Live Japon : le prochain Steve Jobs sera-t-il japonais ?

11 juin 2011 à 12h21
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Pays dit de technophiles, le Japon aimerait bien compter parmi ses citoyens un Steve Jobs ou autre visionnaire du XXIe siècle de renommée internationale. Pour le moment, hélas, les mordus de technologies japonais les plus connus à l'extérieur sont peut-être bien les surnommés otaku (au sens dépréciatif du terme) vivant plus ou moins enfermés dans leur monde virtuel avec parfois des pratiques un tantinet perverses (lisez le manga de Jean-Paul Nishi, nom de plume de Taku Nishimura).

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« Taille ? 165 cm. Masse ? 48 kilogrammes. Age ? 35 ans. Sexe ? féminin. Vous êtes du genre maigre ! Comme vous faites des exercices quotidiens, vous devriez absorber 2274,7 kilocalories par jour. Votre poids idéal est 59,9 kilogrammes ». D'où viennent ces informations, enrichies de nombreuses autres pour suivre au jour le jour sa condition physique ? D'une application pour les téléphones iPhone, baladeurs iPod et tablettes iPad d'Apple, conçue par un Japonais surnommé Tehu en apparence préoccupé comme nombre de ses compatriotes par sa santé, donc sa masse corporelle.

Ce jeune homme, en qui l'on pourrait à première vue voir un otaku en herbe, est peut-être au contraire un futur innovateur et un grand patron, puisque tel est son rêve. Le Tehu en question (de son vrai nom Satoru Cho) est devenu une mini-star auprès de la communauté des technophiles nippons. La raison ? Il est lycéen et ses applis, gratuites, qu'il a commencé de développer en 2009 à l'âge de 14 ans, lorsqu'il était encore collégien, se sont hissées aux premières places du palmarès des logiciels les plus téléchargés.

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L'adolescent redouble du coup d'activités. Buveur de plus de 5 canettes de Red Bull par jour (d'où peut-être un certain embonpoint à surveiller), il continue d'enrichir ses applications de nouvelles fonctions, d'entretenir un blog, de poster sur Twitter, de répondre aux requêtes des utilisateurs et lecteurs et de suivre sérieusement sa scolarité. Il s'est même fait photographier avec celui qui fut un temps l'icône des aspirants jeunes patrons de la nouvelle économie, Takafumi Horie, 38 ans, quelques semaines avant avant que la Cour Suprême du Japon ne confirme sa peine d'emprisonnement pour avoir maquillé les comptes de sa société, Livedoor.

Le jeune Tehu ne tarit cependant pas d'éloge sur le surnommé "Horiemon" (du fait d'une certaine ressemblance avec Doraemon, le chat bleu venu du futur, illustre personnage de manga). « J'ai reçu beaucoup de conseils de sa part et suis très influencé par cette personnalité de l'univers des technologies de l'information », écrit le jeune homme sur son blog.

Côte à côte, on pourrait penser que l'un est le père de l'autre. Hormis son idole Steve Jobs, Tehu a d'autres mentors qu'il cite volontiers, à commencer par Masayoshi Son, le PDG de Softbank (voir Live Japon : Monsieur Son, gourou de l'internet nippon ), troisième groupe de télécommunications japonais. Il s'en réfère aussi à Takeshi Natsuno, un des créateurs des services imode du numéro un des télécoms mobiles, NTT Docomo, désormais consultant et professeur à l'université Keio.

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Cet adolescent étonnant (qui se qualifie de « fanatique d'Apple », collectionne les cartes de visite et adore le trio féminin Perfume), réalise aussi des programmes vidéos diffusés sur la plate-forme Ustream, lesquels sont suivis, paraît-il, par plus de 100 000 personnes. Parmi ses quelque 10 100 suiveurs sur Twitter, où il sévit depuis mai 2009 (plus de 25 600 tweets au compteur, 1 122 abonnements), se trouvent bien sûr ses camarades de classes, des disciples, sans doute des détracteurs et des jaloux, mais aussi des chefs d'entreprise (dont celui de la filiale américaine du site de socialisation Gree) ou encore des mères de famille admiratives et probablement quelques personnalités.

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Il participe en plus à des conférences sur le développement d'applications, comme le Developper Summit en février dernier à Tokyo. Et le jeune homme de prétendre ainsi expliquer pourquoi « les smartphone sous iOS Apple ou Android Google ont fini par se vendre au Japon alors même que d'aucuns, nombreux, pariaient le contraire ». Une cinquantaine de minutes de présentation (157 pages) devant un parterre d'adultes amusés et estomaqués, l'ado ne s'est pas démonté. A l'évidence, il a un potentiel. Le jeune homme ambitionne un jour d'entrer à l'Université de Stanford et a réalisé une partie de ses rêves en visitant la Sillicon Valley.

Après le tremblement de terre et le terrible tsunami qui ont fait quelque 24 000 morts et disparus dans le nord-est du Japon le 11 mars dernier, déclenchant un très grave accident nucléaire à la centrale de Fukushima, Tehu, qui réside à l'autre bout de l'archipel, Kobe (aussi meurtrie par un séisme en 1995), s'est senti bien impuissant, comme nombre de ses compatriotes. « Que peut-on faire ? », écrit-il alors sur son blog. Il finit pas avoir une idée: développer une application pour calculer le cumul des radiations reçues. Puis il fit récemment don de plus de 1 500 euros à la Croix Rouge japonaise, somme prélevée sur les bénéfices encaissés grâce aux publicités associées à son application de suivi de la condition physique et de lutte contre le surpoids.

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Le cas Tehu, qui songeait auparavant à devenir médecin avant de verser dans l'informatique, a fait évidemment des envieux et des émules, au point d'inciter des écoles à lancer des programmes d'apprentissage au développement d'applications. Des étudiants chevronnés encadrent des équipes de jeunes débutants, leur garantissant qu'ils sont capables de concevoir plusieurs petites applications pour iPhone en quelques jours. Selon les promoteurs de ce type d'initiative, comme Life is Tech, le principal point crucial est d'avoir une idée. Ces formations pour adolescents sont payantes. Une semaine de cours (5 jours) est facturée 52 500 yens (un peu moins de 500 euros), et une session de trois jours 31 500 yens. Les cours ont lieu sur des campus partenaires, dont la prestigieuse Université de Tokyo.

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Par ailleurs, des entreprises encouragent les plus jeunes à concevoir des applications originales individuellement ou en équipe par le biais de concours. C'est le cas notamment de la firme D2 Communication qui organise une compétition de conception de programmes pour iPhone ou smartphone sous Android, ouverte aux collégiens et lycéens (de 13 à 18 ans) du 30 juin au 26 août. « Nous voulons de cette façon soutenir la formation de jeunes créateurs pour les services de demain », justifie la firme de publicité en ligne créée par un ex-jeune salarié de NTT Docomo. Ce concours, baptisé Applikoshien, distinguera dix jeunes développeurs ou équipes. Durant toute la durée de la compétition, une page Facebook et un compte spécial Twitter sont ouverts pour délivrer des informations aux candidats. Deux entreprises spécialistes des développements d'applications apportent en outre un soutien technique et des conseils. D2C a l'intention de lancer un tel concours tous les ans.

Le Japon est un pays où ce type d'initiatives fonctionne généralement très bien comme le prouvent depuis plusieurs années les compétitions de robots. Ces programmes sont d'autant plus pertinents a priori que les autorités japonaises ne cessent de se plaindre du fait que Google, Yahoo! Apple ou autres grandes multinationales des services en ligne ne soient pas nées au Japon. Ces initiatives viennent en outre combler une lacune de l'enseignement scolaire japonais.

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