Gérard BRAUN, Sénateur : "La faiblesse française ne réside pas dans ses services administratifs en l

26 juillet 2004 à 00h00
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Sénateur des Vosges (Lorraine) apparenté UMP, M. BRAUN estime qu'il est grand temps de se concentrer sur les objectifs et les performances de l'action publique.

AB - Monsieur BRAUN, bonjour. Suite à une mission de contrôle budgétaire sur l'e-administration au service du citoyen, vous avez récemment présenté les conclusions de vos travaux devant la commission des finances du Sénat. Vous estimez, dans ce cadre, que "tout est mis en œuvre pour que les libertés publiques, placées sous la surveillance de la CNIL, soient préservées." Pensez-vous que la nouvelle loi informatique et libertés permette encore à la CNIL d'assurer ce rôle ?

GB - Ce texte prévoit de distinguer les régimes des formalités préalables en fonction de la dangerosité des traitements, que ces traitements soient mis en œuvre par des personnes morales de droit public ou de droit privé.

Ainsi, il doit être mis fin au régime dissymétrique d'autorisation préalable pour les fichiers publics, et de déclaration pour les fichiers privés, prévu par la loi de 1978 "informatique et libertés".

La déclaration préalable à la CNIL devient la formalité préalable de droit commun, avec en contrepartie un renforcement des pouvoirs d'investigation et de sanction de la Commission. Seule la dangerosité justifie un régime d'autorisation préalable par la CNIL.

Si le champ des autorisations pour le secteur public tend ainsi à se réduire, ce qui a pu alarmer quelques observateurs, il faut surtout retenir que certaines catégories de traitements privés seront mieux appréhendées.

Actuellement, la protection des personnes repose principalement sur l'exercice de leurs droits d'accès, d'opposition et de rectification, dont la portée pratique est limitée. Or, le nouveau texte prévoit certaines améliorations des droits des personnes qui n'ont rien de théorique.

Vous pouvez retenir l'élargissement de la protection des informations nominatives aux données à caractère personnel, l'inclusion des données de santé parmi les données dites "sensibles" dont le traitement est en principe interdit, l'information obligatoire en cas de collecte indirecte des données traitées, et la suppression de l'exigence d'une raison légitime pour exercer le droit d'opposition, qui devient donc discrétionnaire.

Par ailleurs, sans polémique inutile, il faut se féliciter de l'initiative de mon collègue Sénateur et Président de la CNIL, Alex TURK, de permettre la nomination d'un "correspondant aux données" de la Commission pour les données à caractère personnel, au sein des entreprises, des associations et des collectivités locales.

Ce choix dispensera de la déclaration préalable, ce qui a fait couler beaucoup d'encre, alors qu'il s'agit finalement de substituer un véritable contrôle interne à une formalité, en réalité, peu opérante.

AB - Revenons à l'administration électronique française, bien que celle-ci ait rapidement progressé, vous déplorez "que la recherche des gains de productivité résultant des avancées de l'e-administration ne constitue pas encore l'axe majeur de la stratégie de réduction des dépenses publiques." Quels leviers peuvent être utilisés pour favoriser cette dynamique ?

GB - La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ("LOLF"), est porteuse d'une logique de performance, qui devrait privilégier cette dynamique, surtout en synergie avec les "stratégies ministérielles de réforme", qui ont été, par ailleurs, récemment mises en place.

Désormais, nous allons nous intéresser aux objectifs de l'action publique et non plus seulement aux moyens qui y sont consacrés. Lors de la présentation des lois de finances, les ministères gestionnaires produiront en annexe un "projet annuel de performance" pour chaque programme.

Ce projet annuel comprendra, selon les termes de la LOLF "la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié". Au projet de loi de règlement sera joint un "rapport annuel de performance" qui permettra de confronter les résultats aux objectifs.

Par ailleurs, il conviendra sans doute d'identifier précisément "l'effort de la nation pour la diffusion des TIC dans l'administration".

Mais au delà des instruments, je pense que les esprits sont murs, aujourd'hui, pour accueillir un discours privilégiant l'efficacité et les restructurations dans un contexte généralisé de diminution des dépenses et des effectifs publics.

En particulier, la diminution du nombre de fonctionnaires pourra s'effectuer "en douceur" compte tenu de l'importance du nombre de départs en retraite qui auront lieu au cours des dix prochaines années.

AB - Vous pensez que "le chiffrage gouvernemental des économies à attendre du programme ADELE (administration électronique 2004-2007) est sous-évalué". Quelle est votre estimation concernant cette sous-évaluation ?

GB - D'après les informations communiquées par le Gouvernement, les gains de productivité observés en France et à l'étranger sur les projets d'administration électronique dépassent le plus souvent les 25 à 30 %.

Le Gouvernement a retenu une "approche réaliste de 7 à 10% de gains de productivité", ce taux s'appliquant aux dépenses de fonctionnement courant de l'État, soit environ 7 milliards d'euros à partir de 2007.

J'en déduis que le chiffrage gouvernemental est probablement sous-évalué dans une mesure correspondant à un facteur compris entre 2,5 et 4. Cette prudence est évidemment louable, mais elle est peut-être excessive.

De mon point de vue, le gouvernement pourrait arguer davantage des économies attendues pour étayer l'excellente qualité de sa programmation.

AB - Le Conseil général de la Moselle (Lorraine) a décidé la mise en œuvre "d'une artère fédératrice départementale à très haut débit". La diffusion de l'accès haut débit à Internet dans les Vosges, département lorrain que vous représentez au Sénat, bénéficie-t-elle d'un engagement similaire des pouvoirs publics ?

GB - En effet, tout doit être mis en œuvre pour favoriser l'accès de l'ensemble du territoire au haut débit, pour mettre fin à ce qu'il est convenu d'appeler la "fracture numérique".

En matière d'administration électronique, la grande faiblesse française ne réside pas dans la qualité et les performances des services administratifs en ligne, qui ont fait de gros progrès ces dernières années, et pour lesquelles des objectifs très ambitieux ont été fixés dans le cadre du programme "ADELE".

Le gros problème, c'est la diffusion insuffisante d'Internet, qui est une des plus faibles au sein des pays développés !

Du reste, cette opposition fait de la France le pays le plus caractéristique d'une situation qualifiée de "niche" par le cabinet Accenture, avec un taux de pénétration d'Internet relativement faible (30%) et un taux de pénétration de l'administration électronique relativement fort (85%) parmi les utilisateurs d'Internet.

Concernant les Vosges, une étude a été engagée depuis mars dernier à ce sujet sous l'égide du Conseil général. Les conclusions seront connues en septembre prochain.

Mais d'ores et déjà, on peut évoquer schématiquement la stratégie qui pourrait être retenue, à savoir la mise en place d'une grosse artère fédératrice départementale à très haut débit - à l'image de ce qui est engagé en Moselle - avec une irrigation des principales villes et bourgs vosgiens et des capillarités vers les plus petites communes.

Les décisions définitives ne sont pas encore prises, mais elles le seront rapidement désormais.

AB - Sénateur BRAUN, merci pour votre intervention.
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