Live Japon : et l'ombre de l'iPhone 3G soudain apparut

07 juin 2008 à 09h45
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Voici comme chaque semaine un reportage réalisé par notre correspondante permanente au Japon, Karyn, qui, tour à tour, repère pour Clubic les innovations techniques nippones et décrypte les usages singuliers que font les Japonais des nouvelles technologies. Dépaysement garanti.

Juin, saison des pluies et premiers typhons, outre les caprices climatiques, le Japon a aussi subi ces derniers jours un déluge d'annonces dans le ciel des télécommunications mobiles. Traditionnellement, au printemps, les acteurs du secteur rivalisent en effet de shows pour présenter leur collection « été » de terminaux, les modèles qui sortent entre juin et septembre, accompagnés de nouveaux services censés doper les usages et revenus.

NTT Docomo a lancé la saison des défilés à la fin du mois de mai en dévoilant sa ligne « 906i », un ensemble de modèles tous « high-speed », c'est à dire compatibles avec la norme de troisième génération avancée (3,5G W-CDMA/HDSDPA). Il a aussi levé le voile sur les « 706i », des appareils un peu moins richement dotés mais au design encore plus léché.

Comme les précédentes gammes, la 906i est constituée de portables multifonctionnels qui répondent à un lot de spécifications précises édictées par NTT Docomo. Dans le cas présent, citons entre autres, la compatibilité avec des services de canaux audio et vidéo, la possibilité de poster des contenus volumineux sur des plates-formes de partage (jusqu'à 2Mo par envoi), le récepteur de télévision terrestre numérique mobile, l'antenne GPS, et diverses autres fonctionnalités haut de gamme en plus de la caméra, de la puce sans contact (porte-monnaie électronique, ticket de métro) et de tas d'autres gadgets. Le modèle de Sharp, 906iSH, numéro un des mobiles au Japon avec 25% de parts de marché, se distingue une fois de plus du lot, car c'est le plus complet.

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Contorsionniste (l'écran, tactile, peut venir se rabattre sur le large clavier pour regarder la TV ou des photos), cet appareil 3,5G va fait un malheur. Dans le même temps, NTT Docomo a dégainé une offre permettant à ses abonnés de téléphoner et surfer sur internet avec leur mobile à domicile, via une borne sans fil Wi-Fi connectée à la toile par ADSL ou fibre optique. « Pas nouveau », s'exclameront fièrement les mieux informés de ce qui se fait ailleurs qu'au Japon, mais, sur l'archipel, c'est une première, pour le grand public du moins. NTT Docomo va donc lancer ce mois-ci un terminal de troisième génération avancée (3,5G, norme W-CDMA/HSDPA) conçu par le fabricant nippon NEC, modèle également capable de s'accrocher à un réseau de type Wi-Fi domestique (ieee802.11 a/b/g).

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Les possesseurs de cet appareil (ou de produits similaires ultérieurs) pourront ainsi explorer les sites de contenus pour mobiles « i-mode » de chez eux et échanger des fichiers divers sans passer par le réseau cellulaire 3,5G. Le débit de réception des données sur le mobile pourra, de ce fait, en théorie, atteindre 54 mégabits par seconde (Mbit/s) contre 3,6 ou 7,2Mbit/s sur infrastructure 3,5G. Cette possibilité sera offerte aux utilisateurs ayant souscrit à une formule forfaitaire d'échange de données sans limite de volume et moyennant une option supplémentaire facturée 1.029 yens (6,3 euros) par mois. Par ailleurs, à domicile, l'abonné pourra téléphoner en utilisant également sa borne Wi-Fi, en mode « voix sur protocole internet » (VoIP).

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Les appels passés vers des destinataires utilisant le même système seront gratuits et les autres communications, vers des postes fixes et cellulaires, seront facturées 30% moins cher que le tarif normal 3G appliqué par Docomo. L'opérateur, filiale du géant NTT privatisé, a également fait l'article durant sa conférence de presse d'un vaste catalogue de vidéos s'ajoutant aux nombreux contenus multimédias mobiles déjà destinés à ses abonnés. Cette offensive s'inscrit dans le cadre de la stratégie récemment révisée de NTT Docomo, laquelle consiste à cajoler ses quelque 53 millions de clients (dont 44 millions d'abonnés 3G) au lieu de s'escrimer à en recruter plus au prix fort, alors même que le potentiel s'épuise.

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Son challenger KDDI, qui présentait pour sa part ses innovations cette semaine, a un peu déçu les connaisseurs lors de sa mise en scène devant une salle bourrée de plusieurs centaines de journalistes et analystes. Pas de fantaisies bluffantes en termes de design, le groupe semblant soudain en panne d'idées, à moins que les composants nécessaires pour la technologie sur laquelle il s'appuie, le CDMA 1x EvDo, ne brident ses margesde miniaturisation et d'intégration. KDDI envisage en tout cas d'en changer au profit du WCDMA/HSDPA/HSUPA. Heureusement, sur le plan des services, sa nouvelle offre estivale est un peu plus décoiffante.

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KDDI a ainsi imaginé avec la marque de vêtements et accessoires de sports Adidas un ensemble de nouvelles fonctionnalités pour les adeptes du jogging. Les terminaux compatibles, dont le petit et rigolo (mais peu pratique) Sportio de Toshiba ou le Gz One de Casio, servent d'entraîneur, de marqueur de tempo ainsi que de compteur de pas, de kilomètres et de calories. La présence d'un récepteur GPS dans le mobile permet aussi de suivre des parcours prédéfinis et de les partager avec des amis sur un site internet dédié. Dites, M. KDDI, pour vous distinguer un peu plus de Nike et Apple (déjà inspirateur de votre magasin de musiques et vidéos LISMO), ne pourriez-vous pas songer aussi à ceux qui, parmi vos 30 millions de clients mobiles, font du vélo à Tokyo? ... S'il oublie pour l'heure les cyclistes, le rival de NTT Docomo et Softbank, hier précurseur aujourd'hui un brin suiveur, continue en revanche de bichonner sa clientèle fétiche: les dépensières jeunes nippones aux petits soins pour leur personne. Déjà adeptes des séances de shopping de fringues via des sites internet pour téléphone mobile, ces minettes, qui se comptent par millions, vont prochainement pouvoir essayer virtuellement des lignes vestimentaires et tester une nouvelle coupe de cheveux sans risques, grâce à une simulation visuelle sur l'écran de leur sacro-saint terminal.

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KDDI, va lancer fin juin un outil qui permettra en effet d'assortir des tenues en écumant les catalogues en ligne et de voir sur l'écran de son téléphone ce que cela rend sur soi. Pour cela, l'utilisatrice sera invitée à faire son choix parmi des pantalons, jupes, chemisiers et autres pièces proposées par diverses marques partenaires du concept. Elle pourra ainsi constituer des ensembles sur une représentation de mannequin, puis coller sa trombine au-dessus en envoyant la photo de son visage par e-mail mobile. Si le résultat lui sied, il ne lui restera plus qu'à passer à la caisse ou à se rendre dans une boutique ayant pignon sur rue, auquel cas le téléphone la guidera automatiquement par localisation GPS jusqu'au point de vente le plus proche. Il sera de la même façon possible de tester virtuellement diverses coupes de cheveux élaborées par des coiffeurs associés au service, et de suivre ensuite le guide vocal du téléphone pour aller dans un salon, de préférence celui d'où est originaire le modèle. KDDI et ses partenaires vont également enrôler des starlettes du show-biz pour conseiller ces demoiselles qui rêvent de ressembler trait pour trait et de pied en cape à leurs idoles. Le service sera facturé 157 yens (environ 95 centimes d'euro) par mois et nécessitera l'emploi d'un récent terminal de troisième génération avancée de KDDI.

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Troisième grand au Japon, Softbank n'a pas cassé la baraque lors de la présentation de son florilège d'été quelques heures après KDDI, mais il avait fait fort il y a peu et s'est carrément bien rattrapé le lendemain par le biais d'un simple communiqué de deux lignes. Il a en effet annoncé soudainement, sans signe annonciateur récent, qu'il allait ajouter à son éventail de produits le terminal iPhone d'Apple au Japon d'ici la fin de l'année. « Nous avons signé un accord avec Apple pour commercialiser l'iPhone sur le territoire japonais courant 2008 », a indiqué, sans plus de détails, Softbank Mobile, victorieux acquéreur en 2006 des activités de télécommunications cellulaires japonaises du malheureux groupe britannique Vodafone, incapable d'imposer sa marque dans l'archipel.

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Softbank Mobile, qui compte 18,8 millions d'abonnés (17% du marché), n'a pas précisé s'il avait obtenu ou non l'exclusivité de la mise en vente très attendue de l'iPhone au Japon, mais il a quand même coupé l'herbe sous le pied de Docomo. Impossible toutefois de décrocher le moindre complément d'information auprès d'un responsable de Softbank contacté par téléphone dans la foulée.

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Cependant, dans tous les cas, il s'agira d'une nouvelle version de l'iPhone, le modèle actuel de ce populaire objet en Occident n'étant pas compatible avec les réseaux japonais. De plus, les opérateurs nippons ne proposant plus que des terminaux de troisième génération (3G), voire plus avancés encore (3,5G), l'iPhone qui sera vendu dans l'Archipel par Softbank devra être compatible avec la norme 3G de son réseau, W-CDMA. Il devrait même être WCDMA-HSDPA. Le PDG d'Apple nous en dira plus bientôt.

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Interrogé depuis des mois à plusieurs reprises sur la nature des négociations conduites avec Apple (un secret de polichinelle), le patron de Softbank, Masayoshi Son, s'est toujours refusé au moindre commentaire. L'homme, un brin filou et pourtant bavard, a donc réussi le tour de force de tenir une conférence de presse avec force mise en scène de plus deux heures la veille de l'annonce massue, sans en toucher mot, même si le contrat était peut-être déjà signé.

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Jusqu'à ce mercredi, le même mutisme était constaté chez son adversaire et numéro un des télécommunications mobiles japonais NTT Docomo, dont le patron (aujourd'hui sur le départ), Masao Nakamura, avait rencontré son homologue d'Apple, Steve Jobs, il y a quelques mois. Sans doute secoué par le succinct communiqué de Softbank, Docomo jure qu'il n'est pas KO. « Nous allons continuer d'analyser les performances commerciales de l'iPhone », a déclaré mercredi un porte-parole de ce pionnier du secteur qui contrôle près de 50% de parts du marché mobile nippon. « Notre stratégie demeure la même: concevoir et offrir des produits innovants, dont certains peuvent être proches de l'iPhone », a-t-il ajouté. NTT Docomo ne considère donc pas que le lancement de l'iPhone au Japon par son concurrent Softbank ait ruiné ses chances d'en faire autant. « Nous ne pensons pas que la probabilité que nous proposions l'iPhone soit devenue nulle », a prévenu le porte-parole.

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Bien que les rares téléphones portables d'origine étrangère jusqu'à présent vendus au Japon aient presque tous été des « flops », l'iPhone d'Apple pourrait faire exception, selon les diverses études conduites auprès du public. Son grand écran tactile, son look, sa finition et son ergonomie sont en effet a priori en phase avec les goûts des Nippons, lesquels sont de surcroît ultra-sensibles aux marques. Les patrons de Louis Vuitton en savent quelque chose. Cependant, l'ampleur du succès de l'iPhone au pays du Soleil-Levant dépendra largement de la richesse des services auxquels il donnera accès et de l'étendue des fonctions, par comparaison avec les ultra-sophistiqués mobiles actuellement proposés par les fabricants nippons ( Sharp, NEC, Matsushita/Panasonic, Fujitsu, Sony-Ericsson, Sanyo, Toshiba ou encore Casio et Kyocera) en situation de monopole de facto.

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Masayoshi Son, le richissime, rusé et un tantinet « bling bling » patron de Softbank, prouve en tout cas une fois de plus qu'il est un habile négociateur. Habitué à parler affaires avec des businessmen fortes-têtes, son entregent et sa vision séduisante de l'évolution des télécommunications lui permettent d'obtenir des concessions auprès d'interlocuteurs pourtant rompus à ce type de tractations commerciales. Il importe ainsi au Japon des marques au service de la sienne et ponctionne sa dîme au passage. Mister Son n'en est pas à son premier coup de maître. Il a ainsi déjà arraché au gros magnat australo-américain Rupert Murdoch, à la tête du conglomérat de médias News Corp, la gestion de la plate-forme « Myspace » en version japonaise. Il est de même le premier actionnaire de « Yahoo! Japan » et celui qui récupère les bénéfices générés par ce portail et moteur de recherches qui devance Google sur archipel.

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Comme Softbank trouve le marché japonais trop petit pour son appétit, il s'est associé récemment au britannique Vodafone et au chinois China Mobile pour développer ensemble des services, terminaux, infrastructures de distribution de contenus et autres offres. « Nos trois groupes regroupés totalisent près de 700 millions d'abonnés dans le monde (plus de 250 millions pour Vodafone, quelque 400 millions pour China Mobile et 19 millions chez Softbank) », souligne-t-il, non sans ajouter immédiatement: « d'ici cinq ans, à nous trois, nous aurons un milliard de clients ». Un argument de poids qu'il ne se prive assurément pas de faire valoir auprès de tout ceux qui discutent le bout de gras avec lui (fabricants de terminaux et fournisseurs de services, contenus ou technologies).

Il en use aussi à profusion auprès des journalistes et analystes financiers auxquels il offre au passage quelques jolies filles en maillot de bain se déhanchant sur la scène, lors de ses interminables et théâtrales conférences de presse. Mais qu'a donc promis en échange à Apple ce numéro 3 au Japon pour que ce dernier lui accorde l'iPhone alors que, jusqu'à présent, la marque à la pomme ne s'est offerte qu'aux leaders des télécoms en leur pays ?
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