Les "Shazam du e-commerce" sont-ils un simple effet de mode ?

19 septembre 2014 à 17h34
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La reconnaissance d'image dans le e-commerce pourrait devenir un nouveau mode de consommation. Testée dans l'univers de la mode, cette technique commence à faire ses preuves, et a d'autres atouts.

Un nouveau mode de consommation est en train d'émerger, et il a commencé par le secteur de la mode. En France, des sociétés comme Moodstocks (Overlay), Zoomdle ou Wheretoget ont appliqué la logique de Shazam aux vêtements. Au lieu de reconnaître un morceau de musique en tendant son smartphone, l'idée est ici de photographier un t-shirt, un pantalon ou un chapeau et, en un clic, de l'ajouter au panier... Les promesses sont multiples, et variables selon l'approche. Tour d'horizon de trois solutions françaises.

Zoomdle transforme la pub en canal de vente

Il est préférable qu'une idée d'entreprise naisse d'un réel besoin. C'est ce qu'a constaté Philippe Journo en observant sa femme vouloir acheter un sac repéré dans un magazine. Ne connaissant pas de boutique où se le procurer, elle n'avait pas non plus la référence lui permettant de l'acheter en ligne. L'homme décide alors de répondre à ce problème par une entreprise, dont il confie la direction générale à Axel Canus. Zoomdle voit le jour en avril. Sa cible : la presse féminine, une cible plus encline à acheter de cette façon selon lui.




Aujourd'hui, les lectrices de Biba, Vital ou bien Grazia peuvent déclencher un achat en flashant un produit dans ces magazines à l'aide de leur smartphone. Pour que la mécanique fonctionne, il faut qu'un journaliste ait choisi les photos qui seront photographiables, et partagé cette base de données à Zoomdle. De son côté, la start-up se charge de précommander les marchandises, car elle gère aussi la partie distribution. Lorsqu'un flash est déclenché via l'application dédiée, la fiche produit apparaît. Il ne lui reste plus qu'à choisir la taille, la quantité et la couleur, puis de régler. Cette mécanique d'achat aurait plusieurs vertus.

Avantage induit pour les éditeurs de presse : la possibilité de relever leurs tarifs publicitaires. Comment ? « Avant, les publicités en magazine, et même les 4x3 dans le métro, n'avaient vocation qu'à faire connaître une marque et un produit. Or, maintenant, notre technologie ouvre une nouvelle voie. Nous pouvons transformer ces publicités, et par extension les magazines papier, en vrais canaux de vente », poursuit-il.

Mais ça n'est pas tout. Car pour la première fois, Zoomdle permet aux annonceurs de mesurer leurs campagnes papier : le nombre de photos prises par produit, le temps passé sur la fiche produit, le taux de transformation... Autant d'éléments nouveaux dans la publicité papier qui vont permettre aux éditeurs de mieux valoriser leurs inventaires et, aux annonceurs, d'affiner leurs campagnes et de mesurer leur retour sur investissement. Après avoir « testé le marché » dans la mode, Zoomdle s'ouvrira à d'autres secteurs...

Overlay veut « tout rendre cliquable »

Lorsque nous rencontrions Denis Brulé pour la saison 1 de Clubic Valley, il comptait sur une communauté de 2 000 développeurs pour utiliser sa technologie de reconnaissance d'image dans plusieurs industries (vente, expositions, publicité...). En deux ans, ce chiffre est passé à 7 000 si bien que le fondateur de Moodstocks ne sait plus trop quels usages en font toutes ces personnes. Si la technologie de Moodstocks a séduit des enseignes comme Kiabi, Monoprix, Castorama, But ou Casino, elle a aussi donné naissance à Overlay.




Le positionnement est proche de celui de Zoomdle, la partie logistique en mois. Cette application cible également la mode, mais aussi la décoration. Il est ainsi possible pour un prospect de feuilleter un catalogue Ikea et, via l'application dédiée, de photographier un produit, de l'ajouter au panier, et de régler.

A la différence de l'application susmentionnée, et comme il n'a pas de contraintes de stock, Overlay s'adresse à toutes les pages d'un catalogue, et pas aux produits sélectionnés d'un magazine. Denis Brulé promet un taux de conversion jusqu'à trois fois supérieur aux magazines « déconnectés ». Evoluant de concert avec le développement du mobile commerce, cette cinématique d'achat pourrait en profiter et se banaliser.

L'ambition d'Overlay est d'étendre cette logique au-delà sur smartphone - l'application est en test sur les Google Glass. « L'idée est de pouvoir acheter tout ce qu'on a devant soi », espère le fondateur. La seule limite, pour l'instant, est de pouvoir reconnaître des vêtements ou des objets dans la vraie vie. Kiabi a communiqué cette année une expérience menée avec les lunettes de Google. L'heure reste aux tests.

Wheretoget mise sur la communauté

Une alternative à l'approche technique existe : la communauté. C'est ce que propose Wheretoget, auteur d'une levée de fonds de 2 millions de dollars en mai dernier. Des dollars, car la start-up française opère essentiellement aux Etats-Unis, et un peu au Royaume-Uni et en Australie. Officiant dans le secteur de la mode, la société avait plus de chances de démarrer vite dans ces pays, estime le PDG, Romain Moyne.




L'argument semble imparable. « Dans le domaine de la mode, ce qui compte c'est le petit détail que seul l'œil humain et expert peut vraiment percevoir, comme la coupe d'une tenue », argue le fondateur. Sur cette plateforme, quasi-exclusivement utilisée par des femmes de 15 à 25 ans, les utilisatrices publient des photos sur lesquelles elles ont repéré un habit, des chaussures ou un accessoire qui leur plaît. Pour savoir dans quelle boutique l'acheter, elles partagent leur photo à la communauté. Experte, elle finit en principe par trouver.

Avec plus d'un million d'inscrits et deux millions de visiteurs uniques, Wheretoget est finalement davantage utilisée pour identifier des clichés glanés ailleurs sur Internet, principalement sur Instagram, Pinterest et Tumblr - cela représente 95% des photos. Pour que la mécanique fonctionne, la communauté d'experts doit être réactive. Et pour cela, rien de tel que des concours et un classement des meilleures prescriptrices. Les plus efficaces reçoivent un bon de réduction à valoir dans une boutique partenaire avec Wheretoget.

Pour le millier de sites e-commerce partenaire, l'intérêt est de recevoir une clientèle qualifiée, qui sait ce qu'elle veut. Le deuxième atout est de profiter d'une communauté d'ambassadrices, des expertes capables de reconnaître les vêtements « car elles connaissent des catalogues par cœur », a constaté Romain Moyne.

Un vrai mode de consommation ?

En 2013, les revenus de la musique enregistrée ont été de 15 milliards de dollars dans le monde. La même année, 20% des Américains utilisaient Shazam et 30 à 40% des Français et des Britanniques. Alors, quelle part du gâteau a pu capter l'application de reconnaissance musicale ? Environ 300 millions de dollars. Ce ratio permet de comprendre que malgré sa pénétration plutôt forte et son efficacité, Shazam n'a pas fait basculer l'industrie de la musique - dont le chiffre d'affaires a d'ailleurs continué de glisser, de 4%, sur l'année.




Overlay, Wheretoget ou Zoomdle, pour ne citer les français, auxquels nous pourrions ajouter Slyce et Asap54, ont pour autant une carte à jouer. Associées au paiement en un clic sur mobile (et pourquoi pas à Apple Pay), ces technologies abattent toutes les barrières entre une publicité et sa commande - ajoutons la livraison le même jour pour avoir une idée de l'extrême petite taille que finirait par avoir le « tunnel de conversion ».

A priori, ces applications rendent service à toute la chaîne : le consommateur, devenu exigeant depuis qu'il commande sur Internet, accède à sa demande sur le champ, l'annonceur génère des ventes additionnelles et peut capitaliser sur les achats compulsifs et l'éditeur redonne de la valeur à ses inventaires. Ces applications doivent maintenant réussir à sortir du cercle de la mode. Et montrer qu'elles ne sont pas qu'une mode.


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