Mars Reconnaissance Orbiter : la sonde qui étudie la poésie de Mars

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
17 juin 2020 à 11h59
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Vue d'artiste de la sonde MRO en orbite de Mars. Crédits NASA/JPL

En orbite autour de la planète rouge depuis 2006, la sonde Mars Reconnaissance Orbiter ou MRO étudie les détails de Mars et fournit un support pour les missions au sol.

Mais les images extraordinaires de son instrument HiRISE mettent aussi en valeur l'incroyable poésie de cette planète aux sables figés...

MRO, le cartographe

Après deux échecs cuisants de missions martiennes (Mars Polar Lander et Mars Climate Orbiter viennent de se crasher sur la planète rouge), la NASA est à un véritable carrefour au tournant des années 2000. L'administration est d'accord pour en finir avec les missions « petites et à faible coût » qui ont finalement comporté beaucoup d'erreurs. Mais que faire ? L'agence accepte d'abord le principe d'envoyer deux petits robots qui iront rouler plusieurs mois sur la surface, avant de valider le dossier de Mars Reconnaissance Orbiter. Le principe est simple : envoyer un véhicule imposant avec une longue durée de vie pour remplir deux objectifs.
  • Etudier le sol de Mars et pouvoir le cartographier à haute résolution
  • Servir de relais de communication pour les véhicules au sol.

La sonde décolle le 12 août 2005 avec Atlas V, alors l'un des lanceurs les plus récents, dont la NASA vient tout juste d'autoriser l'exploitation, et rejoint Mars le 10 mars 2006, pour d'abord entamer une phase d'aérofreinage. En effet, pour économiser un maximum de carburant, MRO utilise la fine atmosphère de Mars pour freiner le véhicule et abaisser son orbite. Une manœuvre dangereuse, mais payante : les responsables de la mission ont déjà compris que la mission pourrait durer longtemps. 14 ans après, MRO, qui emportait 1,2 tonnes de carburant (sur 2,2 tonnes de masse totale) est toujours en activité.

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La forme poétique des dunes de Mars... Crédits NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona

À l'étude de Mars !

Mars Reconnaissance Orbiter embarque six instruments scientifiques. Un radiomètre qui analyse l'ensemble de l'atmosphère, un radar pour étudier le sol jusqu'à 1 km de profondeur afin d'évaluer la géologie du terrain, un spectromètre qui analyse la lumière réfléchie par la surface pour déterminer la composition majoritaire du sol et... des appareils photos. Un appareil grand angle, pour regarder Mars et se donner une idée de la météorologie globale, d'abord. Mais aussi et surtout HiRISE, qui est l'instrument principal. Un véritable télescope de 50 cm de diamètre capable de prendre des photos à très haute résolution (30 cm au sol !) depuis l'orbite. Il est si précis qu'il faut 200 000 clichés pour cartographier la surface entière de la planète rouge... Et qu'il faut un autre appareil, nommé CTX (pour « contexte »), qui prend des photos des mêmes scènes avec un moins grand zoom pour pouvoir localiser le cliché précisément.

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HiRISE n'est pas un petit instrument, c'est un vrai télescope ! Crédits NASA/JPL/Ball Aerospace

Mars à haute résolution

HiRISE pèse lourd : ses clichés en pleine résolution prennent beaucoup de place (4Go) dans la petite mémoire de la sonde... Pourtant, il apporte une nouvelle capacité aux Etats-Unis : celle de pouvoir choisir de nouveaux sites d'atterrissages pour leurs missions. En effet, avec des clichés de deux mètres de résolution, il était impossible de savoir si un petit robot n'allait pas tenter se poser dans une région aux énormes rocs, gâchant immédiatement la mission en le faisant basculer ou en l'endommageant. Avec HiRISE, les équipes de préparation ont un superbe instrument d'analyse, capable de repérer le moindre petit bloc rocheux : utile pour l'atterrissage, mais aussi pour la planification des observations scientifiques. Depuis 2007, c'est grâce à ses clichés que sont établis les cartes des trajets passés et futurs des rovers martiens.

MRO cratère Mars
Un cratère de Mars photographié par MRO. Les couleurs mettent en avant les différents matériaux à la surface. Crédits NASA/JPL-Caltech/University of Arizona

Avec MRO, Mars en direct

MRO a de nombreuses découvertes scientifiques à son actif, en plus de la cartographie précise du sol martien. On lui doit une estimation précise de la glace des pôles, la découverte que certaines régions des hautes latitudes ont de la glace juste sous la surface et en grande quantité, l'observation d'avalanches et de coulées de sable ou d'eau saumâtre (il y a débat scientifique). Avec MRO, on comprend mieux le passé de l'eau sur Mars , sa géologie et l'évolution de ses paysages. Mais avec un télescope ultra-précis, on peut aussi tenter des clichés audacieux. MRO étant déjà de service pour relayer les signaux des véhicules tentant d'atterrir vers Mars, pourquoi ne pas tourner vers eux l'objectif d'HiRISE ?

L'opération est un succès. La sonde arrive à prendre une photo de la descente de Phoenix, puis de Curiosity sous parachute. Ces 14 dernières années, MRO a d'ailleurs pu capturer d'exceptionnels clichés de missions en cours, comme Curiosity dans le piémont du Mont Sharp, InSight et ses petits instruments déployés... Et même des missions que l'on croyait perdues et détruites au sol. Ce fut le cas de Beagle 2, petit atterrisseur européen arrivé sur Mars le 25 décembre 2003 : le site d'atterrissage pris en photo par l'instrument HiRISE montre qu'il s'est presque correctement déployé... Il ne manquait « que » son antenne de communication. Avec ses moyens uniques pour le moment, MRO observera l'atterrissage du rover Perseverance en 2021, mais suivra aussi les progrès de la mission chinoise Tianwen-1 et d'ExoMars 2022...

MRO HiRISE atterrissage Curiosity
L'atterrissage de Curiosity, vu en direct par MRO Crédits NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona

Même la poésie a une fin

Les meilleures sondes ne sont pas éternelles... Mais la NASA va tout faire pour prolonger au maximum le rôle de Mars Reconnaissance Orbiter. Entre autres parce que l'agence américaine n'a pas dans ses plans de remplacement à court terme pour faire relais entre la surface martienne et la Terre. MRO fonctionnera donc probablement jusqu'en 2025, et peut-être même plus si elle en est capable.

Il restera tout de même une formidable collection de paysages martiens collectés par HiRISE. Des dunes en fer à cheval déplacées par les vents, des canyons brisés par des milliards d'années de sécheresse, des déserts où les tourbillons de sable griffent le sol comme un dessinateur au fusain...

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (6)

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– J’ai l’impression que toutes les photos ont été prise «&nbsp;pile à la verticale&nbsp;», cela ne serait pas possible d’orienter la sonde et faire des clichés «&nbsp;de coté&nbsp;», ça pourrait être intérréssant non ?<br /> – Une fois que la sonde a cartographié toute la planète en haute résolution, ça a un intéret d’analyser le second (puis Xème) survol ? Je ne pense pas que ça doit bouger des masses d’une fois à l’autre sur cette planète ?<br /> – D’ailleurs, son orbite lui permet de survoler l’ensemble de Mars ?<br /> – Pendant qu’on y est, tourner la sonde vers Phobos ou Deimos, ça pourrait être interressant non ? Ils sont super proche, on devrait obtenir des photos bien meilleurs que ce que l’on a actuellement.
ebottlaender
Il y a dans la très grande bibliothèque d’images de MRO des clichés pris de côté. Mais comme son but est avant tout de produire de la cartographie (malgré la beauté inhérente des paysages) une part importante est prise au nadir, c’est à dire avec une orientation verticale.<br /> Oui, car Mars n’est pas aussi figée qu’on peut le penser ! Ces multiples survols ont permis de bien comprendre les variations saisonnières (présence de givre, avalanches de sables gelés), d’observer de nouveaux cratères en fonction des impacts et aussi la dynamique des vents, en suivant les dunes et les tourbillons de poussière.<br /> Oui, son orbite est polaire. Il doit rester une mini-bande qu’il ne peut pas survoler quelque part au pôle mais celle-là, il peut la prendre en étant incliné.<br /> Alors… moins qu’on ne le pense. Phobos est à 6000 km d’altitude, ce qui paraît peu mais l’optique de HiRISE est spécialisée pour une altitude de quelques centaines de kilomètres seulement. Phobos et Deimos ne sont pour ainsi dire pas dans la focale. Les photos seraient au minimum floues, au maximum pas fofolles par rapport à celles d’autres véhicules comme Odyssey, Mars Express ou TGO qui peuvent passer plus près avec leurs instruments spécialisés pour voir loin.<br />
nicgrover
Fascinant.
Khamu31
Merci pour l article, super
Kahn-San
pour ceux que ça intéresse, la galerie de MRO est là : https://mars.nasa.gov/mro/multimedia/images/
phx1138
Merci pour cet article !<br /> Et pour ceux qui souhaiteraient voir à quoi ressemble Mars de visu (…car rien ne remplace l’expérience vécue ), rappelons qu’elle est toujours brillamment visible en tout début de soirée, plein Est !
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