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Reflets.info interdit de publier à nouveau sur Altice, notamment les infos issues d'un ransomware

06 octobre 2022 à 16h20
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Patrick Drahi

Les défenseurs de la liberté de la presse le redoutaient, la justice française l'a fait. L'application d'une directive européenne sur le secret des affaires a fait sa première victime.

Reflets.info, site d'information indépendant financé par les abonnements de ses lecteurs, a été la première victime en France de l'application de cette loi. Dans un communiqué en accès libre rendant compte de la décision, le média explique ainsi qu'une décision lui interdit à partir de maintenant de diffuser la moindre information sur le groupe Altice, la holding de Patrick Drahi notamment propriétaire de plusieurs groupes de presse.

Quel était le sujet du procès ?

Les demandes des avocats d'Altice lors de ce procès peuvent sembler démesurées : Altice souhaitait que Reflets efface les données obtenues par Hive, un collectif de hackers ayant obtenu de nombreuses informations sur la fortune personnelle de Patrick Drahi et le fonctionnement de son entreprise. Par ailleurs, l'entreprise souhaitait que Reflets ne puisse plus publier d'article à son sujet, et que ce média s'acquitte d'une amende. Plus choquant encore, les avocats de la holding ont exigé que les articles déjà écrits sur le sujet soient supprimés.

Pour rappel, la source de ces articles est un groupe de hackers ayant révélé des informations sur Altice suite au refus de l'entreprise de payer un ransomware. Les informations confidentielles sont indéniablement graves pour la confidentialité de l'entreprise, mais elles lui portent surtout un coup très dur en termes d'image, puisque sa filiale SFR promouvait quelques jours avant sa nouvelle solution de cybersécurité…

Mais les articles de Reflets se concentrent sur un autre aspect des révélations : le train de vie de Patrick Drahi. Le milliardaire, généralement discret dans les médias, collectionne les peintures de maître, les voitures de sport, les résidences, et bien sûr les voyages en jet privé. Dans un autre article, c'est la véritable armée de sécurité privée aux moyens considérables qui est exposée, quand un troisième revient sur les mécanismes dont il a profité pour se construire une fortune colossale.

Un dangereux précédent pour la liberté de la presse

Dans les grandes lignes, c'est à Altice que le tribunal de commerce a donné raison. Si la décision ne revient pas sur les articles déjà en ligne, qui devraient donc le rester, Reflets a en revanche interdiction de publier à nouveau sur la holding. Du moins, c'est ce qu'en ont compris les auteurs du communiqué du média, car pour eux, ce verdict est brouillon et mal rédigé : il leur ordonne en effet « de ne pas publier […] de nouvelles informations ». Pris littéralement, ce verdict signifierait donc tout bonnement la fin du site. Aucune sanction en cas de non respect de la demande n'est par ailleurs mentionnée. Enfin, Reflets doit payer 4 500 euros d'amende en plus de ses frais de justice.

Cependant, moins que le verdict, c'est la méthode utilisée qu'ils dénoncent : appelée « procès-bâillon », elle consiste, pour les grandes entreprises ou les milliardaires, à attaquer les médias ou les journalistes indépendants en diffamation dès qu'ils publient une information qui ne leur plaît pas. L'objectif de cette méthode n'a jamais été de gagner le procès, leurs victimes ayant généralement de solides sources pour se défendre, mais d'obliger ces dernières à engager de considérables frais de justice, jusqu'à être pris à la gorge et jeter l'éponge. La grande nouveauté dans cette affaire, c'est donc que la justice ait donné raison à Altice.

Cette nouveauté est la première application en France de la traduction dans la loi d'une directive européenne dite sur le secret des affaires. Adoptée par la Commission européenne en 2016, elle fait son apparition dans le droit français en 2018. Elle consacre la protection des informations revêtant une valeur commerciale effective ou potentielle, ce dernier point étant largement laissé à l'appréciation des entreprises concernées. Il devient donc illégal d'obtenir, d'utiliser ou de diffuser ces informations. Pourtant, la loi précise qu'elle n'est pas opposable dans le cas de la liberté d'information et de la presse en général.

Ce que beaucoup craignaient est donc arrivé, et ce jugement constitue pour les organes de presse un inquiétant précédent.

Vincent Mannessier

Rédacteur indépendant depuis des années, j'ai rédigé plus de 1.000 articles sur Internet sur une large variété de sujets. J'aime tout particulièrement écrire sur les actualités des réseaux sociaux et...

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Rédacteur indépendant depuis des années, j'ai rédigé plus de 1.000 articles sur Internet sur une large variété de sujets. J'aime tout particulièrement écrire sur les actualités des réseaux sociaux et des GAFAM, mais les jeux vidéos et l'innovation numérique en général me passionnent aussi.

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Commentaires (20)

sandalfo
c’est triste, Patrick Drahi, Altice et SFR sont redevables de leur comportement même si l’information a été obtenue par des hackers pour moi.
Popoulo
Si la grosse commission européenne en a fait une directive, c’est effectivement pas pour rien.
paulposition
Il fut un temps (carrément presque au début de la création de l’Union Européenne) Ch. Pasqua avait dit (en gros) « si vous voulez que l’Union fonctionne, supprimez la Commission Européenne » Il n’avait pas tord
Droz
Honteux et dangereux.
Droz
Il n’y a pas de justice en France, le plus riche gagne.<br /> Ce mec ne paie pas d’impôts, mais n’est même pas inquiété.<br /> Un journaliste fait son travail, il est poursuivi.<br /> Écœurant.
flonc
Défendre le journalisme, oui. Mais certainement pas prendre La degense de ceux qui publie des informations volées par des pirates.<br /> Si Drahi veut dépenser son argent dans des jets et des équipes de sécurité, c’est son droit. C’est faire le jeu des escrocs en publiant des articles nauséabonds quand le chantage n’a pas permis d’ obtenir de l’argent.
kervern
soit article nauséabonde, mais secret des affaires c’est révéler des affaires en cours, des accords, des ventes et achats, mais en quoi le train de vie de M. Drahi rentre dans le secret des affaires sans déconnés, SFR et sa holding sont coté en bourse, il doit rendre compte, si cela avait été révélé par un lanceur d’alerte il aurait fait quoi, passé le droit des affaires avant celui des droits des journalistes et de l’info ? bien sure c’est une histoire plus que nauséabonde qui pour ma part ne m’interesse pas, mais la question ce pose que ce passera t il sur des affaires moins sordides qui a débuter sur un ransomware, tu es un lanceur d’alerte tu es employé de la dite société, tu prend des documents, donc tu les volent, qu’en serait il aussi en temps normal autre des la directives du secret des affaires ou juste parce que les documents ont été volé, l’europe ce transformerait il en état unis ? le droit a l’infos peu importe de quoi il parle tant que c’est la vérité et un droit inaliénable au même titre que les droits de l’homme
kervern
excuse moi mais si c’est dans les documents de SFR c’est la carte bleu de SFR qui a été utilisé, impossible que des achats ou voyages privés soit dans les documents de société, c’est d’une logique imparable, dans les comptes de ma société y a pas l’infos je suis allés la semaine dernière a Disneyland, tu vois une compagnie comme SFR aucun actionnaire ne s’amuse a consulter chaque année les comptes de SFR qui je présume en version papier dois bien faire un cube d’un bon metre cube !
pecore
je ne connais pas le site mais je trouve leurs méthodes douteuses. Déontologiquement, déjà, ils ne devraient pas utiliser des informations obtenues illégalement et dans un but de chantage.<br /> De plus, faire un article, que je devine à charge, sur la manière dont quelqu’un, même un milliardaire, dépense son argent ou assure sa sécurité, je n’appelle pas ça du journalisme. Tout au plus du boulot de presse à scandale.<br /> Enfin, mélanger la vie privée du PDG avec les pratiques de l’entreprise, c’est tout à fait déplacé et malhonnête.<br /> Il est probable que c’est un ensemble de comportements discutables que la tribunal à condamné, plus que la divulgation d’informations jugées sensibles. Dès lors, d’avantage que les lois Européennes, c’est possiblement les pratiques de certains médias qui mettent en danger la liberté de la presse.
GRITI
Libération<br /> La succession d'Amesys, ou le «business as usual» de la surveillance<br /> Vendue à la Libye de Kadhafi, la technologie développée par l'entreprise française a poursuivi son chemin. Alors que la FIDH et la LDH demandent auprès du parquet de Paris l'ouverture d'une enquête sur un contrat avec l'Egypte d'al-Sissi, le site...<br /> Moi qui voulais me réabonner à reflets.info, ça me motive encore plus.
darkkanga
Bonjour,<br /> Qu’un journaliste enquête, échanges avec des salariés d’une entreprise, consulte des documents, recoupe des données sur une entreprise, c’est son job, c’est normal.<br /> Qu’un journaliste diffuse des données obtenues frauduleusement par un pirate réclament des rançons, cela me choque.<br /> Si les actes du dirigeant de l’entreprise sont répréhensible, que la justice fasse sont travail. Dans le cas contraire, c’est à SFR de gérer.<br /> Concernant le procès, la justice a un coup et malheureusement, le plus riche peut plus facilement se défendre.<br /> La méthode décrite dans cette article est répugnante mais légale.<br /> Est-ce que l’issue du procès aurait été la même si les données diffusées avaient été récupérées d’une autre manière? On aura pas la réponse mais d’autres médias diffusent des enquêtes à charges sur des grands groupes et ne sont pas condamnées.<br /> En France, on peut toujours attaquer pour diffamation dès que quelqu’un, une entreprise est mentionnée publiquement, c’est ensuite la justice qui évaluée le préjudice.
LedragonNantais
Le gros richou Drahi magouillerait il des trucs en cachette niveau finances, pour museler un site de presse indé? Qui sait…
SATS
Non, justement, SFR n’est plus coté en bourse. Drahi a racheté les actions et retiré SFR du marché boursier.<br /> boursorama.com<br /> SFR GROUP Cours Action SFR, Cotation Bourse Euronext Paris - Boursorama<br /> Le cours de l'action SFR GROUP SFR en temps réel sur Boursorama : historique de la cotation sur Euronext Paris, graphique, actualités, consensus des analystes et informations boursières<br />
kervern
soit, mais de toute façon le controle et de mise, et vivre sur le dos de sa sté est considérer comme un abus de bien sociaux…
kervern
deux choses déja quand tu vis sur le dos de la société, cela s’appelle de l’abus de bien sociaux, tu captes de l’argent indirecte qui ne sont pas payé en impots genre un voyage au frais la société qui passe pour un voyage d’affaire et qui est déductible des impots.<br /> la diffamation c’est le fait de dénoncer un faux crime, a priorit donc là y a pas de diffamation puisque preuvent sont dans les documents tout est avéré…moi pas choqué pas plus ce qui me dérange un peu c’est que c’est suite a un ransomware c’est un peu plus dérangeant, mais venir prétexté du secret des affaires alors qu il pourrait, je dis bien pourrais avoir dissimulation et tenter de venir cacher des abus de bien sociaux en prétextant le secret des affaires alors qu’en face y a des droits inaliénable de journaliste cela me choque bien plus !
darkkanga
Bonjour,<br /> Ma diffamation est très large en France: « La diffamation est une allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne. La diffamation peut être raciste, sexiste, homophobe. Elle relève d’une procédure spécifique permettant de protéger la liberté d’expression. » Le simple fait de tenir des propos désobligeant sur une personne peut être considéré comme diffamation.<br /> Pour les voyages et les dépenses, soit elles sont légales, soit elles ne le sont pas. C’est à la justice de trancher. Les commentaires de Clubic ne sont si de la diffamation !
kervern
c’est aussi cela, j’adhére
Laurent_Marandet
Pourquoi rester abonné à un opérateur dont on réprouve le management ?<br /> Il y a trois autres acteurs, qui ont un pourcentage de litiges bien plus faible, autant aller chez eux.
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