La réalité virtuelle est-elle mûre pour le jeu vidéo ?

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Oculus Rift, HTC Vive, Projet Morpheus, OSVR... les casques de réalité virtuelle destinés à être utilisés sur ordinateurs ou sur consoles se dévoilent de plus en plus ces derniers mois, et ont généralement pour objectif d'investir le marché courant 2016. Mais y a-t-il de quoi être réellement emballé ? C'est là toute la question.

En l'espace de quelques semaines, les annonces se sont multipliées concernant les casques de réalité virtuelle d'Oculus VR, HTC et Valve, Razer ou encore Sony. Comme si, peu de temps avant l'E3, qui s'est tenu en juin dernier, une certaine urgence de communication était apparue chez ces différents acteurs d'un secteur balbutiant. Durant l'E3, Oculus VR a présenté la version quasi-définitive de son Rift, dont l'arrivée sur le marché est prévue pour la première moitié de 2016. Sony, de son côté, a réservé une grande partie de son stand à Morpheus, annonçant au passage un titre multijoueur PS4 qui accompagnera le casque à son lancement l'année prochaine. Quant à HTC, il a permis au public d'approcher pour la première fois le Vive, conçu en partenariat avec Valve, à l'occasion de la Gamescom 2015. Enfin, Razer présentait à l'IFA son OSVR, un casque open-source dont l'arrivée sur le marché est prévue pour octobre.

Si ces entreprises se différencient sur bien des points, leurs ambitions sont les mêmes : démontrer le potentiel de leurs casques respectifs, et motiver les joueurs - entre autres - à lâcher quelques centaines d'euros dès leur arrivée sur le marché. Et comme souvent, les arguments sont certes en grande partie techniques, mais pas seulement.

Les performances en question

On peut commencer par évoquer les spécifications techniques des différents casques : on sait notamment que l'Oculus Rift et le HTC Vive pourront afficher une définition de 1200 x 1080 pixels pour chaque œil. Du côté de Sony et du Morpheus, la définition sera quant à elle limitée à du 960 x 1080 pixels par œil. Dans tous les cas, on se retrouve face à des écrans OLED.

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Le HTC Vive, testé debout dans une pièce noire à la Gamescom.

HTC et Oculus souhaitent proposer une image à débit constant d'environ 90 fps. Il faudra disposer d'un ordinateur suffisamment musclé pour gérer un tel framerate. Du côté de Sony, on affiche également de grandes ambitions : alors que la plupart des jeux proposés sur PS4 ne vont pas au-delà de 30 fps à l'heure actuelle, le constructeur compte pousser le Morpheus pour obtenir un framerate de 120 fps et un taux de rafraîchissement de 120 hz. Les premiers essais du casque en question ne montent cependant pas aussi haut et Sony admet avoir encore beaucoup de travail pour arriver à maintenir de telles performances.

Les chanceux qui ont pu essayer les différentes déclinaisons de l'Oculus Rift auront clairement constaté une évolution notable en termes de fluidité et de visibilité des pixels. Les efforts effectués sont évidents et la version finale du Rift, couplée à une configuration matérielle conseillée par le constructeur, devrait offrir une expérience satisfaisante. Du côté d'HTC, si le Vive présente de nombreuses qualités, le recul est un peu moins évident tant le challenger est arrivé en fanfare avec un prototype déjà bien abouti. Bien que les pixels restent encore légèrement visibles sur l'écran du Vive, il n'a pas grand-chose à envier au Rift en termes de première expérience.

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La version finale de l'Oculus Rift, exposée à l'E3.

En ce qui concerne Morpheus, il y a de quoi être un peu plus perplexe en matière de performances. Si notre expérience du casque a été réjouissante à l'E3, c'est plus en raison d'un gameplay immersif, que pour les performances concrètes du casque. Sony affiche de grandes ambitions mais va devoir encore travailler sur la fluidité de l'image notamment, pour ne pas coller de maux de crâne aux joueurs.

L'OSVR Dev Kit Hacker v1.3 de Razer est quant à lui doté d'un écran OLED de 5,5 pouces affichant une définition Full HD et un taux de rafraîchissement de 120 hz. Le casque peut être démonté pour accueillir un smartphone en lieu et place de son écran intégré. Il dispose de lentilles ajustables pour s'adapter à la vue d'un porteur de lunettes, qui doit donc quitter ses binocles pour l'utiliser. Notre essai lors de l'IFA n'a pas été spécialement concluant sur ce point.

Maîtrise et contrôles

On en a longtemps peu parlé, et pourtant, les manettes et autres contrôleurs proposés en marge des casques sont d'une grande importance pour renforcer l'immersion. Un constat d'autant plus vrai lorsqu'on se retrouve avec ces contrôleurs dédiés dans les mains, après plusieurs essais réalisés à la manette.

En juin dernier, Oculus VR a levé le voile sur les contrôleurs qui accompagneront l'Oculus Rift à sa sortie. Il s'agit de deux manettes dotées d'un stick, d'une gâchette et d'un bouton. Des accessoires qui rappellent la Wiimote, ou encore le PS Move. Il sera possible d'utiliser une manette classique pour jouer, mais l'immersion est clairement plus prononcée avec un contrôleur dans chaque main, offrant au joueur un prolongement quasi-naturel de ses membres.

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Un essai du Morpheus avec des PS Move à l'E3.

C'est d'ailleurs ce type d'expérience que proposait Sony à l'E3 à travers une démo jouable à l'aide de deux PS Move. Ceux-ci représentaient les mains du personnage dans le jeu, jouable à la première personne. Si le joueur n'a pas le contrôle de ses dix doigts virtuels, il peut néanmoins se repérer, saisir des objets avec un bouton et les utiliser en appuyant sur la gâchette. Furieusement efficace, et rapidement immersif. Nous avons pu nous rendre compte du décalage lorsque nous avons, ensuite, basculé sur EVE : Valkyrie, qui se joue quant à lui uniquement à la manette. L'expérience n'est pas du tout la même.

Avec le Vive, HTC pousse encore un peu plus l'expérience : là aussi, on dispose de deux contrôleurs, chacun doté d'un pavé tactile, d'un bouton et d'une gâchette. Mais à cela s'ajoutent également deux capteurs à installer dans les coins de la pièce où le casque est utilisé, dans l'optique de situer précisément le joueur dans l'espace. Effectivement, à l'essai, on sent la différence. Mais l'inconvénient principal, c'est que l'utilisateur devra s'assurer d'avoir un espace peu encombré et suffisamment grand pour pouvoir profiter pleinement de l'installation.

Du côté de l'OSVR, notre essai s'est fait à la manette sur PC. Pour l'heure, il n'y a pas de dispositif de commande proposé par Razer, mais la firme insiste sur un point important : son projet est open source, et tout reste donc à faire. Les développeurs et concepteurs sont donc libres de s'approprier le casque pour le compléter ou renforcer l'expérience d'immersion.

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De gauche à droite, les contrôleurs de l'Oculus Rift, du Morpheus et du HTC Vive.

De l'importance du catalogue

Si la qualité d'image et le potentiel d'immersion sont des éléments particulièrement importants, la question du contenu l'est tout autant, voire davantage. Et là encore, les trois principaux concurrents de 2016 ont chacun leur manière de présenter la situation, et de se différencier.

Les catalogues d'Oculus Rift, OSVR et HTC Vive ne devraient pas être très différents l'les uns des autres : en effet, les trois casques visent le support PC. Alors que HTC a un partenariat poussé avec Valve, qui travaille également sur le casque, les premiers modèles d'Oculus destinés aux développeurs affichent déjà une compatibilité avec de nombreux jeux proposés sur Steam. Enfin, Razer nous a confirmé que les jeux compatibles Oculus le seront aussi avec l'OSVR. C'est donc l'assurance d'avoir, dans les trois cas, du contenu à se mettre sous la dent par ce biais.

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Star Citizen, un projet ambitieux prenant en charge d'Oculus Rift.

Mais Valve n'est pas le seul acteur à s'investir pour la réalité virtuelle sur PC : Microsoft a annoncé lors de sa conférence de l'E3 son intention de soutenir le développement de cette technologie à travers Windows 10. Et l'entreprise de confirmer des partenariats avec HTC et Oculus VR à quelques semaines d'intervalle.


Il faut néanmoins souligner que les développeurs qui ont décidé de se lancer ouvertement dans l'aventure de la réalité virtuelle sont encore rares. Bien que l'Islandais CCP Games travaille sur deux titres entièrement dédiés à une expérience VR - EVE Valkyrie pour Oculus et Morpheus, et Gunjack pour le Samsung Gear VR -, rares sont les démarches similaires du côté des autres studios imposants. On peut citer Crytek qui fait actuellement le tour des salons avec ses démos techniques, impressionnantes certes, mais relativement creuses. On peut malgré tout compter sur de nombreux développeurs indépendants qui permettent d'expérimenter les casques à travers du contenu proche de la démo, ou bien des jeux de type FPS qui s'adaptent relativement bien à l'expérience VR - on pense à des titres comme Slender, par exemple. Ubisoft, de son côté, présentait une version de Track Mania compatible avec le Morpheus à la Gamescom, mais rien de bien convaincant.


Des projets encore timides

Dans tous les cas, il faut bien l'avouer : malgré des expériences souvent immersives et parfois impressionnantes, difficile de mettre aujourd'hui le doigt sur un jeu qui pourrait motiver l'achat d'un tel casque en 2016. Sony a officialisé un jeu multijoueur pour Morpheus, nommé Rigs, mais bien qu'il soit développé par Guerrilla Games (qui planche aussi sur Horizon Zero Dawn) on peine encore un peu à en cerner le potentiel. No Man's Sky, le jeu d'exploration spatiale développé par Hello Games pour la PS4, pourrait également disposer d'une compatibilité avec Morpheus. Le jeu semble immense, cependant, il reste encore relativement abstrait.


De fait, à défaut de se mettre sous la dent des jeux concrètement conçus pour la VR lors des essais - ceux-ci se focalisent sur des démos ou des adaptations plus ou moins heureuses de titres déjà existants dans un usage standard -, il s'avère finalement compliqué de se faire une véritable idée. Quand bien même les performances des casques des contrôleurs sont de plus en plus fines au fur et à mesure que les prototypes défilent, l'intérêt est aujourd'hui plus proche du fameux effet « Waouh » que d'une réelle nécessité d'achat pour profiter d'un jeu en particulier.

Et même sur les modèles déjà disponibles actuellement, on se rend compte que l'arrivée d'un titre important tarde. Le casque Gear VR de Samsung est l'exemple le plus probant : l'appareil nécessite l'usage d'un Galaxy Note 4 pour être utilisé. Le smartphone, sous Android, est capable de faire tourner tous les gros jeux proposés sur la plateforme... mais lorsqu'on regarde le catalogue proposé par Samsung, on trouve assez peu de titres susceptibles de pousser à l'achat uniquement pour jouer. L'entreprise coréenne parvient, certes, à séduire des studios comme CCP Games, mais ces derniers se retrouvent confrontés à certaines limites techniques malgré leur savoir-faire. Testé durant la Gamescom, Gunjack nous a laissé perplexes, notamment en raison d'un gameplay très simpliste qui oblige à garder constamment le doigt posé sur la surface tactile du Gear VR. On s'en lasse très vite et on redoute la crampe.

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Une claque qui se fait attendre

La technique s'avère convaincante dans la plupart des camps, mais le contenu, beaucoup moins. Si la réalité virtuelle sera probablement la nouveauté tendance en 2016 dans le domaine du jeu vidéo, elle va devoir affûter ses arguments pour inciter l'utilisateur à investir. D'autant que, pour ce qui est des modèles à utiliser sur ordinateur, il faudra disposer d'une machine capable de délivrer les performances nécessaires à l'utilisation de cette technologie.

On ne doute pas que les studios qui travaillent sur des jeux dédiés ou compatibles sont nombreux, mais ce n'est vraisemblablement pas en 2015 que des titres importants seront révélés. Et quand on constate la frilosité des concepteurs de casques lorsqu'il s'agit d'autoriser la presse à filmer une démonstration présentant les images du jeu, et l'utilisation simultanée des équipements de réalité virtuelle, on imagine que le chemin sera long avant que le grand public finisse par percevoir le réel intérêt de la VR : il faut l'admettre, on a l'air un peu bête équipé de tout cet attirail, et on comprend aisément que ça ne donne pas spécialement envie de prime abord.

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