Depuis 2019, ce pays mène l’une des plus vastes opérations antipiratage au monde. Son nom, Operation 404, évoque volontairement l’erreur qui signale un site introuvable. Et pour cause : des milliers de domaines disparaissent régulièrement des écrans brésiliens. Officiellement, un peu plus de 3 000 sites pirates ont été bloqués en six ans. Officieusement, c’est une tout autre histoire.

Mais, derrière la communication officielle se cache un dispositif bien plus massif au Brésil. Une liste noire secrète qui recenserait aujourd’hui plus de 30 000 domaines bloqués dans le pays. Un volume qui dépasse largement le cadre d’Operation 404… et soulève de vraies questions sur la transparence du système.
Offre partenaire
Proton VPN propose un large choix de serveurs dans plus de 115 pays vous permettant d'accéder à vos émissions et films en 4K, sans mise en mémoire tampon, ralentissement ni limitation.
Offre partenaire
Une opération spectaculaire… mais qui ne dit pas tout
Chaque nouvelle phase d’Operation 404 est annoncée comme une offensive d’envergure : mandats de perquisition, arrestations, démantèlement d’applications illégales, blocages en cascade. La dernière en date, baptisée 404.8, a ajouté 535 sites et une application de streaming à la liste des services interdits.
Mais un élément intrigue : malgré six ans de coopérations internationales avec des entités comme l’ACE, la MPA, la Premier League, LaLiga, l’IFPI, et même les autorités américaines, aucune liste publique des sites bloqués n’a jamais été publiée. Les autorités brésiliennes refusent de révéler les noms de domaines visés, les décisions de justice concernées, ou les critères de sélection, il est donc impossible de vérifier l’efficacité réelle des blocages ou leur légitimité.
Pendant ce temps, certains services ciblés depuis le début, parmi lesquels comptent des noms bien connus des internautes, continuent de réapparaître sous de nouveaux domaines. Plus de 360 d’entre eux auraient été bloqués au fil des années. Aucun n’a pourtant fait l’objet d’une communication nominative.
Le Brésil, laboratoire mondial d’un blocage opaque
Le plus surprenant reste la disproportion entre les chiffres annoncés par l’opération (3 000 domaines) et la liste noire nationale, gérée en coulisses avec les FAI du pays. Cette dernière dépasse aujourd’hui 30 000 entrées, mélangeant sites pirates et plateformes de jeux d’argent en ligne. L’ampleur du dispositif soulève deux questions majeures, à savoir qui décide vraiment de ce qui doit être bloqué, et surtout, selon quels critères ?
Même les observateurs internationaux commencent à s’interroger. Lors de la phase 404.8, les États-Unis, pourtant impliqués directement depuis le début d'Operation 404, ont choisi de ne plus participer activement. Le Département de la Justice (DoJ) et le Département du Commerce sont venus… en simples observateurs, officiellement pour « comprendre la méthodologie brésilienne ».
Un modèle qui inspire… ou qui inquiète ?
Le Brésil est devenu un cas école pour les gouvernements qui cherchent à renforcer leur lutte contre le piratage. Entre les blocages DNS/IP massifs, la coopération policière internationale, la suppression de contenus sur les réseaux sociaux, ou encore l'assèchement des financements, la politique antipiratage menée dans le pays suscite l'engouement des autorités étrangères… et la crainte des défenseurs de la neutralité du Web.
Mais l’absence de transparence et l’impossibilité de contrôler la liste noire posent un véritable problème démocratique. D’autant qu’un blocage technique n’est jamais neutre : il peut déborder, toucher un site légitime, ou être utilisé dans d’autres contextes.
Operation 404 reste une offensive spectaculaire. Pourtant, en coulisses, c’est surtout son architecture secrète de 30 000 sites interdits qui redessine le paysage du blocage Internet au Brésil — et peut-être bientôt ailleurs.
Source : Torrent Freak