SMS fixes : Bouygues et SFR refusent l’interopérabilité

30 mai 2003 à 00h00
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Paris, le 29 Mai 2003.

France Télécom vient d'annoncer le lancement d'un nouveau service qui, au premier regard, peut apparaître surprenant : les SMS fixes. Ils permettent d'envoyer et de recevoir des SMS depuis un poste fixe vers un autre poste fixe ou vers un téléphone mobile. C'est une novation majeure qui répond aux attentes d'une clientèle de plus en plus importante.

Les SMS très prisés, notamment par la clientèle des jeunes consommateurs, ont en effet connu en quelques mois seulement, un développement stupéfiant : 6 milliards de « short messages » ont ainsi été échangés l'an dernier, soit trois fois plus que de lettres échangées en France entre particuliers.

Les SMS fixes s'inscrivent dans une nouvelle liberté : l'émission de datas à partir d'un pote fixe. Mais cette nouvelle technique de communication bute sur l'absence d'interopérabilité. En d'autres termes, la possibilité d'appeler d'un opérateur à l'autre.

Un marché déjà en retard

Bien que fonctionnant très tôt dans l'histoire du GSM, les SMS n'ont connu en France un développement important qu'à partir d'octobre 1999, date à laquelle les trois opérateurs mobiles ont accepté l'interopérabilité. Auparavant, en effet, un abonné ne pouvait envoyer des SMS qu'à d'autres abonnés du même opérateur.

C'est ce refus, absurde, qui a retardé l'émergence du marché SMS. Ainsi la France connaît un retard important par rapport aux autres pays européens : en France un utilisateur envoie 16 messages par mois alors que la moyenne européenne s'élève à 50.

France Télécom innovant avec le lancement des SMS fixes répond aux attentes du marché mais voit également l'occasion de soutenir l'activité de la téléphonie fixe, largement rentrée en phase de maturité. Les expériences en Allemagne et en Italie démontrent que le lancement de ces services augmente le marché des SMS avec une captation importante de l'augmentation de la valeur du marché par l'opérateur fixe. Une grande majorité des SMS fixes sont envoyés par des adolescents qui profitent du fait que cela soit leurs parents qui payent la ligne fixe économisant sur leur forfait. C'est le principe de l'utilisateur non payeur.

Mais l'essor des SMS fixes bute sur deux obstacles : te premier est technique : tous les postes téléphoniques ne permettent pas l'émission et la réception de SMS. Dans le cas où l'appareil ne possède pas d'écran permettant la lecture de messages écrits, les « SMS parlés »font intervenir la voix suave d'une machine robot qui lit le message reçu.

Des consommateurs insatisfaits

Le second obstacle constitue un handicap majeur : SFR et Bouygues Telecom refusent l'interopérabilité ! Seuls les abonnées à Orange sont susceptibles d'envoyer et de recevoir des SMS vers un poste fixe.

Difficulté supplémentaire : comment savoir si votre destinataire est ou non abonné à Orange ? Car si les préfixes étaient encore une indication, à partir du mois de juin la portabilité des numéros brouillera définitivement les pistes. On imagine aisément que dans l'hypothèse où un SMS sur 2 envoyé ne parvient pas à son destinataire, ce service aura un succès extrêmement limité.

La décision de SFR et de BT procède-t-elle d'une volonté stratégique ou la conséquence d'une erreur d'appréciation ? Dans tous les cas de figure, on doit constater le faible cas que font les deux opérateurs de leurs propres abonnés et des consommateurs en général. Certes, on comprend bien que ces deux entreprises ne souhaitent pas doper les communications de leur principal rival. Rendre interopérable les SMS fixes, c'est favoriser le rajeunissement d'image des lignes fixes. SFR et BT ne seraient pas non plus mécontents de « ringardiser la téléphonie fixe », domaine où ils sont absents. Mais l'exercice de la concurrence sauvage a des limites : il ne peut s'exercer qu'au préjudice de l'utilisateur final.

Plus généralement, l'ART doit rappeler à ces deux opérateurs qu'il n'agissent qu'en gestionnaires d'une ressource rare qui ne leur appartient pas, à savoir les fréquences hertziennes nécessaires au GSM.

Il apparaît donc, alors qu'il est de l'intérêt du consommateur, du marché, et donc des acteurs de la chaîne de valeur concerné par le SMS (éditeurs, prestataires), que deux des principaux opérateurs en décident froidement de torpiller une initiative favorable à l'économie d'un secteur déjà mis à mal par le dégonflement de la bulle Internet.

De plus, l'absence de couverture GSM concerne 10% du territoire par la téléphonie mobile. Le SMS fixe était une solution alternative originale. Une fois de plus les zones rurales sont les victimes de cet abus de position. La fracture numérique n'est pas prête de se réduire. Ces deux opérateurs s'abriteront certainement sur les lacunes actuelles de la réglementation.

Une nouvelle loi sur les télécommunications

La loi sur les Télécom de 1996 ne concernait que très peu le marché du mobile, dont la pénétration ne dépassait pas 5% des français au moment de l'élaboration du texte de loi, ni celui de l'Internet, inexistant an France à cette époque.

Le marché de la téléphonie mobile est donc régi par les obligations stipulées dans le cahier des charges au titre de l'attribution des fréquences. De nombreuses lacunes apparaissant, rêglementation de la téléphonie mobile s'est construite au fil des lignes directrices émises par l'ART. Ainsi l'ART a introduit le concept d'opérateur puissant pour Orange et SFR. BT au nom de sa faible part de marché en est exonéré.

Les SMS ne sont d'ailleurs pas mentionnées dans le cahier des charges des licences GSM attribuées en 1991 et 1993. De ce fait, aucune obligation ne pèse donc sur les opérateurs mobiles quant aux SMS.

L'attitude de SFR et de BT cependant reste inacceptable pour l'organisation et le développement du marché de la transmission de datas en mobilité. Rappelons une nouvelle fois que l'attribution des ressources rares moyennant finances donne des droits mais impose aussi des devoirs.
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L'AFIM demande donc à l'Autorité de régulation, l'ART, d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur l'importance de l'intérêt général et le maintien du concept de service universel auquel les opérateurs de téléphonie mobile doivent être soumis dans la prochaine loi sur les Télécommunications que le gouvernement doit établir avant fin juillet 2003 dans le cadre de la nouvelle Directive européenne du 22 septembre 2002.

Sébastien Crozier ([email protected])

L'Association Française de l'Internet Mobile a été fondée en mars 2000. Regroupant des opérateurs, des fournisseurs de services, des constructeurs, l'AFIM s'est voulue être un lieu de réflexion et de propositions visant à organiser ce nouveau marché constitué par le croisement de l'Internet et de la mobilité. Cette association s'est donc tout naturellement aux potentialités mais également aux contraintes pesant sur le WAP et le GPRS. L' AFIM a proposé en avril 2000 un premier dossier portant sur les enjeux concurrentiels du WAP et du GPRS, soulignant entre autres les aspects anticoncurrentiels et contre-productifs du wap lockage. La même année, l'Association Française de l'Internet mobile s'est élevé avec force contre le coût jugé beaucoup trop élevés des licences UMTS qui ne pouvait que fragiliser le lancement de la 3G en endettant lourdement les principaux opérateurs. En 2002, l'AFIM a demandé l'ouverture d'une concertation entre les opérateurs, les pouvoirs publics et les éditeurs sur le dossier délicat des SMS et en particulier des SMS+. En 2003, elle propose dix pistes pour le développement du WiFi.
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