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Rafi Haladjian, Ozone : "c'est aux internautes de déployer le Réseau"

29 janvier 2004 à 00h00
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JB - Rafi HALADJIAN, bonjour. Peut-on vous présenter comme étant un "entreprenaute" ?

RH - Bonjour. Je suppose que je réponds à cette définition puisque j'ai démarré très tôt mon parcours d'entrepreneur dans les nouvelles technologies. Étudiant à la Sorbonne au début des années 80, je devais m'inscrire obligatoirement à une UV et la seule place que j'ai trouvé était un cours de télématique dont l'enseignant était un pionnier du minitel. Bien avant le lancement du kiosque, j'ai participé aux expérimentations à Velizy puis j'ai accompagné la montée en puissance du minitel de 83 à 93 dans le cadre de la société Publications Nouvelles, dont j'ai été salarié puis ensuite le dirigeant après l'avoir rachetée.

Après une décennie de minitel, j'ai découvert les BBS et internet sous UNIX avec TelNet : c'était fascinant mais je voyais mal comment on pouvait démocratiser un tel environnement. Mais en Novembre 93, j'ai découvert Mosaic, l'ancêtre de Netscape, et j'ai compris que cette interface allait bouleverser Internet et être à l'origine d'une nouvelle révolution dans la télématique.

Je me suis donc dit qu'il fallait que je fasse "ça", sans avoir une vision très précise de la marche à suivre. C'était avant tout une vision, l'intuition que la valeur allait se cristalliser dans cet univers. J'ai donc crée ma société FranceNet en 1994, certainement la première société "internet" en France. Tout en faisant beaucoup d'évangélisation, FranceNet a développé de nombreux savoir-faire dans l'accès internet, l'hébergement, le graphisme, la programmation d'application, la publicité, la mesure d'audience, etc... En attendant d'y voir plus clair dans ce nouvel environnement, nous avions décidé de tout faire ! Mais en 1997, sans pour autant abandonner le métier de fournisseur d'accès, nous nous sommes focalisés sur l'activité de concepteur, développeur et d'hébergeur d'applications internet pour des grands comptes comme LaRedoute. Après avoir été rebaptisée "Fluxus" et avoir un temps envisagé une introduction en bourse, la société a finalement été rachetée par British Telecom en 2001.

JB - Comment peut-on définir votre nouvelle société Ozone ?

RH - Pour moi Ozone, est la suite naturelle de FranceNet. Autant le réseau Internet aura marqué les années 90, autant les années 2000 seront marquées par la montée en puissance d'un nouveau réseau, qui s'ajoute à internet : le réseau pervasif. Ozone est avant tout un opérateur de réseau pervasif, à nouveau une vision, une intuition, qui ne me permet pas encore de dire ce que sera le métier d'Ozone à la fin de la décennie.

JB - "Opérateur de réseau pervasif" ? On ne peut donc pas définir Ozone comme un simple WISP parisien ?

RH - Non, cette définition me choque et si Ozone était un simple fournisseur d'accès internet Wifi, je ne me serais pas lancé dans une telle aventure. Ma vision est la suivante : Quand la puissance de calcul coûtait cher, l'industrie a fabriqué des mainframes. Quand cette puissance s'est démocratisée, on a vu arriver les PC qui équipent désormais chaque bureau, chaque foyer. Le mouvement de démocratisation se poursuit et les puces s'attaquent désormais à tous les objets du quotidien : agendas, Montres, téléphones, téléviseurs, automobiles, appareils photos, etc...

Face à ces archipels d'objets disposant de capacité mémoire ou de capacités de calcul, l'utilisateur peut utiliser des synchronisations, des Cartes Mémoire, des prises multiples USB et passer son temps à recopier et à dupliquer les fichiers. Mais on comprend très vite que cela ne va pas dans le sens de l'histoire et que l'avenir passe par une intercommunication fluide entre tous ces objets, entre tous ces fichiers, en utilisant des technologies comme XML, les web services ou le grid.

Or pour rendre la communication possible et simple entre tous ces objets communicants, dont un grand nombre seront d'ailleurs mobiles, il faut un réseau agnostique vis-à-vis des terminaux, disponible partout, tout le temps, large bande et bon marché : c'est le réseau pervasif.

En partant de ce cahier des charges, on a regardé les technologies disponibles et on a identifié le WiFi comme étant un bon candidat. Mais nous regardons également d'autres technologies comme le CPL. Le réseau pervasif est pragmatique et technologiquement agnostique.

Nous ne sommes donc pas une boite "WiFi". Le développement de cette technologie s'est fait sur un malentendu. Tout le monde a fantasmé dessus alors que cette norme était très loin de répondre aux attentes. Mais l'engouement a été tel qu'aujourd'hui tout le monde s'y met et qu'on trouve des puces WiFi à 50 centimes d'euros ! C'est un peu comme pour le TCP/IP. Les grands opérateurs et les équipementiers n'aimaient pas cette technologie et les ingénieurs préféraient l'ATM. Mais c'est le TCP/IP qui s'est imposé de même que demain ce sera le WiFi qui s'imposera certainement comme la norme pour les transmissions sans-fil, certainement aux dépends de bluetooth ou de l'UMTS.

JB - Vous n'êtes peut-être pas un WISP mais vous déployez tout de même un hotspot dans Paris !

RH - Je ne crois pas aux Hotspots. Les hommes d'affaires pressés qui lisent leurs e-mails dans un aéroport sont un micro marché sans intérêt. La révolution avec wifi est de permettre à n'importe quel utilisateur de créer un réseau. Pas besoin de s'appeler et de creuser des tranchées dans les rues, n'importe qui participer à la constitution d'un méta réseau, prolongeant l'internet Le réseau pervasif n'est plus un réseau d'opérateurs et court circuite les fournisseurs d'accès. De simple touriste de l'internet, chaque internaute devient résident de l'internet.

JB - Concrètement, vous déployez tout de même une infrastructure télécom...

RH - concrètement oui, mais c'est une première étape ! Pour le moment, nous avons basé notre backbone dans le treizième arrondissement, près du boulevard Massena, autour du siège historique de BT Fluxus avec qui j'ai gardé d'excellentes relations et qui nous fournit une ligne à 600 Mbits/s. Le backbone se prolonge d'une part vers le nord jusqu'au parc des buttes Chaumont dans le 19e arrondissement et d'autre part vers le sud, vers Meudon, en passant par Ivry/Seine. A terme, on espère monter jusqu'à 2 Gb/s avec des technologies sans fil de boucle locale radio comme le WiMax d'Intel.

Ensuite, à partir de ce backbone sans-fil, on déploie des "oZones", s'adressant avant tout à des internautes dans le cadre d'une utilisation domestique. On peut se connecter dans son appartement, chez son voisin ou dans la rue. Notre objectif est d'assurer la continuité du service. C'est au réseau de s'adapter à l'individu et non l'inverse.

L'étape suivante sera de fournir à tous nos utilisateurs des boîtiers relais afin de créer des MESH networks. On arrosera le premier rang avec notre backbone mais ce seront nos utilisateurs qui densifieront le réseau, via leur propre WLAN sécurisé par Ozone.

JB - Quels sont vos objectifs tarifaires ? Combien de personnes utilisent oZone ?

RH - Pour le moment c'est gratuit tant que la qualité de service n'est pas équivalente à celle d'un fournisseur d'accès ADSL classique. Notre objectif est de fournir une connexion d'environ 6 Mb/s pour un tarif inférieur à 20 euros par mois. Nous comptons pour le moment tout juste une centaine d'utilisateurs mais ce nombre devrait très vite augmenter.

JB - Quels sont vos objectifs en matière de couverture ?

RH - Pour le moment, nous faisons notre part du boulot en couvrant certains arrondissements parisiens mais le réseau pervasif va se construire comme internet, en interconnectant des réseaux existants déployés par des WISP, des entreprises, des associations, des universités ou des collectivités.

A terme, chacun construira son bout de réseau pervasif ce qui permettra des débits plus grands à un coût inférieur. Ce modèle a très bien fonctionné avec Internet où les opérateurs interconnectent les réseaux dans le cadre d'accords de peering.

JB - Vous souhaitez appliquer la philosophie du peer-to-peer aux infrastructures télécom en somme ?

RH - Depuis le traumatisme de l'éclatement de la bulle financière, beaucoup cherchent à revenir à une approche d'opérateur classique. Mais c'est nier la réalité de l'internet : les blogs, le P2P. C'est l'utilisateur qui devient producteur et qui impose désormais les orientations technologiques. Ni Microsoft ni Sony ne voulaient du MP3 mais il s'est imposé. Opérateurs et équipementiers croyaient au WAP mais c'est le SMS qui a été plébiscité par les utilisateurs. Les opérateurs doivent accepter l'idée que le déploiement du réseau pervasif est désormais à l'initiative des internautes.

JB - Outre l'infrastructure, est-ce que oZone proposera des contenus et des services ?

RH - Pour le moment nous construisons l'infrastructure mais il est probable que dans un second temps nous décidions de concevoir des services garantissant la qualité, la sécurité ou simplifiant la mise en place ou l'accès au réseau pervasif. Ozone remet en cause la frontière entre LAN et WAN et il va falloir inventer pas mal de choses pour que tout fonctionne de manière fluide et harmonieuse.

JB - Vous pensez que le Réseau pervasif peut séduire le grand public ?

RH - En 1994, quand internet est arrivé, peu de gens imaginaient que cela pourrait séduire le grand public et pourtant ce réseau est incontournable pour des millions de français. Après la vague du dial-up et celle actuelle de l'ADSL, la prochaine étape sera celle du Réseau "partout" et "tout le temps". Mon business model m'autorise à attendre la fin de décennie avant de voir l'avènement de ce réseau pervasif mais je pense que les choses iront tout de même très vite désormais.

J'ai une vision un peu darwinienne. Pour le moment nous déployons l'infrastructure de base mais il faut laisser les internautes s'approprier le réseau. Dès que chaque objet ou chaque internaute aura son adresse grâce à IP v6 et qu'il disposera d'une connexion permanente où qu'il se trouve, on risque d'être surpris par les bouleversements industriels qu'une telle situation peut engendrer. L'informatique, l'électronique, l'audiovisuel sont déjà en train de converger sous cette pression et je pense qu'on va passer d'une informatique patrimoniale à une informatique jetable et intelligente. En tout cas nous allons au devant d'une décennie passionnante !

JB - Rafi Haladjian, je vous remercie.
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