Après l’exception culturelle... quelques règles économiques

12 janvier 2006 à 00h00
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En plein débat sur le projet de loi DADVSI, Olivier BOMSEL, chercheur au CERNA, publie une nouvelle étude sur l'économie numérique.

Ce texte, comme l'indiquent ses références, est issu de l'ensemble des travaux menés au Cerna, le laboratoire d'Economie Industrielle de l'Ecole des Mines de Paris, dans le champ de l'économie numérique et de l'économie de la propriété intellectuelle. Il témoigne de la forte complémentarité de ces deux champs. Il est reproduit dans son intégralité sur NetEco.com avec l'aimable autorisation d'Olivier BOMSEL

Introduction

Il n'y a pas d'exception culturelle.

J'entends par là qu'en aucune façon les biens culturels ne sauraient échapper à l'économie, autrement dit à l'argent comme principe de réel. Et que l'économie de ces biens, singulièrement dans la conjoncture numérique, est une affaire à la fois stratégique dans la conduite des Etats, et scientifique dans sa dimension analytique.

Dans l'Œil du Quattrocento, Michael Baxendall décrit formidablement l'importance du coût des pigments dans la peinture et à quel point les princes de la Renaissance tiennent compte, dans leurs commandes aux peintres, des paramètres de surface et de couleurs des tableaux. A la façon des producteurs d'aujourd'hui, ils exigent par contrat que l'argent versé apparaisse sur la toile et paye exactement le temps passé par le maître. On se trouve ici, clairement, dans une logique de production. Car, les œuvres de la Renaissance circulent avant tout par le nom de celui qui les possède ou les a fait produire. Les princes producteurs marqueront pour longtemps l'imaginaire de la vieille Europe.

Avec le Musée Imaginaire, Malraux invente un nouveau protocole d'accès : celui de la mise en image. L'Art, produit de l'Histoire, du génie humain et de la sacralisation du beau — rédemptrice des pilleurs de tombes — circulera désormais auprès des larges masses grâce à la photographie, aux images des livres, des catalogues, de la télévision. Cette idée, contemporaine de la télévision, prolonge le système de l'Etat mécène. Elle va structurer l'institution culturelle française en séparant les tâches de production, déléguées à des producteurs privés, des tâches de distribution, dites aussi de mise en accès, assignées à la télévision. De là, une vision de la création artistique centrée sur la diffusion publique des œuvres privées par le musée télévisuel. De là aussi, une récusation systématique de l'économie dans les représentations de la culture, régulièrement relayée par le slogan : les œuvres ne sont pas des marchandises. Et aujourd'hui, en 2006, dans un musée de la modernité du vingtième siècle, en pleine cacophonie politique sur la propriété intellectuelle, ce questionnement candide sur les accès ouverts par le numérique et leurs effets sur la diversité des œuvres.

Pourtant, les droits audiovisuels engendrent chaque année plus de cent milliards de dollars de chaque côté de l'Atlantique. Le Festival de Cannes abrite l'un des plus grands marchés du film. Le lancement du dernier King-Kong est une opération mondiale de plus de trois cents millions de dollars qui se rentabilisera sur quelques semaines, ou plusieurs décennies. Les rapprochements dans les secteurs des médias et des équipements qui les distribuent font régulièrement les titres de la presse financière. Il faut se rendre à l'évidence : les œuvres ne sont pas que des productions, ce sont aussi des marchandises car c'est en tant que marchandises qu'elles sont le plus largement diffusées. Si elles n'étaient que des productions, il n'y aurait pas d'économie. On serait dans un dispositif comparable au socialisme soviétique dans lequel n'existaient que des auteurs, des inventions, des productions, et l'Etat, seul responsable de leur circulation.

Qu'il y ait des marchandises, signifie qu'il y a aussi du marché et de la propriété, institutions fondamentales de l'économie, ou du capitalisme, sa forme séculière. Et ces marchandises, qu'on appellera ici biens culturels, sont à ce point spécifiques que les économistes doivent mobiliser de multiples outils pour les représenter. Ce sont ces outils qu'il va nous falloir décrire ici sommai­re­ment, avant de montrer comment ils peuvent servir à bâtir, autour des industries culturelles, de véritables politiques économiques sectorielles.

Une difficulté importante de cette tâche est que, malgré notre incipit, l'exception culturelle existe encore en France. Autrement dit, que le seul discours autorisé concernant la culture est un discours interne à la nature des œuvres, aux émotions qu'elles donnent, aux artistes, aux auteurs... L'exception culturelle, en tant que doctrine de la protection de l'Etat, a conduit, jusqu'à ce jour, à ce que seul ce discours existe. Chacun, l'Etat et les artistes, y a trouvé son compte. Ce discours fragilise désormais la création : il est contesté dans l'application du droit d'auteur, il cautionne la diffusion gratuite immédiate des œuvres sur tous les réseaux, il peine à garantir les conditions matérielles d'une dynamique de renouvellement des œuvres. Notre tâche est d'en faire exister un autre, extérieur celui-là, qui ne soit pas un substitut au discours interne des œuvres, mais un complément aidant à en pérenniser la création.

Les marchés de biens culturels

Fonction d'utilité

La diffusion massive et marchande des biens culturels conduit l'économiste à leur appliquer ses outils, au premier rang desquels se trouve la notion d'utilité. L'utilité est la valeur qu'un consommateur dérive d'un bien, laquelle, pour que l'achat ait lieu, doit être supérieure à son prix.1 Le consentement à payer d'un consommateur pour un bien correspond au maximum de l'utilité que celui-ci en attend. En France, où les représentations de l'économie sont restées très "classiques", on oublie souvent que l'utilité est la contrepartie fondamentale de la production, autrement dit, qu'une production n'a de valeur que pour autant qu'elle soit utile, et que l'utilité escomptée par les consommateurs crée autant de valeur, voire souvent davantage, que la production proprement dite.

La première particularité des biens culturels tient à leur fonction d'utilité. On aura compris que celle-ci varie bien plus que celle d'un grille-pain, non seulement en fonction des œuvres, mais aussi des préférences individuelles de chacun. En outre, cette fonction diffère selon la nature et le format des œuvres : un texte ou un film se parcourent un petit nombre de fois, un morceau de musique peut s'écouter cent fois. Et c'est bien souvent parce que cette fonction diffère profondément de celle des autres biens, et qu'elle implique une part émotionnelle intense, qu'on dénie aux biens culturels le statut de marchandise. Pourtant, cette fonction existe et donne lieu à des procédures systématiques pour faire en sorte que les œuvres rencontrent le public le plus large possible en atteignant d'abord celui auquel elles seront le plus utiles. C'est ainsi que les livres, les films sont mis en marché en passant progressivement d'une version chère (couverture cartonnée, projection en salle...) à des versions moins prestigieuses (livre de poche, DVD, télévision...). Le but est d'établir la réputation des œuvres auprès du public le plus désireux de les apprécier et d'atteindre successivement différentes strates de consentements-à-payer suivant des préférences individuelles décroissantes. Ces procédures de mise en marché successives de différentes versions du bien sont liées à la fonction d'utilité et sont indispensables à la valorisation des œuvres. Les économistes les regroupent sous le terme de « versionnage » (en anglais versioning).

On voit tout de suite ici qu'une condition centrale de la diversité culturelle est que les marchés des œuvres soient organisés en sorte de permettre un versionnage couvrant le spectre d'utilité le plus large possible. Plus les marchés sont capables de discriminer les consommateurs en fonction de leurs préférences, et plus les œuvres au public étroit ont des chances de le rencontrer. Un marché qui ne proposerait qu'une version gratuite d'un bien serait bientôt submergé par des produits maximalement "fédérateurs" : on reconnaît les effets de ce mécanisme dans les programmes de la télévision commerciale en clair.

Ce point, on le voit, est en contradiction avec la vision naïve qui voudrait combiner diversité et accès gratuit indiscriminé. Si la télévision gratuite avait une bien fonction culturelle lors de son lancement dans les années 60, en tant que versionnage additionnel au marché des œuvres — notamment des films en salle, du théâtre ou des concerts — elle n'est plus aujourd'hui, à quelques exceptions près, que l'ultime diffusion s'adressant au public le moins curieux. Quel que soit le Biens d'expérience

Seconde particularité, les biens culturels sont des biens d'expérience, autrement dit des biens qu'on ne connaît qu'après les avoir consommés. Cette particularité qu'on retrouve dans l'ensemble des produits de grande diversité et d'appréciation subjective (le vin, les huiles, les parfums...) impose des procédures de sélection et de signalisation capables de susciter le désir d'expérience. Ces procédures sont intenses en information et s'appuient sur l'identification de composantes connues (auteurs, interprètes, acteurs, metteurs en scène, éditeurs, producteurs...) reliées à des expériences antérieures, porteuses de significations. Chacun sait qu'Hollywood a très rapidement compris à quel point les acteurs sont une identification efficace de l'expérience proposée par les films, et a bâti le star-system en sorte d'en assurer la promotion.1 Chacun sait aussi que les œuvres sérielles (feuilletons, héros récurrents, sagas, séries...) s'identifient plus aisément que les œuvres isolées et créent des trajectoires d'expérience ou d'affinité.

En conséquence, la capacité d'expérience des individus étant limitée, il existe une concurrence entre biens culturels portant sur la signalisation. Les biens les mieux signalés seront consommés en priorité, quitte à ce que les premiers consommateurs inversent le signal par des critiques négatives. D'ailleurs, plus le risque critique est fort et plus la mise en marché d'un BlockBuster — d'une œuvre à coût de production élevé — se doit d'être massive2. Cette concurrence sur la signalisation, la visibilité et la sélection est d'autant plus forte que la diversité est grande et les réseaux de distribution nombreux. Or, la signalisation qui vise à construire des réputations ex ante, autrement dit, des marques, est très intense en capital. Les frais de sortie d'un film en salle représentent aujourd'hui entre vingt et cinquante pourcent de son coût de fabrication. Une série télévisée ne peut devenir rentable qu'après plusieurs saisons, une bande dessinée après plusieurs albums. Il est illusoire de penser que la diversité peut s'accroître du seul chef de l'extension des canaux de diffusion, alors même que la sélection devient plus concurrentielle et coûteuse. La diversité suppose avant toute chose un système de sélection et de signalisation efficace en sorte que la distribution soit économique­ment viable. format des œuvres, le déploiement des marchés de versions mis en place depuis cinquante ans fait de la diffusion gratuite immédiate l'ennemi absolu de la diversité culturelle1.

Une autre conséquence, déjà évoquée, est que l'expérience est cumulative et donc, s'appuie sur les trajectoires de consommation individuelles. C'est d'ailleurs ce qui rend le discours économique particulièrement abstrait — donc suspect — à des professionnels dont le rapport aux œuvres est largement structuré par une longue expérience d'amateur. Pour qu'une œuvre attire un consommateur éventuel, pour qu'elle lui parle, il faut que celui-ci identifie ses codes par des expériences antérieures. Chaque génération bâtit ainsi ses propres trajectoires qui condition­neront ses désirs d'expérience ultérieurs. Ce point est très lisible dans l'économie du vin où l'on remarque que les pays grands buveurs de bière, privilégient d'abord les vins à faible risque de variation qualitative. Et bâtissent sur ce modèle d'expérience leur système de signalisation. Il y a donc, dans chaque territoire, des effets générationnels importants ainsi qu'un enjeu à former le public, et notamment le public jeune, à un désir d'expérience qui stimule la création.

Biens informationnels

Troisième caractéristique, les biens culturels sont des biens informationnels. Autrement dit, des biens dont l'utilité est liée à une combinaison de signes, désormais numérisables, transposables en code binaire1. Certes, comme à chaque fois qu'il est question d'utilité, une telle proposition est loin du caractère intangible des émotions que peuvent susciter la rencontre d'une œuvre. Elle n'en est pas moins profondément compatible, et nécessaire à la construction d'un raisonnement économique.

La notion de bien informationnel est contemporaine du déploiement du code numérique qui permet de transcrire dans un langage universel fait de 0 et de 1, l'ensemble des significations traditionnel­lement associées à des supports2. Elle englobe néanmoins d'éventuelles définitions antérieures et permet de recadrer, à la lumière des développements actuels, les grandes institutions liées aux biens culturels. La dimension informationnelle des biens culturels a trois conséquences : la première concerne les formes de propriété associées à ces biens, la seconde concerne le versionnage et la tarification, autrement dit l'organisation des marchés, la troisième concerne la distribution des biens, en liaison avec les dynamiques de déploiement d'innovations numériques complémentaires.

Le rôle de la propriété intellectuelle

On sait, depuis un célèbre article d'Arrow publié dans les années 1960, qu'une caractéristique de l'information est d'être « non excluable » et « non rivale »1. Non excluable veut dire, que dès lors que l'information existe, chacun peut y avoir accès. Non rivale signifie qu'il n'y a pas de rareté, i.e. que le fait que l'information soit consommée par certains n'en réduit pas la disponibilité pour d'autres. Conséquence : en l'absence de toute institution restrictive, les biens informationnels sont des biens publics. Il n'existe pas d'incitation privée à les produire ou à les distribuer. Deux solutions : mandater l'Etat pour qu'il s'en charge, créer des incitations privées sous forme de monopoles temporaires d'exploitation, autrement dit, de droits de propriété exclusifs. Nulle solution n'est parfaite. Mais on considère que la seconde est plus efficace en ceci qu'elle adosse l'incitation aux préférences individuelles des consommateurs et évite les coûts administratifs d'une taxe centralisée (licence obligatoire).

L'inefficience économique de la taxe tient à ce que chacun ne paye pas selon son usage : les spectateurs exclusifs des chaînes privées ou du satellite payent la redevance TV alors qu'ils ne regardent pas les chaînes publiques; les acheteurs de CD vierges qui y gravent leurs photos payent une taxe aux auteurs au titre de la copie privée; les usagers du net qui ne téléchargent pas de musique paieraient tout de même une éventuelle licence obligatoire, etc. En outre, la licence obligatoire élimine le marché et donc, les informations qu'il procure sur les préférences individuelles, alors même que les techniques numériques permettent de discriminer très finement les consommateurs et leurs usages. Enfin, la collecte et la redistribution des droits sont confiés des sociétés de gestion, peu incitées à l'efficacité et risquant de prélever une part indue des recettes de la redevance.

Dans la logique économique, la propriété intellectuelle est un moyen d'affecter — les économistes disent « internaliser » — à des entités identifiées, des personnes physiques ou morales, ­une part des effets sociaux de la création. Son application revient fatalement à exclure certains consommateurs de l'accès aux œuvres et à les rendre rare à ceux qui y ont accès. Elle a également pour fonction de structurer la chaîne des transactions spécialisant les investissements nécessaires (production, reproduction, signalisation, distribution) pour la création et la diffusion des œuvres.

On voit comment ces principes justifient ex-post les règles du copyright — en France, le « privilège d'édition » — édictées au 17ème siècle en sorte de donner aux éditeurs un monopole d'exploitation des œuvres. On voit aussi comment, à la fin du 18ème siècle, le droit d'auteur a constitué un maillon additionnel dans la chaîne des incitations, permettant de contourner la censure du privilège d'édition. On voit enfin comment la numérisation qui dématérialise définitivement l'œuvre va rendre l'exclusion et la rareté plus techniques — plus chères — à mettre en œuvre que lorsqu'un support physique pourvoyait à ces fonctions.

Il est édifiant de voir à quel point l'exception culturelle a déphasé la France dans son rapport à la propriété intellectuelle. Alors que les Etats-Unis ont voté, dès 1999, une loi visant à étendre le copyright à l'encodage et la distribution numérique, et que l'Europe a suivi dès 2000 dans cette voie, la France de 2006 se demande encore si la propriété intellectuelle n'est pas le vol, et si l'Etat, par la licence obligatoire, n'est pas, finalement, le meilleur éditeur et mécène.

Versionnage et tarification

La dimension informationnelle des biens culturels engendre des versionnages spécifiques. Il y a d'abord des variations d'utilité associées au support : la couverture cartonnée, le livre de poche. Il y a ensuite celles associées à la densité d'information transmise et au confort d'accès : le film projeté en salle est plus dense que le DVD avec son numérique, lui même plus dense que le signal transmis par la télévision analogique. Il y a également des variantes associées au mode de sélection : flux poussé ou linéaire, pour la radio, la télévision ou la sélection du Reader's Digest, flux tiré, ou non linéaire, pour toutes les formes de consommation « à la demande ». Parmi celles-ci, les formules tarifaires varient également selon le nombre de lectures proposées (séances, location, vente), aussi appelées libéralités d'usage. Il y a enfin les variantes permises par la vente groupée (abonnements, bouquets) ou l'insertion dans l'œuvre d'informations extérieures à caractère commercial. Cette dernière variante va donner lieu à une tarification fondée sur l'existence de deux marchés : celui des consommateurs de l'œuvre, celui des annonceurs désireux de leur parler. Ce modèle de diffusion dit en clair (free-to-air), permet de distribuer gratuitement au consommateur des œuvres ou des spectacles (presse, radio, télévision) entrecoupées de publicité.

Ces différentes versions sont caractérisées par des fonctions d'utilité spécifiques qui, combinées au facteur temporel, permettent de structurer des marchés complémentaires. L'objectif des ayant droits, ainsi que nous l'avons dit, est de discriminer les préférences et les consentements-à-payer des consommateurs en leur offrant successivement des versions de moins en moins chères. L'organisation chronologique de ces marchés se fait soit de manière contractuelle, à l'initiative des ayant droits, soit, lorsque l'industrie est très désintégrée, de manière réglementée.

Les droits de propriété intellectuelle, parce qu'ils octroient aux industries créatives l'exclusivité du choix de l'exploitation, sont la clé de la distribution versionnée des œuvres et de l'organisation des marchés de versions.

La numérisation accroît le nombre des versions accessibles et la capacité des réseaux pouvant les distribuer. Elle permet également de stocker et d'échanger sous format numérique des bibliothèques importantes. Il est alors possible de combiner les utilités de versions différentes : on peut ainsi enregistrer des œuvres télédiffusées et les consommer « à la demande » en qualité numérique sur n'importe quel support. Il devient aussi possible de restituer aux œuvres diffusées en clair, entrecoupées de publicité, leur format et leur qualité d'origine.

Un des enjeux majeurs de la numérisation, vu sous l'angle de la création, est donc de maîtriser l'organisation des marchés de versions en sorte que les réseaux de distribution puissent, au meilleur coût, maximiser la valorisation des droits. En effet, l'apparition de nouvelles versions mal tarifées peut casser la dynamique des marchés existants sans pour autant en compenser les recettes. La création perd alors des ressources de financement. La maîtrise des marchés suppose, d'une part, de trouver le bon ordonnancement des versions et des tarifications associées, et d'autre part, de faire respecter l'application des droits en sorte que les offres gratuites contournées (le piratage) ne polluent pas les marchés de versions payantes.

Relations verticales et effets de réseaux

On a vu que les droits de propriété intellectuelle structurent les relations verticales pour distribuer les différentes versions des œuvres sur différents territoires. Le problème économique des relations verticales est le partage du risque entre le producteur, cherchant à valoriser ses droits, le distributeur en charge des frais d'édition (signalisation et copies physiques), et le détaillant valorisant son réseau. Lorsqu'une œuvre est un flop, le distributeur ne peut recouvrer ses frais d'édition, ni le détaillant les frais fixes de son réseau2. Dans la distribution physique, les frais d'édition (publicité, impression, stock, logistique) représentent généralement plus de la moitié des frais de distribution3 et sont irrécupérables en cas de mévente. Les retours sont généralement pilonnés (livres, copie 35mm des films) ce qui élève les coûts, ou soldés (DVD), ce qui tire le niveau moyen des prix vers le bas. Dans la distribution dématérialisée, ces frais, à l'exception de la publicité, disparaissent au profit des coûts de réseau.

Or, les coûts de réseau se partagent entre dépenses d'infrastructures (plateformes satellitaires, relais hertziens, câble analogique et numérique, réseau ADSL, plateformes de téléchargement) supportés par les distributeurs et dépenses d'équipements terminaux supportés par le consommateur (radios, téléviseurs, chaînes hi-fi, ordinateurs, décodeurs, modems, etc.). Le spectateur en salle, l'acheteur de journal en kiosque n'ont a priori besoin d'aucun équipement terminal. La vente de cassettes, de CD, de DVD peut partager des infrastructures de distribution physique (magasins spécialisés, hypermarchés, kiosques, vendeurs en ligne) mais requiert l'équipement en lecteurs des consommateurs finaux. Tout l'enjeu de la distribution numérique est de permettre le déploiement des infrastructures et des terminaux en sorte de mutualiser les coûts fixes de réseau. Une fois le réseau déployé, la distribution numérique dématérialisée doit logiquement s'avérer plus efficace que la distribution physique car elle permet d'éviter des coûts proportionnels au risque commercial.

Le problème est alors de comprendre par quels moyens et dans quelle dynamique, les investissements considérables de déploiement des réseaux (infrastructures et terminaux) vont être financés, et quel rôle, dans ce processus, vont jouer les biens culturels, autrement dit, les ayant droits. Cette problématique revient à analyser le déploiement conjugué de deux types de biens complémentaires : d'un côté, les réseaux (infrastructures et équipements), de l'autre, les contenus (les biens culturels numérisés). Le tout dans un environnement où existent d'autres réseaux spécialisés dans la distribution physique. Ce problème, on le voit bien, ne peut se représenter, ni s'analyser hors de l'économie.

Le mécanisme économique fondamental à l'œuvre dans ce processus porte le nom d'effets de réseau. Les effets de réseau apparaissent dans les biens pour lesquels l'utilité d'un consom­mateur s'accroît avec le nombre de consommateurs utilisant ce bien. Ils trouvent leur origine dans les mécanismes du langage faisant que plus une langue est parlée, plus elle est utile à ses locuteurs, plus elle s'enrichit de significations, etc. On les retrouve dans les mécanismes de la circulation monétaire — plus une monnaie est utilisée et plus elle est utile — ou dans les effets de mode. Cette propriété s'étend à tous les systèmes de communication, et singulièrement au déploiement, dans le monde industriel moderne, du codage numérique et de ses moyens de circulation. Elle est au cœur du déploiement de toutes les innovations numériques.

Nous n'allons pas, ici, entrer dans le détail de la modélisation économique des effets de réseau. Rappelons néanmoins que ces effets, à l'origine du déploiement de la téléphonie mobile, de la carte bancaire ou d'Internet, mais aussi de la télévision, du CD, du DVD, sont extrêmement puissants. Ils permettent, une fois atteinte une masse critique de consommateurs, de faire en sorte que plus un bien est consommé, plus il est utile à ceux qui le consomment, et donc plus il est demandé. Une des difficultés est d'atteindre la masse critique en deçà de laquelle le réseau ne peut se déployer5. Il faut pour cela subventionner les premiers souscripteurs, ce qui crée des précédents tarifaires et des irréversibilités. Chaque réseau, présente, dans cette matière, ses spécificités. Une fois la masse critique atteinte, les effets de réseau permettent de faire jouer des économies d'échelle et d'accélérer fortement le déploiement des innovations. Ils entraînent aussi l'apparition rapide de monopoles puissants.

Un point important de ce processus concerne la dimension de l'investissement, tant pour l'opérateur de réseau que pour le consommateur : une fois installés suivant une option technique, les équipements en place peuvent être améliorés ou complétés à moindre coût qu'une solution radicalement nouvelle. Le pari du lancement de Canal+ en France était de valoriser, par la seule adjonction d'un décodeur et de contenus exclusifs, le parc installé de récepteurs hertziens. Le lancement de ce service par relais satellitaire aurait probablement coûté plus cher à tous les acteurs de la filière, consommateur compris. Les investissements passés constituent donc un actif lourd, générateur d'irréversibilités, de trajectoires techniques, appelées aussi « effet de sentier ».

Enfin, la plupart des innovations numériques interviennent dans des chaînes de biens complémentaires : ainsi, Google (moteur de recherche), Microsoft Windows (système d'exploitation), (ordinateurs personnels), Intel (microprocesseurs), (routeurs Internet), mais aussi des fournisseurs d'accès et des opérateurs de télécommunication, déploient des biens et services complémentaires, générateurs des effets de réseau d'Internet. Le phénomène économique nouveau est que certaines de ces entreprises sont en concurrence entre elles pour s'approprier les bénéfices des effets de réseau. Dans cette concurrence verticale, la firme capable de délivrer au moindre coût (en fait, gratuitement) une utilité nouvelle au consommateur peut espérer devenir le distributeur de tous les autres. Autrement dit, chaque acteur de la chaîne verticale va chercher le moyen de subventionner le consommateur final et, par le biais de cette subvention, lui revendre — lui facturer — les services de tous les autres. Ce phénomène existe dans tous les réseaux numériques, y compris la téléphonie mobile et les réseaux de télédiffusion « linéaires » (télévision).

Cette concurrence verticale se reporte ultimement sur les droits de propriété intellectuelle qui se situent en amont de la chaîne, et crée de fortes incitations à leur contournement. Nous avons montré, dans une étude précédente, que le Peer-to-Peer opérait, grâce au contournement des droits, un transfert d'utilité massif des contenus vers l'industrie de l'Internet6. L'utilité de l'accès gratuit aux contenus permet, en effet, à toute la chaîne des équipementiers de facturer leurs produits plus cher et de réinvestir les rentes dans la poursuite du déploiement, lequel accroît le débit disponible pour échanger des contenus. Le piratage devient ainsi l'application majeure de l'Internet à haut débit. Les intérêts économiques en jeu dans cette affaire sont tels que les politiques, on l'a vu aux Etats-Unis, on le voit aujourd'hui en France, ont le plus grand mal à situer l'intérêt général.

Utilité, biens d'expérience, biens informationnels, droits de propriété, versionnage, relations verticales, effets de réseau, effets de sentier, nous allons arrêter là la description des concepts indispensables à l'analyse économique des industries culturelles. Notre intention est maintenant, en sorte d'illustrer leur efficacité concrète, de les appliquer à l'analyse d'une situation de concurrence entre réseaux. Compte tenu de leur poids économique, nous avons choisi de nous concentrer sur les contenus audiovisuels non interactifs (musique, cinéma, vidéo) dont les modes de distribution numérique sont en pleine transformation. En effet, le livre et le jeu vidéo sont encore largement commercialisés sous forme physique. Le cas de la presse sera, quant à lui, rapidement évoqué.

Déploiement de réseaux : la concurrence broadcast/broadband

La numérisation a été fortement identifiée au déploiement d'Internet qui se trouve être à la fois un réseau numérique de communication et de distribution. Dans les faits, la numérisation est un processus qui court depuis l'invention du circuit intégré (1960) et concerne toutes les formes de déploiement du codage numérique. L'invention du disque compact (CD) et de son lecteur, de la carte à puce, de la télévision cryptée ou de l'enregistreur numérique sont autant d'innovations numériques méritant attention. La Consumer Electronics Association (CEA) des Etats-Unis relève, dans sa chronologie des innovations numériques, pas moins de 17 évènements significatifs chaque année entre 1995 et 2004, contre seulement 6.6 en moyenne entre 1985 et 1994, et 5.5 dans la décennie précédente1. L'accélération des années 1990 est liée à la mise en réseau de l'ensemble des innovations.

A l'heure actuelle, deux types de réseaux concourent pour distribuer des contenus dématérialisés. Le premier est le réseau historique de télédiffusion ayant réussi, grâce aux programmes de la télévision en clair, à déployer très largement les équipements individuels de réception. Ce réseau se numérise grâce au satellite, au câble, au hertzien numérique, et, singulièrement en Europe, au réseau téléphonique ADSL. Parallèlement, les consommateurs investissent massivement en équipements terminaux sous forme d'écrans plats et de systèmes de reproduction du son spatialisé. Le second est le réseau Internet qui, grâce aux effets de réseau de la communication privée (e-mail, navigation web), a réussi à transformer l'ordinateur personnel en terminal de réseau. Ce réseau veut à présent distribuer des biens culturels vers les ordinateurs personnels, lesquels pourraient devenir le point d'entrée des contenus dans l'espace domestique. Quelles sont les formes de cette concurrence ? Quels en sont les enjeux ? Qui va l'emporter ?

La puissance de la télévision

Le modèle de distribution en clair

La télévision a été le premier vecteur de distribution domestique des contenus audiovisuels2. De grandes émissions populaires comme, aux Etats-Unis, le Texaco Star Theatre de Milton Berle, les magasines d'actualité ou les retransmissions sportives, ont réussi à créer les effets de mode (autre forme des effets de réseau) incitant les consommateurs à investir dans les récepteurs. Lesquels ont alors bénéficié d'économies d'échelle entraînant leur prix à la baisse et accélérant leur pénétration. Entre 1949 et 1956, période de la diffusion du show de Milton Berle, le taux d'équipement des ménages américains est passé de 2 à 70 pourcents. Des dynamiques de déploiement comparables ont eu lieu partout dans le monde.

La formidable pénétration des récepteurs et les efforts des industries de programmes ont attiré des audiences de millions de consommateurs, fortement valorisées par les annonceurs. Le modèle économique de la diffusion en clair était né. En France, où la télévision a émergé comme un service public financé par une taxe, l'Etat s'est bientôt rendu compte de l'intérêt de ce modèle pour financer la diversité des programmes et a, lui aussi, intégré la publicité. La masse critique étant atteinte, les effets de réseau pouvaient alors s'enclencher.

Le modèle de diffusion en clair est typique de ce que les économistes nomment un « marché à deux versants » (two-sided market). Il est généralement analysé dans sa corrélation entre le coût des programmes, leur audience et les recettes que celle-ci engendre, ce qui constitue, en soi, un fort effet de réseau5. Un aspect très remarquable de la diffusion en clair est que cet effet se combine avec le déploiement du bien complémentaire que sont les téléviseurs, contribuant ainsi au déploiement du réseau de diffusion. La force du modèle est donc que les programmes — les contenus — sont au cœur des effets de réseau d'un ensemble très vaste combinant contenus et équipements électroniques. Plus un programme est attractif, plus il suscite d'achats d'équipements, plus il élargit l'audience vendue aux annonceurs, ou accessible, ce qui n'est jamais neutre, à la communication institutionnelle. La multiplication des chaînes en clair peut servir à étendre la diversité des programmes, laquelle permet d'élargir encore l'espace publicitaire à commercialiser. Le tout relevant encore l'utilité du téléviseur. Les paramètres économiques de ce modèle sont le nombre de chaînes diffusées, la différenciation entre les chaînes (qui permet d'étendre la diversité et donc, l'audience globale), et le volume d'espace publicitaire mis en vente. Bien entendu, l'audience étant par définition limitée, ce modèle finit fatalement par saturer.

Quelques remarques :

- la couverture hertzienne du territoire américain étant très mauvaise, la télévision a été rapidement relayée par le câble analogique dont les capacités de transport excédaient celle de l'analogique hertzien. Les Etats-Unis ont donc, bien avant l'Europe, été confrontés à la multiplication des chaînes en clair, et notamment des chaînes locales, probablement au détriment du confort d'écoute des programmes : plus de chaînes impliquant logiquement davantage de publicité par chaîne. Néanmoins, ces chaînes ont contribué à financer une vaste infrastructure filaire — les réseaux câblés ­— dédiée à la distribution des contenus. Cette infrastructure, désormais numérisée, est aujourd'hui le principal support d'Internet.

- à l'inverse, la très bonne couverture hertzienne de la France et la limitation du nombre de chaînes a contribué à faire de ce mode de diffusion l'accès quasi-exclusif de la télévision en clair. Malgré de gros investissements, le câble n'a pu s'y déployer. La maîtrise du spectre hertzien a permis à l'Etat, jusqu'à l'arrivée du satellite, de contrôler la libéralisation du secteur par l'octroi de licences. Le maintien, voire l'extension du service public (Arte), a entretenu une diversité de l'offre en clair face à la multipli­cation des chaînes commerciales. Pour numériser le réseau hertzien terrestre et stimuler l'achat de décodeurs, l'Etat a concédé d'autres licences et relancé de nouvelles chaînes en clair. Le modèle en clair a donc été longtemps privilégié, et les chaînes payantes ne disposent que des plateformes satellitaires pour relayer leurs programmes sans passer par des réseaux tiers. La faible pénétration du câble fait du réseau téléphonique historique le principal support de l'Internet haut-débit.

Il ne fait aucun doute qu'en phase de déploiement, voire en audience globale stabilisée, la diffusion en clair est un vecteur puissant de valorisation des contenus, et donc, potentiellement, de financement de la création. Pas de stock, pas ou peu de logistique, ce mode est d'autant plus efficace que l'audience est captive (nombre de chaînes limitées) et la valeur de l'espace publicitaire élevée. Il permet en outre de déployer des équipements générateurs d'effets de sentier dans la réception télédiffusée des images : les récepteurs de télévision en clair ont été complétés par des magnétoscopes, des décodeurs, des lecteurs DVD, etc. L'ampleur du parc installé et des habitudes de consommation associées permet désormais, grâce aux économies d'échelle qu'apporte ce très vaste marché, le remplacement des écrans cathodiques par des écrans plat et des systèmes d'écoute sophistiqués.

Néanmoins, le modèle en clair est concurrencé par le modèle payant ainsi que par tous les loisirs générateurs d'audience (Internet). La question est de savoir, pour les chaînes privées comme pour le service public, jusqu'à quel point de saturation de l'audience, le modèle en clair reste le meilleur mode de distribution de programmes, et ce qu'il en advient après qu'il en soit autrement.

Le modèle payant

Le télévision payante constitue un versionnage des contenus audiovisuels. Sa raison d'être est la différenciation d'avec la télévision en clair dont elle profite du parc de terminaux installés. Plus le confort d'écoute et la qualité du gratuit est dégradée, plus le consentement-à-payer pour un meilleur confort, une exclusivité, un choix élargi est élevé. La télévision payante s'installe donc d'abord sur des marchés de niches dans lesquels certains consommateurs valorisent une utilité additionnelle à la télévision en clair. Ces niches permettent aux ayants droits de créer un marché de version supplémentaire. Bien entendu, la version payante doit s'intercaler avant la diffusion en clair. Tant qu'une masse critique de consommateurs n'est pas atteinte, le marché de la télévision payante reste marginal par rapport au marché de la télévision en clair. En revanche, si cette masse critique est atteinte, alors des effets de réseau vont pouvoir s'enclencher. En effet, au delà d'un seuil critique, plus le marché payant est large, plus le distributeur a de moyens d'achat de droits, plus les ayant droits ont intérêt à l'atteindre, plus son offre de programmes se différencie du clair, plus le consommateur a intérêt à s'abonner. Et comme toujours, quand des effets de réseau apparaissent, l'opérateur qui atteint le premier la masse critique l'emporte sur tous ses concurrents. Sur de très vastes marchés, comme les Etats-Unis, plusieurs opérateurs peuvent coexister, à l'image de ce qui existe en Europe dans la téléphonie mobile. Sur des marchés plus étroits où la concurrence du clair est rude — c'est le cas en Europe — un opérateur unique parvient à s'imposer. Chacun aura compris que l'enchère décisive de Canal+ sur les droits du football pour les années 2005 à 2007 aura servi au groupe à atteindre la masse critique avant son concurrent TPS, en l'excluant du marché des amateurs de football.

La force de la télévision payante réside dans sa tarification. Le système des ventes groupées (bundling) fait l'objet d'une littérature économique abondante qui met en évidence son efficacité à capturer les consentements-à-payer, à exclure des concurrents et à fidéliser les consommateurs1. Dans le cas de l'audiovisuel, l'exclusivité et la variété du choix des programmes sont des utilités relevant le consentement-à-payer. Les succès de la carte illimitée donnant accès aux multiplexes ou des bouquets de chaînes de télévision thématiques couplés à des chaînes dites « premium », montre que la vente groupée permet, mieux que la vente au détail, de discriminer les préférences individuelles et de diluer les risques commerciaux inhérents à chaque produit. La télévision en clair, c'est un de ses points faibles, distribue des programmes au détail. Dans la télévision payante, une forte préférence pour quelques œuvres très ciblées conduira à l'achat d'un bouquet, au même titre qu'une préférence moyenne pour des œuvres à grand public. Une fois abonné, le consommateur, même déçu par un programme, hésitera à résilier son contrat. La numérisation qui accroît la capacité de diffusion des réseaux, permet la multi-diffusion, l'extension et la sophistication des bouquets. Elle favorise un mode de distribution des œuvres audiovisuelles a priori bénéfique à la diversité. Encore faut-il, bien sûr, que les ayant droits soient en situation de les vendre à bon prix.

Car, une chose est sûre, la télévision payante devient le mode dominant de distribution « linéaire » des programmes audiovisuels. C'est déjà le cas aux Etats-Unis où les audiences du câble et du satellite dépassent celles des réseaux des réseaux en clair. Ce devrait être bientôt le cas en Europe où, une fois les effets de réseau enclenchés, il sera de l'intérêt de tous, consom­mateurs et ayant droits, que le déploiement soit le plus rapide possible et se fasse au meilleur coût. Ceci exige des distributeurs qu'ils conçoivent des bouquets attractifs et qu'ils investissent, en synergie avec les fournisseurs d'accès (câble, ADSL), pour acquérir des abonnés. Le relèvement de l'utilité par la haute-définition, la mobilité et les enregistreurs numériques donne à ce réseau un fort potentiel de croissance car, même si le coût de la protection des droits augmente, l'industrie des contenus a vocation à s'entendre avec les diffuseurs sur des standards techniques élevant la valeur des œuvres. Néanmoins, dans chaque pays européen, la télévision payante va se trouver en monopole de distribution (pas de concurrence sur les prix) ainsi qu'en monopsone (monopole d'achat) en face des ayant droits. Quelles en seront les contreparties ? Nous reviendrons en conclusion sur les aspects de politique « culturelle » associés à cette situation.

L'essor difficile d'Internet

Face à la télévision, Internet apparaît à la fois comme une menace et une opportunité. Comme la télévision à ses débuts, il lui faut déployer à la fois des infrastructures et des équipements terminaux. L'originalité d'Internet est, bien entendu, dans le mécanisme de ses effets de réseau.

En effet, alors qu'un récepteur de télévision n'est d'aucune utilité sans programmes audiovisuels, les ordinateurs personnels qui sont aujourd'hui les terminaux d'Internet ont commencé à se déployer comme des machines locales2. Les économistes disent de ces machines qu'elles ont une forte valeur d'autarcie, en comparaison de leur valeur de synchronisation créée par leur mise en réseau3. Internet s'est donc déployé comme un outil de mise en réseau de machines locales, utilisées par les entreprises. La compatibilité des systèmes d'exploitation, des fichiers et de l'adressage des machines a contribué à créer des effets de réseau autour des applications de messagerie et de navigation. Ces applications qui ont relevé l'utilité des ordinateurs personnels ont dopé la demande et contribué à faire baisser les coûts. Les machines ont pu alors diffuser vers le marché résidentiel où la connexion bas-débit permettait la correspondance électronique, la navigation sur des sites d'information et l'achat en ligne. Le principal problème économique est venu de l'accroissement des débits du réseau et notamment de la partie la plus coûteuse à numériser, la boucle locale desservant l'abonné.

En effet, à la différence des réseaux de diffusion dans lesquels la numérisation accroît la capacité par simple gonflement du tuyau allant de l'émetteur au récepteur, les réseaux de communication sont comparables à des réseaux ferroviaires ou routiers. Il y a de grandes autoroutes, appelées encore collecteurs ou backbones, et des routes secondaires et vicinales, appelées boucles locales, permettant d'atteindre l'abonné. La transmission par fibre optique, grâce à une élévation de l'ordre du million de la productivité du transport d'information, a été, dans les années 1990, à l'origine de la numérisation des grands collecteurs (backbones). Cette substitution de la fibre optique au cuivre se justifiait par les volumes considérables transitant sur ces collecteurs, auxquels elle a fourni de la capacité excédentaire pour transporter les flux de données Internet. Mais ces volumes se réduisant au fur et à mesure qu'on approche de l'abonné résidentiel, rien ne justifiait alors la numérisation des boucles locales, concurrencées, en outre, par la téléphonie mobile.4 Or, sans élévation des volumes au niveau de l'abonné, pas besoin d'élever les débits, donc pas de déploiement ni de croissance rapide pour ce nouveau réseau.

L'apparition, fin 1999, aux Etats-Unis de Napster et l'énorme trafic engendré par ce site, a permis aux opérateurs d'Internet de sortir de l'impasse. En proposant au consommateur, comme l'avait fait la télévision, d'accéder à des contenus gratuits, l'ensemble des industriels de l'Internet trouvait une dynamique d'effets de réseaux capable de tirer le déploiement des débits. Même si Napster, utilisant une technique trop visiblement illégale, a dû fermer rapidement, le Peer-to-Peer (P2P) était né. Il ouvrait la voie à de nouvelles générations techniques de systèmes d'échanges et à une dynamique de déploiement d'Internet fondée sur le contournement des droits de propriété intellectuelle.

Sans entrer dans les détails techniques, économiques et juridiques de cette affaire, la question qui nous intéresse ici est de savoir comment ce déploiement affecte l'accès aux contenus et la diversité de la création. La situation est très différente pour la musique, l'audiovisuel et pour la presse. Elle diffère également selon que le support principal d'Internet est le câble, distributeur historique de contenus en clair et payants et, à ce titre, demandeur de complémentarité, ou le réseau téléphonique historique, sans lien antérieur avec les contenus et attaqué sur son service historique.

Le cas de la musique

Le sort est tombé sur la musique. Pour plusieurs raisons : les titres musicaux sont des fichiers courts, consommés par la jeunesse, requérant un équipement de lecture, et surtout, sans antécédent dans la distribution dématérialisée. En effet, dès lors que chaque titre musical s'écoute de nombreuses fois, la diffusion radiophonique en clair a toujours servi de signal, d'incitation à l'achat du titre, mais n'a jamais constitué, en soi, un mode de distribution. La musique a donc toujours été distribuée par des réseaux physiques sous forme de disques agrégeant plusieurs titres aux fortes variations d'utilité. Contenu le plus consommé, le moins dense, simple à compresser, exigeant un terminal et distribué exclusivement en lots physiques hétérogènes, la musique était la proie idéale pour le déploiement d'Internet.

Le succès de la distribution numérique en clair (en P2P) a donc été foudroyant et a incité les fabricants d'informatique à concevoir des terminaux adaptés à cette nouvelle distribution. La phase actuelle est celle du déploiement de ces équipements (lecteurs MP3) qui consacrent l'ordinateur comme plateforme d'accès aux contenus musicaux. Anticipant sur les phases ultérieures du déploiement, a signé un accord avec les contenus en sorte de faire de ses terminaux (iPod) les décodeurs de son service payant. Le fait que ses concurrents (Microsoft, Sony) n'adoptent pas le même standard et s'appuient sur des modèles de distribution moins intégrés, pose des problèmes de compatibilité qui handicapent le déploiement de la distribution numérique payante1. Même si, du fait de l'émergence du payant, l'utilité relative du Peer-to-Peer s'atténue, la distribution payante n'a pas encore atteint la taille critique et ne l'atteindra probablement que lorsqu'un accord de standardisation sera trouvé entre ses principaux acteurs. Entre-temps, c'est l'ensemble du secteur jusqu'à, bien évidemment, la création, mais surtout, la promotion de nouveaux artistes, qui se trouve déstabilisé par le contournement.

L'audiovisuel

Le cas de l'audiovisuel est bien différent car la base installée dans la distribution télévisée et son potentiel de développement sont considérables. Les droits des contenus vidéos (cinéma et télévision) représentent en outre 90 pourcent des droits audiovisuels, et peuvent largement contribuer à subventionner les réseaux qui leur sont favorables. Le Peer-to-Peer introduit néanmoins un version­nage supplémentaire qui déstabilise l'organisation des marchés existants et pénalise les réseaux de distribution les plus faibles.

Il faut ici différencier la situation américaine de la situation européenne. Aux Etats-Unis, la puissance d'Hollywood, intégré horizontalement et verticalement, fait des contenus les acteurs dominants de l'Internet. Le déploiement des débits s'est conjugué avec la numérisation du câble, financée par la distribution payante de contenus. Le câble représente aujourd'hui plus de 60 pourcent des accès Internet haut-débit. Le DSL fournit le reste, souvent en partenariat avec les distributeurs de télévision par satellite. Les câblo-opérateurs ont vu dans Internet la possibilité d'entrer sur le marché de la téléphonie et de créer de nouveaux marchés de contenus. Leur rapport au Peer-to-Peer a été purement instrumental, vendant des modems d'un côté, et obtenant, de l'autre, un jugement unanime de la Cour Suprême condamnant les logiciels d'échange. Les abonnements Internet coûtent plus cher qu'en Europe pour des débits bien moindres et les échanges en Peer-to-Peer n'occupent que 48 pourcent de la bande passante descendante2. Internet est déjà utilisé par les câblo-opérateurs comme un réseau de complément permettant développer des services « à la demande » subventionnés par la télévision payante.

En Europe, et singulièrement en France, la situation est plus conflictuelle. Les opérateurs de télécommunications sont les principaux acteurs de l'Internet et sont en concurrence avec les opérateurs de télévision pour distribuer des contenus audiovisuels. L'enjeu du déploiement est d'offrir le plus rapidement possible les plus forts débits au consommateur. Grand classique de la concurrence numérique, l'opérateur ayant déployé ses accès pourra ensuite distribuer (facturer) tous les autres. Il faut pour cela stimuler l'usage du Peer-to-Peer en créant du consentement-à-payer pour les débits. Ceci explique que, selon des études de consultants, entre 85 et 90 pourcent de la bande passante soit utilisée, en France, pour le Peer-to-Peer3. On peut aussi proposer des chaînes en clair dans des offres groupant téléphonie, accès Internet et télévision. Néanmoins, le Peer-to-Peer demeure le produit d'appel de ces offres, celui pour lequel l'utilité additionnelle justifie le mieux la tarification des débits. Cette situation, combinée à la puissance institutionnelle du modèle en clair et à l'idéologie de la culture gratuite, contribue à la grande confusion du débat français sur ce thème.

Néanmoins, cette situation est probablement temporaire car, si les effets de réseaux de la télévision payante peuvent enfin s'enclencher, le rapport de force entre télévision et Internet s'approchera de ce qu'ils est aux Etats-Unis. Entre-temps, le Peer-to-Peer aura affaibli les marchés du DVD et, dans une moindre mesure, de la salle, fondés sur la distribution physique et sensibles au dérèglement de la chronologie des médias. Un autre effet négatif est l'accroissement des contenus en clair enregistrables sur équipements numériques et partagea­bles via Internet. Tant qu'il n'est pas jugulé, le Peer-to-Peer fonctionne non seulement comme une subvention des effets de réseau d'Internet, mais aussi comme source de programmes en clair relevant l'utilité de tous les équipements de stockage et de lecture de contenus.

Ce transfert d'utilité vers des équipements potentiellement contournants, dont le Peer-to-Peer n'est évidemment pas la seule source, contribue à relever le coût de la protection des réseaux de distribution payante. Il oblige notamment les distributeurs de télévision payante à subventionner des enregistreurs numériques personnels conservant les formats cryptés.

A terme, une fois son déploiement achevé, Internet deviendra un complément indispensable à la distribution de contenus audiovisuels payants en permettant, grâce aux moteurs de recherche et à de nouvelles formes de signalisation des programmes, des modes de sélection d'une grande efficacité. La question de savoir comment les ordinateurs protégeront les contenus et quel sera leur rôle en tant que point d'entrée dans l'espace domestique, est largement ouverte. Il leur faudra là-dessus contrer les effets de sentier des équipements de télévision et de réception mobile. Mais d'ici là, la dépendance d'Internet vis-à-vis du Peer-to-Peer comme outil de déploiement va obérer sa capacité à distribuer efficacement des contenus payants et empêcher ses opérateurs d'être compétitifs à l'achat des droits.

Le cas de la presse écrite

Le déploiement d'Internet relance la concurrence entre marchés de versions et réseaux de distribution. Même si, à terme, ce processus doit être facteur de croissance, son effet premier est de menacer la création. Pour terminer cette revue, on peut évoquer brièvement la situation de la presse écrite quotidienne. La presse quotidienne est un bien culturel associé à un support physique distribué dans un réseau dédié. La relative stabilité de son audience lui a permis jusqu'à ce jour de supporter les coûts de sa distribution physique et de faire de ses réseaux les distributeurs d'autres produits d'édition. L'apparition d'Internet a incité tous les titres de la presse quotidienne, et notamment de la presse d'opinion à développer une présence en ligne. Ne pas le faire aurait conduit à laisser la place aux concurrents, à des agences généralistes ou de nouveaux agrégateurs. L'engouement d'Internet des années 1999-2000 permettait d'envisager des modèles de diffusion en clair (financés par la publicité) complémentaires de la version papier. En conséquence, tous les journaux se sont retrouvés en ligne tandis qu'Internet devenait un lieu d'information écrite actualisée en continu. Les moteurs de recherche se sont alors imposés comme les agrégateurs de toute l'information publiée sur le réseau.

La prolifération de l'information en ligne et les formes d'interactivité qu'elle offre à ses lecteurs remet en cause le versionnage antérieur de la presse quotidienne. Pour la presse économique spécialisée, la version en ligne qui propose, notamment, des archives se différencie du papier par son accès thématique. Cette version peut être payante car l'essentiel de la clientèle est professionnelle et les achats de documentation sont des consommations intermédiaires répertoriées (marché de B2B). La presse d'opinion se trouve, quant à elle, attaquée sur deux fronts : elle doit, d'une part, justifier son utilité éditoriale, autrement dit, sa différenciation d'avec les informations d'agence à diffusion beaucoup plus large, et d'autre part, supporter la distribution payante du support papier, notamment pour la vente au détail. Cette situation bouleverse le paysage concurrentiel.

Profitant de coûts de distribution plus faibles (pas de comptabilité ni de retours, concentration dans des zones urbaines très denses), les journaux gratuits apparaissent offrant un traitement utilitaire de l'information, autrement dit, une valeur ajoutée minimale par rapport aux grossistes que sont les agences. Ces journaux se positionnent comme les concurrents « papier » de la presse en ligne en s'appuyant sur le même modèle en clair. Parallèlement, le déploiement d'Internet accroît le lectorat en ligne et les budgets publicitaires alloués à ce support. Pas suffisamment cependant dans la presse en ligne pour compenser les pertes du papier. Car, les quotidiens « papier » perdent de l'audience et des marchés publicitaires tout en supportant les coûts de distribution les plus élevés. Ils perdent alors les ressources capables de financer leur différenciation de l'information d'agence et donc, leur utilité... Les effets de réseau qui profitent à Internet et ses concurrents « gratuits » contribuent à la réduction de la diversité éditoriale de la presse quotidienne. On peut certes argumenter que les carnets personnels, les blogs, voire les réseaux de bloggeurs, prennent le relais de la presse d'opinion et maintiennent une forme de diversité. Ces formes éditoriales ne peuvent néanmoins se comparer au journalisme professionnel qui continue d'assumer sa fonction de label, de signal de qualité. Il est à espérer que de nouvelles formes de journalisme trouvent à se déployer sur Internet car le réseau dispose, autour de ce type de contenus, d'un réel marché en clair qui ne contourne pas les droit de propriété intellectuelle. Ce marché est d'autant plus stratégique que la publicité en ligne sur Internet s'avère plus efficace que la plupart des moyens concurrents. En effet, l'affichage de signes contextuels (bannières, mots-clés) reliés à des sites de vente, permet, grâce à l'efficacité des régies, c'est-à-dire de Google, de cibler la dépense publicitaire et de mesurer son rendement bien plus sûrement que sur tous les autres médias. Un accroissement significatif de cette ressource soutiendrait le déploiement d'Internet et réduirait les incitations au contournement des droits.

En conclusion

Les biens culturels sont soumis à des règles économiques qui, c'est heureux, souffrent peu d'exceptions. Les droits de propriété intellectuelle structurent l'organisation industrielle de leur création et de leur distribution sur des marchés de versions. Les mécanismes économiques de cette distribution montrent qu'ils jouent un rôle central dans le déploiement des systèmes de communication, des produits d'électronique grand public, et dans les trajectoires des innovations numériques. Les biens culturels sont non seulement source d'émotion, d'image et de sens, mais aussi, et pour cette raison même, d'utilité transmise à d'autres industries. C'est en cela qu'ils constituent, dans la concurrence internationale, un enjeu stratégique justiciable de politiques sectorielles rigoureuses.

Quels que soient les domaines de création (musique, cinéma, vidéo, édition, jeu...), la numérisation fait surgir de nouvelles versions, de nouveaux réseaux et de nouveaux modes de valorisation des œuvres. Elle fait aussi surgir de fortes incitations au contournement des droits de propriété intellec­tuelle, lesquels sont pourtant l'institution-clé de la création. Le déploiement à marche forcée d'Internet crée ainsi, à court terme, davantage de concurrence destructrice que de marchés additionnels. En aucun cas, le maintien, a fortiori l'extension, de la diversité culturelle ne peut s'appuyer sur l'utopie du financement public d'une diffusion gratuite et indiscriminée des œuvres. Une telle politique ne peut que détruire irrémédiablement les sources actuelles de financement de la création. La diversité, au contraire, vient de la valorisation maximale des œuvres sur l'ensemble des réseaux et de son réinvestis­sement dans la création. Cette règle économique doit guider les politiques envers ce secteur.

Les quelques cas concrets étudiés dans ce texte mettent en évidence le rôle fondamental de la distribution dématérialisée, notamment des œuvres audiovisuelles, et la nécessité d'ordonner les marchés de versions. Deux points essentiels méritent d'être signalés.

Le premier concerne le déploiement de la télévision payante qui a vocation à devenir le premier mode de distribution des contenus audiovisuels. Le déploiement rapide et le plus large possible de ce réseau est une garantie de la distribution au meilleur coût du plus large éventail de contenus audiovisuels. Sous condition, bien évidemment, que l'institution de la propriété intellectuelle joue pleinement son rôle. L'émergence, dans chaque pays d'Europe, d'un opérateur unique de télévision payante, non tributaire de l'audience nationale instantanée de programmes en clair, constitue une opportunité historique de consolidation de l'industrie audiovisuelle européenne. Il faut, dans chaque pays, que les positions de marché de ces opérateurs (monopsone à l'achat, monopole à la vente) s'assortissent de clauses favorables à la création de programmes audiovisuels valorisables sur le marché européen et international.

Le second concerne le mode de déploiement d'Internet. La faiblesse structurelle d'Internet, singulièrement en Europe est de faire du contournement des droits audiovisuels son outil de déploiement. Cette situation est probablement temporaire, mais inhibe profondément les capacités de distribution payante de ce réseau. Elle déstabilise les marchés et renchérit les dépenses de protection de tous les autres réseaux, ce qui pénalise les contenus, mais aussi, les consommateurs vertueux. Il serait plus efficace, du point de la distribution, de la valorisation et de la création des contenus, de supprimer les incitations économiques au contournement. Parmi celles-ci, il faut citer la guerre de standards engagée par les équipementiers d'Internet dans les moyens de protection technique, en premier lieu des fichiers musicaux. Une standardisation rapide, au niveau européen, des systèmes de gestion de droits numériques (DRMs) visant une interopérabilité des fichiers quel que soit l'équipement terminal, soutiendrait le déploiement d'Internet et réduirait les pertes de tous les autres réseaux. L'Europe devrait prendre modèle de sa réussite dans la standardisation du téléphone mobile GSM pour engager au plus tôt une convergence industrielle sur ce point.

A plus long terme, la distribution « non linéaire » de contenus audiovisuels sur Internet ne pourra se faire sans la mise en place de protocoles économisant la bande passante. En effet, Internet ne pourra gérer, à partir de plateformes centralisées, des vagues de requêtes massives pour des programmes très demandés. A ce jour, seuls les systèmes de Peer-to-Peer permettent de mutualiser les ressources du réseau pour faire face à des demandes massives de fichiers volumineux. La fiabilisation de ces systèmes en sorte qu'ils soient dédiés à des fichiers légaux ne sera réalisable que lorsque toute incitation au contournement aura disparu du réseau.

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