Portrait : Zéro-Gâchis veut enrayer le gaspillage alimentaire

06 juin 2013 à 15h58
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Plutôt que de jeter les denrées bientôt périmées, les grandes surfaces sont invitées à les référencer sur Zéro-Gâchis. La start-up bretonne propose une plateforme listant les enseignes et les produits. L'objectif est de créer un nouveau pont entre les consommateurs et les distributeurs.

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Paul-Adrien Menez, Zéro-Gâchis
À elles quatre, ces saucisses fumées proches de leur date limite de consommation ne pèsent que 360 grammes. Si l'on ajoute ce pot de 400 grammes de rillettes du Mans au demeurant fort appétissant, mais qui périmera demain, ainsi que tous les produits fermentescibles vendus par la grande distribution, ce sont 750 000 tonnes de denrées qui sont jetées chaque année en France. Un gaspillage que veulent limiter Paul-Adrien Menez, son frère Christophe, et Nicolas Pieuchot, leur ami d'enfance.

L'idée naît fin 2011 quand Paul-Adrien est encore étudiant à l'ENIB, une école d'ingénieur à Brest. « J'avais un budget alimentation serré et quand je faisais mes courses, je tombais parfois sur des produits à prix réduit, mais qu'il fallait consommer dans les trois jours », se souvient-il. Pas de problème. « Je faisais mes courses tous les deux jours donc cela me convenait. Par contre mon frère passait devant trois magasins chaque jour mais ne trouvait jamais celui qui appliquait des démarques, il fallait faire quelque chose ».

La start-up s'appellerait Zéro-Gâchis. Le constat est qu'il faut gérer de la meilleure manière les stocks d'invendus et limiter le gaspillage actuel. Il existe déjà des ristournes pour attirer les clients vers les produits en fin de vie mais il faut se trouver au bon endroit au bon moment pour en profiter. Une fois son frère revenu des États-Unis et son ami rentré des Pays-Bas, Paul-Adrien Menez fédère l'équipe qui formalise ses idées et sort un site Web mi-2012, « une interface entre la grande distrib et le client ».

Aussi louable soit leur projet, séduire les géants de la distribution n'allait pas être simple. « Au début, on nous a répondu "C'est quoi ces étudiants qui veulent voir le PDG ?" » se rappelle Paul-Adrien. Avant de parler de clients, Zéro-Gâchis doit trouver des partenaires pilotes afin d'éprouver le service. Ce qu'il fait. Le site réunit le Carrefour et le Super U de Brest, le centre E. Leclerc de Landerneau et l'Intermarché de Plabennec. Précisons que les trois entrepreneurs, comme Michel-Edouard Leclerc, viennent du Finistère.

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Finalement, si les grandes enseignes avaient voulu organiser la distribution des produits proches de la péremption, pourquoi ne l'auraient-elles pas fait avant ? En fait, ces produits sont jetés pour ne pas être vendus à prix coûtant et partant, maintenir les prix avec une marge conséquente. Quel accueil allaient-elles réserver à Zéro-Gâchis ? « Certaines sont curieuses, d'autres sont conscientes du problème, elles ont déjà bricolé une solution en interne mais sans plus », explique le cofondateur.

La proposition de valeur des entrepreneurs lorsqu'ils vont voir ces grands groupes est de leur dire que leur plateforme leur offrira une nouvelle fenêtre pour communiquer sur leurs produits mais aussi sur leur action écologique. Ils les caressent dans le sens du poil. En plus, ils s'occupent de tout. Zéro-Gâchis a développé sa technologie pour recueillir la liste des produits, qu'elle promet de déployer en dix jours. Pas facile d'ailleurs. Il faut sans cesse s'adapter car les systèmes d'information changent selon les groupes.

À terme, les enseignent paieront un forfait corrélé à leur surface. Zéro-Gâchis ne gagne donc pas encore d'argent. La start-up avait commencé à lever des fonds, 500 000 euros, mais est finalement revenue sur cette option en intégrant l'accélérateur parisien Le Camping en mars 2013. Une expérience qu'apprécie Paul-Adrien Menez. « Avant on bossait sans vraies interactions mais là on est douze équipes au même niveau cherchant un marché, un pricing, la qualité d'échanges est énorme », assure-t-il.

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Cette phase d'accélération a fait mûrir le projet en très peu de temps, trois mois, grâce à une équipe de mentors spécialisés. S'il ne regrette son aventure à aucun instant, Paul-Adrien confie quand même qu'il ne pensait pas qu'entreprendre pouvait être si compliqué. « Je savais que ça prenait du temps, mais pas cent heures par semaines », sourit-il. La cohésion de l'équipe y est pour beaucoup : « On déconseille souvent de ne pas monter de boîte avec sa famille ou ses amis, mais chez nous c'est l'éclate. »

Ce paramètre est en fait une vraie caractéristique de leur entreprise. « On travaille tous les jours ensemble, et on dort ensemble dans le même appartement. On a fait pire : un été on est partis trois mois en collocation, on a bossé 18 heures par jours tous les jours, on dormait ensemble », s'amuse-t-il. Fusionnels ? Autre chose : Paul-Adrien cultive l'esprit entrepreneurial depuis des année. À 15 ans, il a monté un site pour importer des produits de poker des États-Unis... Un projet qui n'a pas fait de petits.

Dans le milieu de l'entrepreneuriat, il avoue être surpris par l'esprit d'entre-aide. Même si le milieu réserve parfois d'autres surprises : « Un jour dans une négociation, on croise un ancien pote de promo, il nous fait patienter une heure sans chaise pour dire au final qu'il n'a pas besoin de Zéro-Gâchis car il gère bien ses stocks. Le PDG arrive et dit que notre projet c'est de la merde et qu'on a que dix secondes...

Finalement, l'équipe réussit à le convaincre. « Après nous avoir écoutés, le dirigeant nous a demandé où il fallait signer, se plaignant d'une palette de yaourts en attente que le fameux camarade de promo n'avait pas su gérer », se remémore Paul-Adrien.
 » Si d'autres se laissent convaincre, la start-up pourrait amasser une grande quantité de données sur les clients, et constituer un actif intéressant.
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