Le Parlement européen vote le DSA, le nouveau réglement tant redouté par les géants du numérique

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, chargé de l'actu.
Publié le 20 janvier 2022 à 19h15
Roberta Metsola, nouvelle présidente du Parlement européen (© European Union 2022 - Source : EP)
Roberta Metsola, nouvelle présidente du Parlement européen (© European Union 2022 - Source : EP)

Les députés européens se sont mis d'accord, jeudi, sur le projet de régulation des géants du numérique, en votant à une très large majorité le Digital Services Act, ou DSA.

Après le Conseil de l'Union européenne, fin novembre, le Parlement européen a, à son tour, adopté sans grande difficulté l'ensemble des mesures visant à lutter contre les contenus illégaux et à responsabiliser les plateformes dans la modération de leurs contenus – mesures rassemblées sous le Digital Services Act (DSA). Désormais, la France, qui préside le Conseil de l'UE, dispose d'un boulevard pour négocier avec les États membres, dernière étape avant l'application du texte, censé être finalisé avant la fin du mois d'avril, pour une entrée en vigueur au plus tard prévue pour la fin 2023.

Une modération des contenus, avec un mécanisme de notification obligatoire

Jeudi 20 janvier, les eurodéputés ont donné leur feu vert à l'ouverture des négociations autour du DSA avec les États membres. C'est à une large majorité (530 voix pour, 70 contre et 80 abstentions) que le rapport sur ce projet de loi européenne a été voté, donnant ainsi mandat au Conseil de l'Union européenne. Ce dernier est présidé par une France qui encourage grandement l'adoption de ce projet réglementaire visant à faire basculer la zone vers un Internet meilleur, et qui peut désormais plus librement négocier avec les États membres, comme nous le disions plus tôt.

La première des grandes missions de ce DSA, c'est d'agir directement sur la modération des contenus. Autrement dit, le texte a pour ambition de supprimer les contenus illicites et de prévenir la désinformation. Il vient définir de façon très précise les responsabilités et les obligations des plateformes en ligne, comme les réseaux et médias sociaux, que tout le monde connaît, et les marketplaces. Ces dernières devront d'ailleurs vérifier l'identité des commerçants vendeurs.

Les plateformes concernées devront mettre en place une procédure, un mécanisme de notification et d'action, permettant de retirer au plus vite tout produit, service ou contenu qui puisse être illicite. Les fournisseurs de services d'hébergement devront ensuite faire suivre d'effet ces revendications, « sans retard excessif, en tenant compte du type de contenu illégal notifié et de l'urgence d'agir », précise le règlement, qui impose aussi un traitement non arbitraire et non discriminatoire de ces notifications, en respectant avant tout la liberté d'expression.

De nouvelles obligations imposées par le Parlement

Les plus grandes plateformes en ligne seront, elles, soumises à des obligations plus spécifiques, notamment du fait de l'impact que peut avoir une diffusion rapide et massive de contenus préjudiciables et illicites. D'une part, le DSA entend renforcer la lutte contre les contenus préjudiciables mais aussi celle contre la propagation des fausses informations, par la mise en place de dispositifs et mesures d'atténuation des risques, ou des audits indépendants.

Attention tout de même, car le DSA validé par le Parlement européen a subi certaines modifications par rapport à la version adoubée par le Conseil de l'UE. Par exemple, les petites et micro entreprises seront exemptées de certaines obligations découlant du texte.

Mais surtout, le rapport des utilisateurs aux grandes plateformes va quelque peu changer. Certains pourront notamment se retourner contre les services numériques qui ne respectent pas leurs obligations et pourront ainsi demander un dédommagement, à l'aide de voies de recours dédiées. De même, la publicité ciblée devra être encore plus transparente et éclairée, ce qui veut dire que les destinataires des services en ligne devront plus facilement savoir comment leurs données sont monétisées. Le refus du consentement à la collecte de données devra être encore plus facile pour les utilisateurs, au moins autant que l'acceptation (ce qui nous fait logiquement penser aux cookies walls). Le refus du consentement ne devra pas empêcher les internautes d'accéder à une plateforme. Celle-ci devra proposer un mode de publicité sans suivi.

Mozilla, partisan de la vie privée, salue la démarche de l'UE

Après le vote du Parlement européen, Owen Bennett, Senior Policy Manager chez Mozilla, a salué « un pas de plus vers un meilleur Internet », indiquant que ce vote « a défini une vision pour traiter de manière significative les préjudices » que des acteurs comme Mozilla et ses alliés disent subir avec les grandes entreprises technologiques.

« Nous sommes heureux de voir que le Parlement donne aux chercheurs et aux organismes de surveillance ce dont ils ont besoin pour identifier les préjudices cachés, notamment en ce qui concerne la publicité en ligne. Nous pensons que l’avenir de cette dernière doit être plus respectueux de la vie privée, plus transparent et donner plus de contrôle aux individus. Le DSA ne résout pas tout, mais c’est une étape majeure dans la construction d’un écosystème publicitaire plus sain. »

Mozilla voit avec le DSA une occasion unique, pour l'Union européenne, de pousser les géants du numérique vers une voie plus vertueuse.

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, chargé de l'actu

Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !

A découvrir en vidéo

Commentaires (0)
Rejoignez la communauté Clubic
Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.
Commentaires (10)
Bilbo

Un outil qui pourrait vite devenir liberticide car qui va décider de « prévenir la désinformation » sur quels critères et sous quelle autorité ? Petit à petit on ne pourra plus rien reprocher au parti communiste Chinois …

nicgrover

La chasse aux « lanceur d’alerte » est ouverte…

Seules les informations d’état seront recevables… Qu’on se le dise…

zeebix

Peut être regarder ce qu’il se passe chez nous avant de s’intéresser voir s’immiscer dans la politique d’un autre pays sinon ? Quels peuple prétentieux que de penser que nous avons la solution à tout…

Anne-Onyman

Réfléchissons à l’échelle d’un pays :
Finalement la Chine est en passe de devenir (ou est déjà?) la première puissance mondiale.
Donc, il semblerait que :

  • jeter en prison des opposants politiques,
  • priver les citoyens de leur libertés individuelles,
  • museler les mouvements de contestations,
  • géolocaliser les citoyens
    soient certe contestables d’un point de vue individuel mais hautement profitable à l’échelle d’un pays (:
    Donc oublions les libertés individuelles et devenons riches à la place !
    (A prendre au 2nd degré hein :wink:
Gweegoo

Avant internet, il y avait les journaux et ce type de pb n’existait pas. Et je ne me souviens pas que l’on se plaignait du manque d’information. On peut en déduire que la modération des contenus était donc effectuée au niveau du journaliste ou du journal.
Aujourd’hui, l’internet offre un haut parleur à n’importe qui, anonymement, pour dire n’importe quoi. Je n’y vois pas un liberticide au contraire. C’est peut-être la disparition d’une forme de chaos.
Ceux qui sont inquiets de ne plus savoir ce qui se passe en Chine ou autre, devraient se demander d’où ils ont reçu l’information en premier lieu (et la décision du parlement français ce jour concernant les ouïgours). Je ne pense pas que la validité de cette information venait d’un réseau social.
Ce qui va clairement disparaître est la possibilité de dire n’importe quoi ou tout ce qui passe par une tête qui a le temps pour cela, au reste du monde. Perso, ça me convient!

norwy

Bravo à l’UE ! On va pouvoir améliorer ce qui doit l’être sans contraintes et sans blocages intempestifs par les réfractaires et profiteurs de service…

Arkan

Les gens sont devenus irrationnels.
Quand on leur dit que l’information est régulée en toute opacité par des entreprises privées sur lesquelles ils n’ont aucun pouvoir et dont l’unique objectif est de s’enrichir encore plus, ils trouvent ça normal.

Quand on leur dit que l’information est « régulée » en toute transparence par des organismes indépendants et communautaires et dont la latitude des prérogatives est fixée par l’état démocratique qu’ils ont pouvoir de sanctionner par une élection et dont l’unique objectif n’est pas de s’enrichir mais la stabilité démocratique, ils lèvent leurs boucliers.

J’ai envie de dire, vous vous trompez de combat, et surtout barrez vous dans les pays que vous adulez.

raymond_raymond

Mozilla partisan de la vie privée fallait oser quand même, Mozilla utilise le DNS over HTTPS en passant par les serveurs Cloudflare en gros par défaut au niveau navigateur vos requêtes DNS sont enregistrés dans les logs d’un prestataire externe, et les logs DNS c’est open bar niveau vie privée même si Cloudflare prétend collecter le moins d’info possible pour une durée de 24h, il faut trifouiller un peu pour désactiver ce système mais ce n’est pas Mme Michu qui va s’en soucier, niveau vie privée on a vu bien mieux.

Ensuite faut arrêter de croire que la France à la tête du conseil de l’union Européenne va décider de tout et c’est Macron qui va dicter ces lois, croire ça c’est avoir une bien piètre connaissance du fonctionnement de cette institution, rappelons juste qu’il y a 2 autres pays en ce moment même à la tête de ce conseil avec la France, en réalité ce conseil n’a absolument aucun pouvoir et Macron encore moins.

Et pour finir je suis entièrement d’accord avec nicgrover « La chasse aux « lanceur d’alerte » est ouverte… Seules les informations d’état seront recevables… Qu’on se le dise… » mais ça fait bien longtemps que je le répète et qu’on me censure.

arbor111

Oscar Wilde disait « Si vous voulez voir le vrai visage de quelqu’un, donnez lui un masque ». Les réseaux sociaux ont fait fortune grâce à des utilisateurs qui trouvaient plus amusant de s’appeler Toto28 que Patrick Durand. Mais on est très loin de Myspace, Geocities, etc. Aujourd’hui les réseaux sociaux sont devenus plus riches que certains états, il informent, vendent, influencent, imposent… Je trouve normal qu’ils doivent rendre des comptes. On ne peut plus vivre dans un monde où quelques multinationales s’empifrent de fric en piillant l’intimité des gens, sans vraies contreparties. Il est temps que Facebook, Google, Twitter… cessent d’utiliser la vie privée des gens en mode open bar.

Aristote76

Trop tard mais bon ça vaut mieux que de ne rien faire. Reste à voir les belles intentions et la réalité dans les fait.