Live Japon : automates détraqués et chaîne humaine

20 juin 2011 à 08h41
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Du fait de l'arrêt actuel de 35 réacteurs nucléaires sur 54 que compte le Japon, et alors qu'elles ont déjà souffert du terrible séisme du 11 mars, les sociétés japonaises sont sommées d'économiser de l'électricité, tout en évitant de laisser leurs salariés se liquéfier à cause des insoutenables chaleurs estivales. Après avoir réussi, en un temps record, à remettre en route des usines saccagées (sujet du jour) grâce à un formidable travail d'équipe, que vont bien inventer les entreprises nippones pour conjurer la torpeur ? (lisez le manga de Taku Nishimura, alias Jean-Paul Nishi).

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Les engins qui transbahutent des ventilateurs à toute vitesse dans le manga de l'ami Nishi sont en réalité des automates utilisés dans les usines de semi-conducteurs, dont celle du groupe japonais Renesas Electronics à Hitachinaka (préfecture d'Ibaraki, nord-est de Tokyo). Le nom de cette entreprise n'évoque peut-être rien certains, mais il s'agit pourtant du premier fabricant japonais de puces électroniques, société issue de la fusion récente de Renesas Technology et de NEC Electronics, d'une ex filiale de NEC.

Le Renesas Electronics en question a récemment fait la une de tous les médias japonais, y compris des journaux les plus grand public et les moins au fait des technologies de pointe. La raison ? Sa responsabilité, bien involontaire, dans la chute de la production de toutes les usines d'automobiles du Japon et de nombre d'autres sites d'assemblage de véhicules et téléphones portables du monde. C'est que Renesas, qui contrôle quelque 40% du marché mondial des micro-contrôleurs pour voitures, a subi de lourds dégâts lors du séisme du 11 mars au Japon. Son usine de Naka (ville de Hitachinaka), gigantesque complexe de fabrication de galettes de silicium, a été saccagée par la catastrophe.

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Cette usine était conçue pour résister à des tremblements de terre de niveau 5+ sur l'échelle japonaise (qui mesure non pas la magnitude mais l'intensité des secousses ressenties à la surface). Or, les violentes trépidations du 11 mars avaient sur place une force 6+. Résultat, des rails de câbles électriques se sont effondrés, des conduites ont rompu, des machines sont tombées et se sont fracassées dans une des salles blanches enfermant des lignes de production de galettes de 200 millimètres de diamètre. Un mur a été éboulé dans une autre abritant les équipements de façonnage de tranches de 300 mm. De plus les alignements des appareils ont été totalement faussés, ce qui a rendu complètement inutilisables les systèmes entièrement automatiques du site.

En constatant l'ampleur des dégâts, les dirigeants de Renesas ont d'abord estimé qu'ils ne seraient pas en mesure de relancer la production en série des puces avant le mois de septembre, jugeant que les réparations d'infrastructures (murs, câbles, conduites) seules ne seraient pas achevées avant fin mai et les équipements pas remis en place avant mi-juillet. Ils pensaient ensuite nécessaire une phase de tests de deux mois.

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Pourtant, quelques jours plus tard, le 28 mars précisément, Renesas faisait savoir qu'il ramenait au 15 juillet la date de possible relance des machines. Puis, le 22 avril, il annonçait qu'il serait prêt le 15 juin. Finalement, tout a été remis en service les 1er et 6 juin (qui plus est après plus d'un mois de tests consécutifs aux réparations). Tous comptes faits, le rétablissement a eu lieu trois mois avant la date initialement prévue. Le calendrier a été notablement raccourci en dépit des multiples vérifications requises "pour garantir la qualité et la fiabilité des composants", a expliqué le directeur de l'usine de Naka, Takashi Aoyagi, lors d'une visite des lignes de production.

Le groupe a en outre indiqué la semaine passée qu'il pensait rétablir d'ici à fin septembre un niveau de production de micro-processeurs identique à celui précédant le séisme du 11 mars, en incluant la production des autres sites du groupe et les commandes passées à des sous-traitants, celui de Naka ne devant compter que pour 35% du total fin septembre, selon les calculs actuels de Renesas. "Nous pensons désormais encore devancer d'un mois nos précédentes prévisions", s'est félicité le PDG de Renesas Electronics, Yasushi Akao, lors d'une rencontre avec des journalistes dans l'usine de Naka (préfecture d'Ibaraki) endommagée par la catastrophe qui a ravagé le nord-est du Japon.

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L'ensemble du processus de remise en service des installations a été beaucoup plus rapide qu'espéré, grâce à l'état d'esprit japonais dans ce type de circonstances.

Renesas a en effet reçu l'aide simultanée de ses fournisseurs de matières premières et matériels (260 entreprises), de ses firmes clientes, de ses sociétés actionnaires et de leurs filiales (40 entités), de 50 groupes de construction, d'organismes confédéraux et du ministère de l'Industrie. In fine, quelque 80.000 personnes extérieures à la société se sont succédées sur le site. Renesas fournit notamment des puces "utilisées par la plupart des constructeurs d'automobiles du monde, d'où l'élan de solidarité et la nécessité d'aller vite", a rappelé M. Aoyagi.

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"Avec le soutien des autres entreprises, jusqu'à 2.500 personnes en plus du personnel habituel ont oeuvré chaque jour ici 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 pour réactiver les installations", a expliqué M. Akao. Ce dernier a souligné le "formidable travail d'équipe et l'organisation exceptionnelle qui s'est mise en place dans un contexte particulièrement difficile", d'autant que les répliques n'ont pas cessé dans les premières semaines suivant la catastrophe et que la situation ne faisait qu'empirer dans la centrale nucléaire de Fukushima, à une centaine de kilomètres de là.

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Une telle entraide industrielle (application à grande échelle de la philosophie qui prévaut dans les chaînes de production de Toyota), s'était déjà vue en 2007 lorsque l'usine d'un fabricant de joints, Riken, avait été arrêtée à la suite du tremblement de terre de Niigata. A l'époque, tous les constructeurs de véhicules nippons s'étaient précipités au chevet de leur fournisseur pour que les journaux cessent de titrer "pas de joints Riken, pas de voitures".

Avec le redémarrage de l'usine de Renesas, ce ne sont pas seulement les Toyota, Honda, Nissan, Ford et consorts qui ont poussé un soupir de soulagement (chaque véhicule comptant plusieurs dizaines de micro-processeurs dédiés), mais aussi les fabricants de téléphones portables (Nokia en tête), de systèmes de radionavigation, de consoles de jeu, de cartes à puce, de téléviseurs et autres équipements audiovisuels ou encore d'appareils électroménagers.

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Le 10 juin, lorsque Renesas nous accueillit à l'usine de Naka, dont les couloirs sont d'une blancheur immaculée, dignes de ceux d'un hôpital, les robots avaient recommencé à s'activer au plafond des salles blanches. Au milieu d'interminables lignes entièrement automatisées, on apercevait parfois des silhouettes blanches de pied en cape. "Ces techniciens se contentent de contrôler que rien ne dysfonctionne et interviennent pour résoudre un problème le cas échéant", souligna le directeur. Les livraisons des composants finaux dont le coeur est produit à Naka ne reprendront cependant qu'en août, en raison des processus nécessaires en aval.

Renesas fournit néanmoins déjà à ses clients, depuis le mois d'avril, des composants façonnés ailleurs afin de pallier partiellement à la pénurie. In fine, c'est un grand pan de l'activité industrielle nippone qui a pu repartir plus vite que redouté parce que Renesas a été secouru par tous. Par ailleurs, l'Etat a aussi accepté d'alléger les contraintes d'économie de courant imposées dans le kanto (est) pour les entreprises de semi-conducteurs.

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