Le droit à l'oubli se mord la queue au Royaume-Uni

24 août 2015 à 18h42
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Le refus de Google, outre-Manche, de supprimer des liens sur un cas de désindexation - au nom du droit à l'oubli - a irrité la Cnil locale, qui a mis en demeure le moteur de recherche.

Au Royaume-Uni, il y a du rififi dans le droit à l'oubli. Selon The Guardian, un bras de fer s'est engagé en fin de semaine dernière entre l'ICO, le régulateur chargé de la protection des données personnelles, et Google. Le premier - un équivalent de notre Cnil - a demandé au moteur de recherche qu'il désindexe de ses pages neuf liens pointant vers des articles que l'organisme ne juge plus pertinents. Pour l'heure, Google tient tête.

Le point commun de ces articles que l'ICO souhaite déréférencer est de parler... de déréférencement. Tous évoquent le retrait des résultats de recherche de contenus relatifs à une affaire criminelle vieille de dix ans - ces articles-là, Google avait accepté d'en couper l'accès depuis ses pages de résultats. Mais suite à ce retrait, plusieurs médias, qui voyaient un intérêt à conserver ces textes, ont relayé l'information sur leur site Web.

Peut-on vraiment faire oublier Internet ?

Comment ces médias ont-ils été au courant de la désindexation de ces vieux contenus ? La raison est que Google est tenu d'informer de sa manœuvre les auteurs des articles désindexés. Mais lorsqu'ils apprennent la nouvelle, tous ne l'approuvent pas... Parfois, certains prennent la décision de consacrer un nouvel article afin de décrire le déréférencement qu'ils ont subi. Au risque de déterrer le sujet initial que l'on cherchait à taire.


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Cet effet pervers se rapproche de ce que la culture Internet qualifie souvent d'effet Streisand : « Lorsque par ses efforts, la victime encourage malgré elle l'exposition d'une publication qu'elle souhaitait voir ignorée. » Ce phénomène est une référence à l'action en justice intentée en 2003 par Barbara Streisand, qui voulait voir supprimée une photo de son domaine privé. Photo devenue si connue sur Internet qu'elle s'était multipliée.

Entre droit à l'information et vie privée

Entre l'ICO et Google, l'affaire aurait pu en rester là si les nouveaux articles n'exposaient pas des éléments de l'affaire criminelle que le régulateur voulait justement désindexer. Dans la mesure où ces contenus sont récents et présentent un angle nouveau, le moteur de recherche estime qu'ils servent l'intérêt public, et n'a pas l'intention d'en couper l'accès. Mais pour la Cnil anglaise, ils violent la loi sur la protection des données.

« Soyons clairs, écrit le député-commissaire David Smith de l'ICO, nous comprenons que la suppression de ces liens, en application de cette décision de justice, est un sujet qui intéresse les médias. Nous comprenons aussi que les lecteurs puissent retrouver ces contenus depuis un moteur de recherche comme Google. Mais il n'est pas nécessaire, conclut-il, de révéler ces informations lors d'une requête sur les plaignants initiaux. »

Une fois de plus, le droit à l'oubli, tel que reconnu par la Cour de justice de l'Union européenne en mai 2014, est tiraillé entre le droit à l'information du public et celui, parfois inconciliable, du respect de la vie privée. Dans le cas présent, la balance pourrait pencher du côté de l'ICO lorsque, dans 35 jours, le délai qui a été offert à Google pour se conformer sera écoulé. À moins que l'américain ne fasse appel de cette décision.


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