Corinne Vigreux, TomTom : "Plus vous êtes connu, plus vous êtes piraté"

22 juin 2005 à 00h00
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Corinne VIGREUX, Directrice Marketing et Vente de TomTom, qui est aussi l'une des principales actionnaires de la société, revient sur l'entrée en bourse de la société, sur la sortie de nouveaux logiciels et périphériques de navigation GPS et enfin sur les partenariats noués avec certains acteurs de l'industrie automobile en Europe.

Corinne Vigreux bonjour,

Pouvez-vous nous présenter brièvement votre parcours professionnel ?

Je suis Française, Lyonnaise d'origine, et j'ai d'abord travaillé pour Infogrames en Angleterre dès 1986. J'ai ensuite travaillé chez Psion comme responsable de zone export en Europe du Nord puis de l'Est jusqu'en 1991. Je suis devenue ensuite responsable Export (toutes régions confondues) jusqu'en 1993.

Je suis ensuite partie en Hollande pour travailler avec la société Palmtop Software devenue aujourd'hui TomTom, où je travaille encore. J'y suis d'ailleurs actionnaire et directrice des ventes et directrice produits.

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Pouvez-nous nous présenter la société TomTom ?

TomTom compte plus de 250 personnes aujourd'hui. Le siège social est à Amsterdam et nous avons des bureaux entre autre à Boston, Taipei, Londres, Sydney et Paris.

En 2004, nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 192 millions d'€uros pour 27 millions de bénéfices. TomTom était une société privée jusqu'à il y a encore 15 jours où elle est entrée en bourse.

Nous étions jusque là 4 actionnaires et nous contrôlons aujourd'hui toujours 70% de la société une fois introduite en bourse. Notre particularité était que nous étions "auto-financés", et ce sans investissements de la part de sociétés extérieures.

Que représente la France en terme de part de marché par rapport aux autres pays où les produits TomTom sont commercialisés ?

La France représente plus de 10% du marché. Nous pouvons distinguer 4 grands axes géographiques de développement des produits TomTom à travers l'Allemagne, l'Angleterre, le Bénelux associé aux pays Nordiques et enfin l'Europe du Sud composée entre autre de la France, l'Italie et l'Espagne. L'Italie représente d'ailleurs à peu près la même part de marché que la France.

Concernant l'évolution de ces plaques géographiques, l'Europe de Sud progresse très rapidement.

Quels sont les produits qui marchent le mieux dans l'hexagone ? Y a-t-il des spécificités culturelles pour certains de ses produits ?

Non pas vraiment. Il y a cependant une culture de la navigation en Allemagne, pays où les constructeurs automobiles ont depuis déjà depuis plusieurs années proposés des véhicules associés à des offres de navigation GPS.

Concernant la spécifité culturelle, les demandes sont similaires sur les mêmes types de produit et ce dans tous les pays où les produits TomTom sont commercialisés.

Votre partenaire cartographique exclusif est . Leur rythme de mise à jour des cartes numériques est trimestriel. Quelle est la politique de la société quant à la disposition de telles mises à jour pour les utilisateurs finaux ?

Tele Atlas n'est plus notre partenaire exclusif. Nous travaillons aujourd'hui aussi avec pour la première fois via le PND TomTom Rider mais aussi avec AND pour l'Europe de l'Est et Sensis pour l'Australie.

De plus en plus de sociétés travaillent avec les deux partenaires cartographiques principaux, Tele Atlas et Navteq, mais nous gardons cependant un partenariat fort avec Tele Atlas.

Concernant les mises à jour des cartes numériques, nous offrons une mise à jour par an (à chaque début d'année).

Il y a un légèrement plus d'un an, TomTom a innové en proposant un appareil autonome de navigation GPS peu onéreux, le TomTom GO. Quel est son taux de pénétration sur les solutions globales de navigation GPS ?

Du marché des PDA, des Smartphone et des PND, c'est sans aucun doute les PND qui connaissent la croissance la plus rapide, s'adressant à un marché plus important.

Le GO a eu l'année dernière 52% de part de marché sachant qu'il était un des seuls à être commercialisé. Nous gardons aujourd'hui une position dominante bien que suivi par de nouveaux concurrents. Les PND représentent de plus une part importante de notre chiffre d'affaires. A cette occasion, nous tentons de réaliser une belle performance sur cette année 2005.

Les appareils GPS des concurrents (Microsoft, Mio 268 et 269, , Navman, Navigon Bluemedia et Transonic) sont de plus en plus multimédia et non plus uniquement axés sur la navigation GPS. Un tel appareil multimédia est-il également en développement chez TomTom ?

Ce n'est pas notre stratégie. Les appareils de type "couteau Suisse" ne seront pas disponibles chez nous. Soit vous faites très bien du MP3, soit très bien du jeu ou de la lecture de vidéos mais il est très difficile de faire tout ceci très bien avec une interface utilisateur qui soit optimisée pour la navigation mais aussi pour les autres logiciels.

Nous préférons ne pas décevoir nos clients en promettant et en délivrant uniquement des solutions de navigation GPS. Nos produits vont d'ailleurs évoluer plus dans le domaine du voyage, et ce via le récent TomTom Plus par exemple.

En terme de communication, il est important que les clients comprennent ce qu'on leur apporte et ne pas diluer le message avec des services annexes.

Les TomTom GO sont commercialisés avec une mise en avant de leur simplicité d'utilisation. Cependant, pour utiliser leur fonction de gestion de trafic, il faut un téléphone mobile Bluetooth, un abonnement GPRS via un opérateur mobile et un abonnement spécifique au service TomTom Plus. A quand une vraie option de TMC sur les GO ?

Toute la configuration entre le téléphone et le GO est très simple, c'est un jeu d'enfant et le service est bonne qualité.

Nous faisons des tests pour voir comment les gens acceptent ces technologies et nous trouvons que la qualité du trafic par GPRS est meilleure que via un système de TMC classique. Pour prendre un exemple, via le TMC, on a des informations du type "il y a un enbouteillage ici ou là" alors que via le GPRS, on a plus d'informations de type "il y a un accident à tel endroit, de tant de kilomètres", laissant ainsi le choix par exemple de s'arrêter pendant quelques instants, le temps que le trafic lié à l'accident soit de nouveau normal.

Les gens ont en général été déçus par l'info trafic TMC. Si vous faites cet effort de l'utiliser (le GPRS), vous n'êtes pas déçus. Il reste à savoir comment ces deux solutions vont être acceptées par le grand public.

Nous sommes à l'écoute des utilisateurs, avec plusieurs millions d'entre eux qui utilisent nos solutions GPS et nous recevons beaucoup de feedbacks sur ceux-ci.

Ne craignez-vous pas la concurrence de nouvelles offres composées d'un Pocket PC avec un récepteur GPS associé (Mio 168 ou PDAPhone hw6515) qui peuvent à terme nuire aux appareils de type TomTom GO ?

Je pense que le marché du grand public est le marché du PND avec des solutions simples, sans aucune configuration, qui fonctionnent directement. Au niveau des prix, nous ne sommes pas très loin des solutions que vous citez. Les premier GO sont à 499€.

La croissance des PND est de loin supérieure à celle des PDA. Il y a une explosion du marché sur ces PND et nous voulons rester leader sur ce marché.

En parlant de ces concurrents, une récente étude de Canalys annonce qu'au 1er trimestre 2005, la société Navigon représente 31% du marché Européen des systèmes de navigation GPS contre 20.6% pour TomTom ou encore 9.3% pour Destinator. Comment expliquez-vous cette seconde place ?

Nous étions en période de blackout pour notre entrée en bourse et il faut noter que Canalys ne fait ses études que via des chiffres qu'on leur donne. Nous avons été obligés d'en garder certains, ce qui explique une partie de cette différence. Cependant, nous avons tous des activités différentes et il est toujours difficile de savoir qui est le meilleur et dans quel domaine.

Si vous entrez dans le détail, 75% de leurs ventes se font en Allemagne et non nécessairement dans la distribution classique. C'est ainsi que des discounters comme Aldi ou Lidl achètent plusieurs centaines de milliers de pièces auprès de Navigon par exemple.

Avec la récente entrée en bourse de TomTom, des capitaux supplémentaires ont été débloqués. Pensez-vous prochainement réaliser des acquisitions dans le secteur des logiciels ou périphériques GPS ?

L'entrée en bourse de la société a ramené des capitaux qui nous permettent d'avoir une position financière plus solide sur le marché. Celà nous permettra d'avoir les moyens de nos ambitions mais il n'y a rien de concret pour le moment.

Les solutions logicielles de navigation GPS comme Destinator ou Navigon sont disponibles en standard sur des Pocket PC GPS ou des appareils autonomes de navigation GPS (Mio 268 et 269). Les licences de TomTom pour d'autres appareils de poche sont-elles commercialisées ?

Non et c'est un choix stratégique. Nous tentons de créer une marque et d'être la référence dans le domaine de la navigation. Nous avons une stratégie différente et nous ne travaillons pas en marque blanche.

Nous visons la grande distribution (Fnac, Darty, Boulanger, Surcouf ou encore Norauto) avec une disponibilité de nos produits partout en Europe, ce qui fait aujourd'hui notre force. Nous n'allons par contre nous positionner chez Aldi ou Lidl en Allemagne. Nous nous associons cependant avec des marques fortes comme HP (hw6515) ou Palm.

Le marché de la distribution de produits TomTom en France semble être contrôlé par un nombre très limité de sociétés. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette limitation de partenaires ?

Nous avons aujourd'hui deux distributeurs de produits TomTom en France, à savoir, Ingram (société de distribution logistique en Europe) et Avesta. Au delà de ces deux sociétés, nous fournissons également certains comptes en direct.

Aujourd'hui nous allons être de plus en plus présent sur le marché de la téléphonie et des véhicules et il n'est pas exclu que nous faisions appel à d'autres acteurs du marché.

TomTom tente de plus en plus via sa nouvelle gamme de GO de pénétrer le marché très convoité des solutions de navigations GPS commercialisées avec un véhicule neuf. A cette occasion, une série spéciale Opel Corsa TomTom a été mise en place. De plus, les nouvelles citadines Totota Aygo, Citroën C1 et Peugeot 107 sont également commercialisées, cette fois-ci en option avec un TomTom GO. Pouvez-vous nous en dire plus de de tels partenariats ? N'avez vous pas peur de concurrencer des solutions de navigation embarquées ?

Nous avons aussi un partenariat avec Lancia en Italie (campagne télé + affichage) et également des partenariats locaux (en angleterre ou en Allemagne). Nous essayons de développer ce type de partnariats en Europe.

Nous travaillons de plus avec nos partenaires actuels pour développer des offres sur la fin de l'année et dans le courant de l'année prochaine.

Concernant la concurrence avec les systèmes actuels de navigation embarquée, depuis l'année dernière les solutions nomades ont déjà été plus vendues que les solutions embarquées...

Une grande majorité des téléphones mobiles ont un système d'exploitation propriétaire avec des extensions Java. Pensez-vous un jour développer une version Java de TomTom Navigator ?

Nous regardons de près ce marché mais les écrans de ces téléphones mobiles étant pour la plupart assez petits, ce ne sont pas développements à court de terme que TomTom favorisera.

Le logiciel TomTom Navigator 5 pour Pocket PC et PDA est à peine commercialisé qu'il est déjà piraté et disponible sur les réseaux Peer to Peer. Quelle est la politique de la société fâce à de tels agissements ?

Nous essayons de stopper le piratage. Néanmoins, il existe depuis des années et çà a toujours été comme çà. Nous essayons au maximum, via un département « légal » de faire stopper les sites qui font la promotion de ce type de produits.

Cependant, le piratage n'a pas un impact énorme sur les ventes. Nous ne pouvons pas y faire grande chose, plus vous êtes connu, plus vous êtes piraté. Il est à noter cependant que le piratage est reservé à une petite minorité composée de technophiles avertis.

Nos concurrents qui ne vendent que du logiciel doivent être plus impactés que nous. C'est aussi l'avantage de commercialiser des PND avec aussi bien du hardware que du software, ne risquant plus ainsi d'être piraté, les produits ne pouvant pas être séparés comme sur le GO.

Avez-vous un commentaire à ajouter à cet entretien ?

Nous parlons souvent de concurrents en pensant qu'il est facile de rentrer sur le marché de la navigation GPS. Cependant, il est très difficile de mettre au point un logiciel de navigation avec des quantités importantes, le développement d'une marque et la logistique qui suit derrière. On sous-estime souvent le nombre de paramètres qu'il faut pour pénétrer ce marché très concurrentiel.

Nous avons cette connaissance soft et hard qui nous permet de développer une marque. Nous sommes souvent copiés, vous l'aurez contstaté vous-même, avec des appareils qui ressemblent étrangement au GO. Etre copié, c'est une marque de flatterie mais nous avons encore une longueur d'avance et nous avons l'intention de la garder !

Corinne Vigreux, je vous remercie.
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