Entreprendre comporte un risque, des écueils, et c'est normal

17 avril 2014 à 18h30
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Parler en public de sa vie d'entrepreneur, des difficultés et échecs qu'elle comporte, a de quoi intimider. Mais les enseignements à en tirer peuvent être précieux. C'est la démarche de la FailCon.

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L'échec n'est pas le sujet sur lequel les entrepreneurs s'épanchent le plus, en tout cas pas en public et encore moins auprès des médias. Afin de délier les langues et partager des retours d'expériences riches en enseignements, était organisée la version française de la FailCon, ce matin dans les locaux du ministère des Finances. Objectif : dédramatiser l'échec et désamorcer les erreurs récurrentes.

Réunis autour de la table, plusieurs entrepreneurs : Xavier Zeitoun, fondateur de la plateforme Web pour restaurateurs 1001 menus, Boris Golden, créateur de l'application de chasse de tête, Pealk, (rachetée par Viadeo), Edouard de la Jonquière, à la tête du service de veille sociale Mention. Et Alexandre Delivet, qui a, lui, fermé son site dédié au tourisme TripXP en 2013.

Connaître un premier échec

Pour lui, « l'échec n'est pas grave si l'on ne reproduit pas ses erreurs par la suite ». Parmi les fautes à ne pas refaire, il évoque le fait de vouloir faire plusieurs choses à la fois en travaillant sur des projets - pour lui, ce fut un concept de lavage de voitures géolocalisé (LemonWash) et un interphone connecté (CleverDoor).

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Autre problème : ne pas avoir regardé les chiffres avec assez de sérieux. « Pour réaliser 1 million d'euros de chiffre d'affaires par exemple, nous aurions dû réaliser un volume d'affaires de 8,3 millions, car nous prenions 12% de commission, soit sur une base de 100 euros de panier moyen, ce qui est au-delà de ce que nous faisions, soit 83 000 ventes par an. Quand on sait que ce marché est très saisonnier et qu'il n'y a presque pas de récurrence d'achats, on s'aperçoit que le challenge est énorme », confie l'entrepreneur.

Dernier point noir : ne pas s'être aventuré hors de sa « zone de confort ». Le défi de TripXp était de réussir à bâtir une communauté d'hôtes et de clients, afin de proposer plus de locaux pour les activités touristiques. Alexandre Delivet se rappelle avoir été « plus à l'aise à travailler sur le produit » et à fréquenter ses « camarades startupers ». Suite à cela, il a voulu réfléchir à un autre projet.

Un premier échec, même total, n'est pas forcément signe d'abandon. Boris Golden, diplômé de l'ENS et de Polytechnique, se souvient de son premier projet, un échec cuisant. « Tout était mauvais, le modèle économique, le produit, l'acquisition client... Je me suis dit que j'avais commis toutes mes erreurs dans ce premier projet, duquel j'avais beaucoup appris, et que je ne les referais plus dans le second », explique-t-il.

Tout n'est pas si grave

D'ailleurs Boris Golden tient à relativiser la notion d'échec : « Pour certaines entreprises, ne pas entrer en bourse est un échec, alors que d'autres se contentent de compter le nombre de nouveaux membres sur leur service - ce qui est au passage inutile, car seul le nombre d'utilisateurs actifs compte. » Xavier Zeitoun, de 1001 Menus, a lui aussi rencontré tout un tas de difficultés, inhérentes à la démarche de l'entrepreneur.

« Nous avions lancé notre plateforme pour les restaurateurs, nous étions convaincus qu'elle répondait à un besoin et donc nous pensions qu'ils allaient finir par affluer », se rappelle l'entrepreneur. « Ce que nous n'avions pas compris, c'est qu'il fallait en réalité démarcher chaque restaurateur, armés d'un iPad afin de leur expliquer notre produit, ce qu'il leur apporterait et tenter de les convaincre », explique Xavier Zeitoun.

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L'acquisition de nouveaux utilisateurs afin d'atteindre une taille critique est l'un des principaux écueils rencontrés par les entrepreneurs du Web, observe la co-organisatrice de la FailCon Paris, Roxanne Varza. Un constat que partage Edouard de la Jonquière, de Mention : « Nous avons ajouté plein de nouvelles fonctions à notre produit, croyant qu'elles étaient attendues par nos futurs utilisateurs, mais ça n'était pas ça.» « On croit parfois que les gens ont besoin de notre appli mais beaucoup sont inutiles », souligne Boris Golden.

Savoir « pivoter » au bon moment

Stéphanie Pélaprat a fondé Restopolitan en 2006, un service de réservation de restaurants. Pendant quatre ans, tous les indicateurs semblaient être au vert : de gros clients, comme Relais Châteaux ou Les 4 Saisons, une levée de fonds de 2 millions d'euros auprès des sept plus gros business angels français, une couverture médiatique conséquente... « La vérité était différente et au fond, je le savais », affirme l'entrepreneuse.

« Recevoir des fonds sans véritable modèle économique, cela ne sert à rien, quant aux articles de presse et la valorisation qu'ils peuvent générer, dans cette situation, on se sent imposteur », confie-t-elle. Consciente que l'affaire ne tournait pas rond, la patronne de Restopolitan a engagé de meilleurs commerciaux, ajouté de nouvelles fonctions et diversifié l'offre, « mais le problème de fond restait entier et il fallait changer ».

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A la fin 2012, la start-up était au bord de la banqueroute. C'est à ce moment Stéphanie Pélaprat a décidé d'entamer un pivot. « Il fallait sortir un produit physique, répondre à une attente des restaurateurs, sans prendre de commission, et ne pas imposer de restrictions pour garder la fluidité de l'expérience utilisateur ». C'est ainsi que Restopolitan s'est transformé en carte de membre offrant un repas à chaque réservation. Côté B2B, la société édite un logiciel de gestion des réservations, des flux en salle et de la clientèle.

« Nous avons mis huit semaines pour réaliser notre pivot, qui comprenait un nouveau site Web, une nouvelle offre et le fait de trouver de nouveaux restaurateurs », explique la fondatrice. Les six semaines suivantes furent « bizarres », se souvient-elle. « Je mélangeais un sentiment d'excitation et de pression vis-à-vis des créanciers, et une sorte de culpabilité à l'égard de l'équipe », affirme-t-elle encore. Trois ans après, Restopolitan est passé de 7 à 40 salariés et s'attend à faire 4 millions d'euros de recettes.

« Lorsqu'on sent que quelque chose ne va pas dans son entreprise, on se trompe rarement et cela devient une évidence. Il faut écouter son intuition », conseille Stéphanie Pélaprat. « Lorsqu'on a de mauvais retours, que le produit ne répond pas aux attentes, alors il ne faut pas ajouter d'artifices. Il faut revenir aux bases avec un produit, un prix, et aller sur le marché », conseille-t-elle. « Mais le plus dur est de savoir quand. »


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Mieux connaître les médias

Gagner en notoriété lorsqu'on a créé une start-up est parfois, même souvent, compliqué. Les réseaux sociaux facilitent la tâche mais dur de se faire remarquer dans la foule. Quant au sacro-saint buzz, il est plus rare qu'on ne le croit. Un autre levier existe : les médias. A condition de savoir s'y prendre. Voici les erreurs à éviter selon Robin Wauters, ancien de TechCrunch et fondateur de Tech.eu :

  • Essayer de gagner en notoriété à tout prix avant de bâtir une relation de confiance avec le journaliste. « Il faut comprendre ce qu'il aime écrire et sa façon de travailler avant de le contacter », conseille-t-il. Le mieux est de défricher le terrain en demandant au journaliste s'il préfère être contacté par e-mail ou téléphone.

  • Utiliser avec excès les « buzz-words », ces mots à la mode qui ne veulent rien dire. Robin Wauters préfère des entrepreneurs concrets, qui évoquent des faits et des chiffres, avec une argumentation solide. Mais attention, prévient-il, « ne mentez pas sur les chiffres et ne vous laissez pas emporter par le marketing ! »

  • Ne pas fournir d'angle, car « les journalistes ont beaucoup d'informations différentes à ingérer chaque jour et il faut être capable de présenter son projet de façon claire et percutante pour qu'il le comprenne. Dans un e-mail, soyez concis mais complets afin de ne pas lui faire perdre son temps », recommande le spécialiste.

  • Déléguer ses relations presse à une agence, au début en tout cas. Robin Wauters estime qu'un entrepreneur est le mieux placé pour porter son projet et le décrire. Pour lui, « il très important, surtout lorsqu'on démarre, de se faire connaître. Et si on ne sait pas comment faire, eh bien on apprend ».

Pour résumer les trois axes essentiels préconisés par Robin Wauters, une start-up a tout intérêt, et c'est la base, construire quelque chose d'intéressant et susceptible de susciter l'intérêt du média contacté, maîtriser les bases du story-telling afin de savoir en parler, et adapter son discours à la ligne éditoriale du média, et enfin comprendre comment ces médias fonctionnent, afin de bâtir une relation solide.
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