F.Mahieu, BlackBerry : "le smartphone grand public n'existe pas"

Guillaume Belfiore
Lead Software Chronicler
26 septembre 2014 à 07h53
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En présentant son BlackBerry Passport cette semaine, le constructeur canadien a véritablement positionné ce dernier sur le marché professionnel. La société, qui a précédemment tenté d'attirer les consommateurs, recentre ainsi sa stratégie sur le monde de l'entreprise. Interrogé par nos soins à Londres, François Mahieu, vice-président du département Produits chez BlackBerry a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions.

Avec le BlackBerry Passport vous ciblez vraiment les professionnels ?

François Mahieu : Oui pour moi la notion de smartphone grand public n'existe pas. Connaissez-vous un seul utilisateur qui dirait : "je ne veux pas d'un produit professionnel"?

Mais il y a plein de consommateurs qui souhaitent simplement pouvoir jouer ou surfer sur le Web mais pas forcément dans un usage professionnel. Tout le monde ne souhaite pas l'intégration de services spécifiques à l'entreprise.

F.M : BlackBerry cible avant tout les utilisateurs professionnels mais n'est pas fermé à l'homme ou à la femme qui veut passe un moment à jouer. C'est pour cela que nous avons annoncé notre partenariat avec Amazon pour leur app store.

Le BlackBerry Passport n'est pas un produit pour tout le monde. Nous sommes très à l'aise avec ça. Ca peut être un deuxième produit, ce n'est pas forcément le produit du weekend mais nous pensons qu'il y a vraiment un marché pour ces produits ultra-productifs.

Donc pour être clair, BlackBerry arrête les smartphones grand public ?

F.M : Je ne sais pas ce qu'est un smartphone grand public.

OK donc l'iPhone cible les professionnels ?

F.M : C'est une approche marketing différente. Un iPhone n'est pas pro par excellence. L'autonomie de la batterie est mauvaise. La résolution de l'écran n'est pas terrible. La solution en tant que telle n'est pas multitâche. On ne peut pas faire plusieurs choses en parallèle. En revanche il est plus dimensionné pour les applications de type jeux. C'est un produit très bien distribué, très bien marketé, les couleurs sont attrayantes etc. De ce point de vue là c'est un magnifique produit, mais il n'est pas designé pour les pros.

Mon métier c'est de faire des produits pour les pros. Ceux qui, dans au moins 50% des cas, utilisent leur téléphone dans un cadre professionnel.

Qui a fabriqué le Passport ? C'est Foxconn ?

F.M : Non en fait ce produit-là est développé quasi entièrement par BlackBerry. L'ensemble du design et l'architecture intrinsèque ont été réalisés chez nous. Il est produit par une société à Taïwan qui s'appelle WeStrong, un autre de nos partenaires. Foxconn prend de plus en plus de poids mais ils n'ont pas fait celui-là.

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Pensez-vous que BlackBerry ait besoin d'Amazon App Shop ?

F.M : BlackBerry est une plateforme sur laquelle les services sont très utilisés. BlackBerry World avait de très très loin le taux d'usage et d'achat le plus élevé pour les applications. Les développeurs qui ont conçu leurs applications pour BlackBerry 10 n'ont pas perdu au change puisque leur monétisation était en fait meilleure, en proportion du nombre d'utilisateurs.

Par contre je suis d'accord pour dire que la plateforme n'a pas eu le succès escompté en terme de volume. Les produits sortis l'année dernière ne se sont pas vendus comme nous l'aurions souhaité.

D'eux-mêmes les développeurs se sont rendus compte que la plateforme ne leur donnait pas la visibilité qu'ils souhaitaient comme celles plus orientées vers le grand public.

Nous avons encore énormément de partenaires qui vont rester sur BlackBerry World que ce soit LinkedIn, SAP ou Bloomberg.

Quand Thorsten Heins était PDG, il souhaitait positionner BlackBerry en troisième place. Microsoft lui a volé cette oportunité. Quels sont les objectifs aujourd'hui ?

F.M : Nous n'avons pas chiffré cet objectif là parce que ce n'est pas un but en soit. Notre objectif c'est d'être numéro 1 sur l'entreprise et la mobilité. Nous sommes déjà numéro 1 sur toutes les solutions de serveurs. BES est le premier réseau sécurisé dans le monde. Les trois concurrents combinés représentent la moitié que ce que nous avons.

Et au regard du poids écrasant de Samsung, n'y a t-il pas une vraie concurrence avec Knox face à BlackBerry Balance ?

F.M : Ce n'est pas une grosse menace. Comme vous vous en doutez nous avons regardé de près ce qui ce passe avec Samsung. Personnellement je ne me positionne pas comme quelqu'un qui critique la concurrence. Je pense qu'il y a beaucoup plus à écouter. Mais sans vouloir être provocant, ce que j'attends, c'est de voir quels grands comptes en France choisiront Knox pour la sécurité. Et ensuite on en reparlera.

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Déjà Google a choisi Knox par défaut dans la prochaine version d'Android...

F.M : Oui voilà, parce que c'est une solution très grand public. Donc ce n'est pas le niveau de sécurité que BlackBerry offre. Mais c'est très bien. Il faut comprendre que nous ne sommes pas sur le même marché. Nous sommes sur le marché de la sécurité garantie. les 7 premiers ministres du G8 ont un BlackBerry. Je pense que Knox a fait des avancées importantes en terme de sécurité mais c'est ce que j'appelle de la sécurité grand public.

C'est marrant de voir à quel point la sécurité et la vie privée ont changé. On l'a encore récemment vu avec Apple. Ca devient colossal. Il y a 3 ou 4 ans personne ne parlait de ces sujets-là. Nous-mêmes nous avions probablement fait l'erreur de la mettre en veilleuse.

Les gens nous disent : "il y a de la compétition " et nous leur répondons : " bah oui enfin, il n'y en a pas eu pendant 15 ans". Nous sommes là depuis des années. Et nous pensons être très en avance.

On entend beaucoup parler de BlackBerry sur le sujet des objets connectés. Mais vous avez quitté le marché plus porteur des tablettes. Comptez-vous y revenir ?

F.M : Il n'est pas du tout impossible qu'un jour BlackBerry revienne aux tablettes. Aujourd'hui ce n'est pas à l'ordre du jour. Mais c'est tout à fait probable.

Pour nous, c'est plus une question d'outil. On n'est pas braqué sur le smartphone. Nous regardons l'outil professionnel en général. Et l'on se demande quel sera celui de demain.

Si l'on nous dit : "c'est un marché porteur et en plus BlackBerry a une certaine expérience". Je répondrais : "avec plaisir". Nous n'avons pas de plan à court terme mais la porte est complètement ouverte.

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Aujourd'hui, Google, Apple, Microsoft, tous les principaux fournisseurs de systèmes mobiles, voire de smartphones ont une panoplie de services Internet. A quand une offre similaire chez BlackBerry ?

F.M : Nous n'avons pas encore trouvé la valeur ajoutée que l'on amènerait à ça. Nous ne sommes pas religieux sur le sujet. Nous avons par exemple Dropbox qui peut venir se greffer sur le smartphone.

Aujourd'hui tout le monde à son cloud. J'ai même vu un fournisseur de télévisions qui développait son cloud et je me disais : "Mon dieu pourquoi est-ce que je mettrais mes données chez eux quand je les ai déjà chez Microsoft, chez Google..."

En revanche nous avons formulé beaucoup d'annonces sur l'Internet of Things basé sur QNX. Nous avons lancé un projet la-dessus qui va bourgeonner et qui ira dans le sens que vous entendez.

Pour nous il ne s'agit pas simplement d'offrir un cloud mais de lier nos activités pour donner une valeur ajoutée. Aujourd'hui 9 voitures sur 10 sont basées sur QNX.

Avez-vous une part de marché à communiquer aujourd'hui ?

F.M : Pas spécialement, d'autres le font bien mieux que nous comme IDC ou Gartner. Notre part de marché est faible, c'est bien au-dessous de 10%. Nous ne sommes plus vraiment concentrés dessus. Nous avons des objectifs raisonnables.

La différence avec les autres, c'est que nous pensons pouvoir gagner bien notre vie en commercialisant des terminaux de manière raisonnable.

Demain nous serions contents de gagner quelques points de marché mais aussi d'avoir une clientèle entreprise satisfaite plutôt que de dire : "j'ai 8 ou 12% mais j'ai perdu 2 milliards de dollars".

Avec la présence de l'Amazon App Shop sur BlackBerry 10.3, vous prenez désormais officiellement en charge les applications Android. Toutefois vous n'êtes pas partenaires de Google. De quelle manière pouvez-vous alors communiquer sur cette compatibilité ?

F.M : Ca a ses limites, on peut marketer une partie. Aujourd'hui on parle et on communique mais vous n'avez jamais entendu Google crier au scandale. Toutefois, il est vrai que cela nous limite un peu.

Cela fait partie des choses qu'il faudra expliquer à nos partenaires et aux clients de ces derniers, par exemple si un client d'Orange pose une question sur le nombre d'applications disponibles sur BlackBerry.

Je vous remercie.
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