il a aussi mis en lumière l'importance de la gestion des sources d'information au sein de l'entreprise.

Le nombre de personnes pouvant capter l'information a ainsi augmenté de manière considérable.

Principal inconvénient de la pratique de la veille durant cette période : reprenant le célèbre adage "trop d'informations tuent l'information", de nombreuses personnes se sont alors retrouvées noyées sous une masse d'informations sans aucune pertinence.


Par conséquent, il a fallu penser à la mise en place d'un processus systématique et d'outils prenant en compte les évolutions induites par l'Internet

La dernière évolution est la mise en place de la veille collaborative

Mettre en place un système de veille adapté à la révolution Internet, voilà le challenge auquel les entreprises ont été confrontées ces dernières années.

L'apparition d'Internet et la profusion d'informations que cela a générée, a fait naître la nécessité d'une plate-forme commune de classement, de validation et de partage de l'information sensible. Les portails collaboratifs remplissent aujourd'hui ces fonctions

Les fonctionnalités de ces portails qui dynamisent le processus de veille sont :

- La possibilité d'avoir une seule et même plate-forme permettant de stocker des documents multimédias, de les indexer de façon automatique ou semi-automatique,
- L'automatisation du processus de validation, de publication
- Le classement dynamique des éléments de veille donnant ainsi une souplesse à la catégorisation qui évolue selon les axes stratégiques de veille retenus
- Les possibilités d'alertes sur les documents publiés
- La réaction sur les documents grâce à des forums permettant une discussion sur la validité de l'information
- La possibilité d'affiner les profils des utilisateurs permettant ainsi à chacun de participer à la veille tout en gardant une grande cohérence au système
- La traçabilité de tout le processus donnant un tableau de bord de la veille riche en information pour le responsable
- La recherche d'informations assistée par un moteur de recherche possédant des nombreux critères.

Chaque collaborateur apporte de l'information sur son domaine de compétence, après classement de celle-ci dans une catégorie , une alerte est automatiquement envoyée à la personne ayant déclaré au préalable cette catégorie comme centre d'intérêt.

Ces plates-formes communes permettent la participation de chacun au système de veille et la diffusion de l'information au plus grand nombre en assurant un degré de pertinence élevé. La veille devient ainsi plus réactive et apporte la bonne information à la bonne personne.

AB - La veille a pris une nouvelle dimension avec Internet, vous parlez à juste titre d'une "révolution". Une révolution des usages et des outils ?

ES - Internet est surtout une révolution de l'usage... des outils ! Internet a mis à disposition des outils auparavant réservés aux professionnels : moteur de recherche, forums, bases de documents.

Il n'est pas aisé de donner des exemples de mise en place car les sociétés ne souhaitent pas forcément communiquer sur un système de veille qui leur apporte un indéniable avantage concurrentiel.

Cependant je peux vous citer l'exemple lié à un opérateur de téléphonie mobile :

Le Département management des connaissances et portails d'entreprises de Valtech a mis en place un système de veille se basant sur un portail collaboratif. L'idée de celui-ci était d'établir une surveillance des thèmes stratégiques en automatisant l'alerte des collaborateurs ayant déclaré a priori leur intérêt pour un thème d'informations.

Ce système, paramétrable, permet une forte évolutivité et un déploiement rapide : évolutivité car les plans de classements de l'information peuvent évoluer de manière rapide et suivre ainsi au plus près les besoins en information de veille ; déploiement rapide car l'application de veille est accessible par simple navigateur. L'accès à l'information y est bien sur sécurisé.

Tous les collaborateurs peuvent ainsi selon leur droits contribuer au système et être informés en retour selon leur profil.

AB - Quelle est votre définition de la veille collaborative ?

ES - Je dirais que la veille collaborative est l'utilisation de la puissance de l'Internet et des portails collaboratifs pour la collecte et la diffusion de l'information par et pour tous les collaborateurs.

AB - A votre avis, comment va évoluer le processus de veille dans l'entreprise ces prochaines années ?

ES - On va vers une diffusion toujours plus grande des outils de la veille dans les entreprises.

La veille n'a plus à prouver sa pertinence conceptuelle ou son utilité, les outils sont là ! Alors le plus grand challenge de ces cinq prochaines années va être dans la consolidation des trois approches de la veille : l'approche conceptuelle, l'approche en terme de processus et l'approche outils. Etablir une réelle synergie entre ces trois approches voilà le véritable enjeu.

AB - Eric SEIVE, je vous remercie pour ces observations.
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