Pierre LIAUTAUD : Activia Networks, les réseaux d'acheminement de contenu "made in france"

25 septembre 2002 à 00h00
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JB - Monsieur Liautaud, bonjour. En quelques mots, pourriez vous présenter votre parcours ?

PL - Ancien élève de Polytechnique et de Sup'Telecom, j'ai passé l'essentiel de ma carrière chez , entre 1982 et 1999, où j'ai exercé diverses fonctions de vente, de marketing, et de direction générale, aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis. Vers la fin de mon parcours chez IBM, j'étais en charge de la définition et de la mise en œuvre au niveau mondial des campagnes marketing e-­business . En 1999, j'ai quitté IBM pour créer @viso, le premier incubateur « corporate » européen, une joint-venture de Vivendi et Softbank.

J'ai rejoint ActiVia Networks, en tant que PDG, en mai 2001 afin d'aider l'équipe des fondateurs à redéfinir son business model et à concrétiser ses premiers succès commerciaux. Aujourd'hui je partage mon temps entre la gestion opérationnelle de la société et la prochaine levée de fonds prévue fin 2002.

JB - Comment peut-on présenter ActiVia Networks ? Vous éditez des logiciels pour permettre aux opérateurs IP de proposer des CDN à leurs clients ?

PL - Notre métier est de développer des produits logiciel et matériel pour des réseaux d'acheminement de contenus, « Content Delivery Networks » ou CDNs en anglais. Notre produit phare, le routeur de contenus A*Star est le résultat d'une intégration complète de nos logiciels sur un serveur Intel Linux. Le routeur A*Star fonctionne comme une boîte noire multifonctions, facile à installer et à gérer à distance, répondant ainsi mieux aux besoins de nos clients. Nous avons également développé un puissant outil de management, appelé Constellation Manager, pour gérer nos équipements et ceux nos partenaires fournisseurs de caches, tels que Network Appliance ou Blue Coat Systems, anciennement CacheFlow.

Notre marché est celui des entreprises, désireuses de s'équiper de réseaux d'acheminement de contenus sur leur Intranet (ce qu'on appelle ECDN). De telles solutions permettent de déployer de nouvelles applications multimedia tout en controlant l'utilisation de la bande passante. D'autre part, ActiVia équipe les opérateurs IP, qu'ils offrent principalement des services de réseau aux grandes entreprises ou des services d'accès à l'Internet.

JB - Pouvez vous présenter en détail votre gamme de logiciels ?

PL - La solution ActiVia Networks, qui s'appelle Constellation, est une véritable architecture CDN et se décline en trois versions, pour les Entreprises, pour les Opérateurs Entreprises et enfin pour les Opérateurs Internet. Les deux premières s'adressent au marché ECDN, la troisième au marché ICDN.

Constellation se compose d'une famille de Routeurs de contenus (A*Star et A*Comet), et d'une application de gestion Constellation Manager. Si les principes d'acheminement de contenus sur un réseau IP sont similaires entre l'Internet et les réseaux Intranet, il existe tout de même des fonctionnalités particulières à chacune des versions (par exemple dans le domaine de la sécurité - pour les entreprises - ou de l'exploitation - pour les opérateurs).

Les routeurs de contenus (A*Star, A*Comet) fournissent les fonctions de distribution de contenus, de redirection des utilisateurs vers les caches installés à la périphérie du réseau, tout ceci de façon dynamique et extrêmement performante.

Constellation Manager permet la configuration et la supervision des caches ainsi que des boitiers ActiVia. Cette application permet de définir de façon très fine les règles de distribution entre les sources de contenus et les caches distants. Constellation permet d'évoluer depuis une solution simple et intégrée de gestion des caches, jusqu'à une offre CDN complète, comprenant notamment la diffusion pro-active de contenus, le streaming « live » ou « on-demand », ou encore la gestion des réseaux multi-sources.

JB - Qui sont vos clients ? Les multinationales et opérateurs IP ?

PL - Nos solutions sont d'abord destinées aux opérateurs telecom qui servent les besoins réseaux des grandes entreprises, tels que AT&T, Cable&Wireless, BT, COLT ou Infonet. Nous avons récemment annoncé un contrat majeur avec Equant, la filiale de France Télécom. Equant, qui est un des principaux opérateurs mondiaux, a comme clients plus de 3000 entreprises multinationales. Au niveau régional et national, cela inclut les opérateurs historiques tel que ou Deutsche Telekom, mais également les opérateurs alternatifs tels que LDCOM ou Cegetel.

Même si notre offre est particulièrement bien adaptée aux besoins de ces opérateurs, nous pouvons également offrir une solution ECDN privée aux entreprises. Nous ciblons de ce fait surtout les plus grandes sociétés françaises, européennes et multinationales ou encore les administrations

La troisième cible de clients est constituée par les opérateurs Internet, parmi lesquels nous distinguons les opérateurs « backbone» tels que UUNet, et les fournisseurs d'accès Internet tels que Tiscali ou Wanadoo.

JB - Qui sont les clients de vos clients ? Les entreprises, les éditeurs de sites ?

PL - Pour les opérateurs «entreprises», ce sont clairement les grandes entreprises multi-sites, telles que les groupes industriels, les banques ou les grands groupes de distribution.

Les opérateurs Internet « backbone » vendent des services de diffusion de contenus aux fournisseurs de contenus, aux aggrégateurs de contenus, aux hébergeurs, ainsi qu'à certaines entreprises pour leurs portails à fort trafic.

Les opérateurs d'accès Internet ont un modèle qui est plutôt basé sur la revente d'abonnements aux utilisateurs, sur base d'une qualité de service haut débit. Ils ont aussi comme clients les fournisseurs de contenus multimédias régionaux, comme ou M6.

JB - Pourquoi ne disposez-vous pas, à l'image d'Akamaï, Digital Island ou Speedera de votre propre réseau ? Que pensez-vous des solutions de ou Network Appliance ?

PL - Le marché des fournisseurs de services ICDN que vous citez est en pleine évolution. Ni Akamai, ni Digital Island (Exodus depuis son rachat par Cable & Wireless), ne sont profitables. Les fondateurs d'ActiVia ont jugés qu'il serait beaucoup plus intéressant d'être un fournisseur de technologie qu'un nouvel opérateur, et de se mettre au service des opérateurs existants qui seront les nouveaux acteurs de ce marché.

Les clients d'ActiVia cherchent une solution performante mais ne nécessitant pas une intégration complexe, et dont les coûts d'investissement et de gestion soient optimaux. Pour servir les entreprises, la combinaison d'un réseau solide et performant (celui de l'opérateur telecom) et des services ECDN rendus possibles par ActiVia est une proposition très forte.

Les solutions de Cisco sont, à notre avis, de « première génération ». Elles sont le résultat de plusieurs acquisitions et, de ce fait, peu intégrées et sous-optimales. Contrairement à ActiVia, qui permet d'interopérer avec tout type de « Edge device », les produits CDN de Cisco ne fonctionnent qu'avec les caches Cisco.

Network Appliance est un partenaire important d'ActiVia. NetApp est leader du marché des caches avec 24% de part de marché au niveau mondial et même 32% en France. Leur offre « ECDN » est simple et adresse un certain nombre de besoins peu complexes. Notre valeur ajoutée est très importante, surtout pour les clients « opérateurs » et pour certains besoins complexes de grandes entreprises.

JB - Les faillites de KPN Qwest et Worldcom semblent démontrer les surcapacités des réseaux de données. Pourtant, les opérateurs continuent de facturer très cher à leurs clients la diffusion en streaming de fichiers audiovisuels, ce qui limite le développement du streaming gratuit, faute de rentabilité pour le diffuseur. Les CDN ou le multicast permettront-ils de sortir de ce cercle vicieux ?

PL - Je ne crois pas personnellement que le développement du streaming gratuit soit un objectif atteignable à court terme, et ce quelle que soit la technologie utilisée. Délivrer du streaming de qualité aux utilisateurs coûte de l'argent, et aucunetechnologie ne dispense les diffuseurs de contenus de mettre au point un business model rentable. Les CDNs créent une opportunité de développer enfin un business viable, plus que le multicast, qui ne s'applique que pour un certain type de contenus et pour un nombre limité de réseaux. A mon sens, les CDN tiendront et même dépasseront les promesses du multicast.

JB - A l'image de PressPlay ou MusicNet, les majors commencent à proposer des solutions de jukebox payants aux internautes. A nouveau, les CDN sont-ils la seule solution pour garantir aux internautes une qualité de service supérieure aux réseaux P2P pirates ?

PL - Les besoins de diffusion dans l'Internet sont multiples et peuvent bénéficier de différents types de technologie. Les technologies de P2P, conçues pour minimiser les coûts de diffusion, ne sauront vraisemblablement jamais délivrer du contenu en respectant des impératifs de qualité de service ou de sécurité. Les objectifs très différents des deux technologies leur permettent de coexister sur le marché et même éventuellement de se complémenter. Il est cependant clair que les majors ne réussiront leur mutation qu'avec des technologies pouvant offrir qualité de service et sécurité, des caractéristiques naturelles du CDN.

JB - Que pensez-vous du concept de la société Kontiki ? Peut-on s'appuyer sur les PC des internautes pour créer un CDN digne de ce nom ?

PL - L'avenir nous le dira, mais je pense que ces services s'apparentent plus au téléchargement de fichier qu'au streaming temps réel. Clairement, on pourra minimiser la facture payée par le fournisseur de contenu en faisant contribuer les Internautes. Mais la qualité de service que l'utilisateur final obtiendra sur de tels réseaux sera souvent bien inférieure à celle délivrée par une classique ferme de serveurs centralisée. Attendre plusieurs heures, voir plusieurs jours pour visualiser une video avec P2P et la voir immédiatement en temps réel avec un CDN représentent deux classes de service fondamentalement différentes.

JB - Avec l'interconnexion des réseaux locaux (WiFi), des réseaux personnels (Bluetooth) et de l'internet mobile (GPRS, UMTS), les réseaux sont-ils condamnés à devenir intelligents pour acheminer correctement les données?

PL - Le succès de l'Internet s'est construit sur sa capacité à interconnecter des réseaux de natures très différentes, dits hétérogènes. L'apparition de terminaux d'accès, eux aussi très différents les uns des autres, introduit un nouveau degré d'hétérogénéité qu'IP n'est pas capable de gérer seul. Il est ainsi fondamental d'introduire dans le réseau une certaine connaissance du contenu et des utilisateurs, une notion incarnée par des équipements réseaux intelligents comme les serveurs d'un CDN.
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