Live Japon : Fukushima, un univers industriel étonnamment familier

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Cela fait exactement 2 ans et 9 mois que, pour de nombreux étrangers, Japon rime avec Fukushima, cette catastrophe nucléaire qui a surpris le monde entier en mars 2011. Qu'un drame atomique arrive en Ukraine il y a 27 ans, ce n'était pas forcément étonnant, pensait-on, mais que pire encore survienne dans le pays de la technologie de pointe, c'était choquant et effrayant. Une nouvelle visite sur place effectuée cette semaine par l'auteur de ces ligne, montre en outre que l'univers industriel atomique n'est pas très éloigné de celui de notre quotidien matériel.

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D'abord il y a la traversée de la zone où nul n'habite, en partie encore interdite d'accès, où les bâtisses saccagées par le séisme sont restées en l'état, où l'herbe a poussé dans les fissures du bitume, où la saleté s'est immiscée partout. Pourtant, à une quinzaine de kilomètres au sud de la centrale, dans la ville de Naraha, la décontamination a bien avancé, est presque achevée. Elle est terminée à Tamura, à l'ouest du complexe atomique.

Au plus près de la centrale Fukushima Daiichi, à Okuma et Futaba, c'est différent: la dose d'exposition radioactive y est supérieure à 50 millisieverts/an et décontaminer dès à présent n'aurait pas de sens, ce serait du travail de forçat en pure perte.

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Nous voici dans la centrale Fukushima Daiichi. D'abord il y a des appareils électroniques de contrôle d'accès, dont certains biométriques, apparemment des modèles à reconnaissance du schéma vasculaire du doigt, un procédé conçu par Hitachi.

Puis on nous équipe tous d'un dosimètre individuel, un petit modèle actif que les employés de la compagnie Tokyo Electric Power (Tepco) sont allés chercher dans des racks de recharge. En observant l'appareil sous toutes les coutures on constate qu'il est fabriqué par... Panasonic. On savait que des sociétés comme Fuji Electric fabriquaient ce genre d'appareil (du modèle de poche distribué aux écoliers de Fukushima aux dosimètres à gros afficheur et alimentation solaire installés sur les places publiques des villes de la préfecture de Fukushima), mais on ignorait que Panasonic était aussi de la partie.

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Puis nous voici à proximité des réacteurs 1 à 4, dont le cœur des trois premiers a fondu du fait de l'absence de système de refroidissement du combustible qu'il enfermait. Ce sont des réacteurs à eau bouillante (REB), type que l'on trouve en grand nombre au Japon où restent officiellement 50 tranches. Il s'agit en l'occurrence de modèles conçus par le géant américain General Electric (tranche numéro 1), Toshiba (numéros 2 et 3) et Hitachi (numéro 4). Les deux dernières tranches (5 et 6), les plus récentes, ont été fabriquées par Toshiba et Toshiba/GE.

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Toshiba est aussi la marque que l'on lit sur les combinaisons d'une partie des travailleurs du site. D'autres portent la griffe Hitachi, et des centaines d'autres encore des centaines d'autres logos. Sur les systèmes de mesure de contamination radioactive du corps lorsque l'on doit quitter le site, quel que soit le temps passé, on remarque le logo Fe, signifiant Fuji Electric.

A l'intérieur de la structure nouvellement construite pour couvrir le réacteur 4 et sa piscine de désactivation dont le toit et un pan de mur ont été soufflés par une explosion d'hydrogène, un nouvel équipement de levage et transport a été installé pour le retrait du combustible usé. Là encore on remarque sans mal le logo Hitachi écrit en très gros sur cette structure verte.

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Le compatriote et concurrent Toshiba est également très présent: c'est lui par exemple qui a conçu et fabriqué deux systèmes de décontamination pour l'eau radioactive actuellement stockée dans un millier de réservoirs (dont certains ont d'ailleurs tendance à laisser s'échapper leur contenu dans la nature). Un premier appareil, appelé Sarry, retire une grande partie du césium radioactif (134/137), et un deuxième, ALPS, extrait 62 autres radionucléïdes, en laissant quand même le tritium. Problème : ces dispositifs ne fonctionnent pas parfaitement.

Même les engins de chantiers (dont les grues) sont de marque Hitachi ou Toshiba.

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Bien sûr, dans cette installation gigantesque, il y a aussi des ordinateurs et des appareillages électroniques en tout genre dont à peu près tous sont de conception et marque japonaise. Les grands écrans du QG de crise situé dans un bâtiment parasismique au milieu du site sont des Panasonic. Et puis il y a évidemment des ordinateurs portables Toshiba. Tout le monde y porte des téléphones mobiles internes à la norme japonaise PHS.

Les Japonais sont familiers de ces marques avec lesquelles ils partagent leur quotidien et qui leur rendent bien service (autocuiseur à riz, réfrigérateur, climatiseur, TV..). C'est peut-être aussi pour cela qu'ils avaient trop confiance dans les technologies des installations nucléaires et n'avaient pas assez bien évalué et traité le danger représenté par dame nature.

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Si Hitachi, Toshiba, Panasonic, NEC, etc. sont connus du grand public pour leur appareils électroniques, informatiques, audiovisuels et électroménagers, ce n'est en réalité pas du tout le gros de leur activité. Ces énormes sociétés gagnent bien davantage d'argent avec des équipements industriels, pour les secteurs du bâtiment (ascenseurs, systèmes de distribution électrique, matériaux), l'univers du transport en commun (trains) , le monde de l'automobile et bien sûr de l'énergie.

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De surcroît, fortement concurrencées dans les domaines grand public, ces firmes ont de plus en plus tendance à s'en écarter. C'est ainsi que Toshiba ne va plus fabriquer que 30% des TV qu'il vend, que Panasonic a cessé de produire des TV plasma tout comme des smartphones et cède ses usines de semi-conducteurs ou que NEC a lui aussi renoncé aux smartphones.

Dans le domaine de l'énergie nucléaire, s'ils ne peuvent pour le moment plus trop compter sur la construction à court terme de nouveaux réacteurs au Japon, ils gagnent des marchés à l'extérieur et se rattrapent en partie sur la fourniture d'équipements pour le démantèlement. Toshiba, Hitachi et consorts sont d'ailleurs les premiers membres d'un nouvel Institut international de recherche pour le démantèlement (Irid), lequel est censé développer des moyens d'inspection de la cuve des réacteurs abîmés et des outils pour en extraire le combustible fondu. La conception de nouveaux robots par Toshiba, Honda et diverses autres sociétés s'inscrit dans ce cadre.

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Ces industriels peuvent aussi compter en partie sur l'extension des moyens de sûreté requis dans les autres installations nucléaires du Japon pour qu'elles redémarrent. C'est le cas dans la plus grande centrale du monde, celle de Kashiwazaki-Kariwa (côte-ouest) également visitée cette semaine, un immense complexe à 7 réacteurs pour une puissance totale de 8 200 mégawatts qui est stoppé mais ne demande qu'à repartir.

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