Live Japon: Toshiba et ses comptables trop obéissants

13 septembre 2015 à 16h45
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C'était couru d'avance: le 21 juillet, le patron et la moitié du conseil d'adminstration de Toshiba ont démissionné. On vous l'avait dit, cela ne pouvait pas être autrement, les médias se seraient chargés de les faire partir si les faits avérés ne les avaient pas chassés. Qu'elle qu'ait été l'issue de l'enquête lancée, la machine à broyer était en marche. La raison ? Sept années de petites magouilles financières, gonfler les profits, degonfler les pertes, avec des jeux d'écritures. Les responsables ? Les comptables trop obéissants. Les vrais coupables ? Les chefs. Le montant ? Près de 2 milliards d'euros.


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La crise avait débuté en avril par un communiqué de Toshiba annonçant un audit interne sur ses comptes. Le groupe avait été mis en garde contre de possibles inexactitudes par les autorités financières, à la suite d'une dénonciation interne. Les inspecteurs ont demandé au groupe de passer au peigne fin ses méthodes de calcul.
Après une première évaluation des éventuels manquements concernant des dépréciations et provisions sur les années antérieures, le conglomérat tentaculaire, qui fabrique aussi bien des puces électroniques que des machines à laver, TV, ordinateurs, ascenseurs, robots ou réacteurs nucléaires, avait enjoint à ses quelque 590 filiales d'éplucher leurs états financiers et procédures.
Dans le même temps, un comité indépendant avait été désigné pour examiner à la loupe les comptes antérieurs. Et c'est là que les experts ont découvert le pot aux roses: 150 milliards de yens de pertes non comptabilisées sur un six exercices entre avril 2008 et mars 2014, un montant qui a même été relevé par la suite.


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Exit le président, Hisao Tanaka, nommément désigné parmi les responsables de ces maquillages, de même que deux de ses prédécesseurs, Norio Sasaki, vice-président du conseil d'administration, et Atsutoshi Nishida, conseiller spécial, qui ont aussi décidé de quitter leurs fonctions pour les mêmes raisons. Idem pour cinq autres membres du conseil d'administration.
"Nous présentons toutes nos excuses aux actionnaires et investisseurs pour les irrégularités comptables révélées dans un rapport d'un comité d'experts indépendants ainsi que pour la non-présentation des comptes de l'année 2014/2015", a écrit Toshiba le jour-même.
"du plus profond de son coeur, je demande pardon", a ajouté M. Tanaka lors d'une conférence de presse. "C'est le plus grand tort causé à notre marque en 140 ans d'histoire", a-t-il déploré au cours d'une de ces innombrables "shazai kaiken" (conférence d'excuses) dont sont coutumiers les Japonais.


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"Nous avons mis au jour le fait que des irrégularités comptables ont été commises continuellement" et "cela a été fait sur des décisions de la direction", lit-on dans le rapport du comité ad hoc.  M. Tanaka est personnellement accusé d'avoir demandé de différer des pertes, de même que son prédécesseur Norio Sasaki, 66 ans. Atsutoshi Nishida, qui était patron avant eux, est lui aussi considéré comme coupable des mêmes pratiques de pression sur des collaborateurs pour leur faire dissimuler de mauvais chiffres.
"La culture d'entreprise de Toshiba est telle qu'il n'est pas bon d'aller contre les souhaits de la direction", a écrit le comité d'experts chargés de faire la lumière sur ces erreurs intentionnelles, révélant ainsi les limites de la discipline aveugle où les subordonnés suivent sans rien dire les demandes de leurs supérieurs, même à contre-coeur. C'est fréquent au Japon et il ne serait pas étonnant que l'on trouve des petits arrangements dans les comptes d'autres mastodontes.
"C'est un très gros problème que le contrôle interne ait été anéanti du fait de l'implication de la direction" dans les malversations, a souligné cette semaine le nouveau patron, Masashi Muromachi, promettant du même coup une réforme des structures et procédures internes.

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Il s'exprimait à l'occasion de la publication des comptes de l'an passé que Toshiba a fini par annoncer lundi 7 septembre, date butoir, affichant une perte nette de 37,8 milliards de yens (280 millions d'euros).
"Nous présentons de nouveau toutes nos profondes excuses aux actionnaires et investisseurs pour les inquiétudes et les ennuis que nous leur avons causés", a déclaré le PDG de l'entreprise.
Compte tenu des malversations découvertes, une enquête du gendarme des opérations sur les marchés devrait être ouverte (enfin).
La Bourse de Tokyo devrait adresser à Toshiba une "mise en garde spéciale", ce qui signifie qu'elle considère que les falsifications constatées ne justifient pas une radiation, mais une amélioration des procédures internes s'impose. D'aucuns diront et on ne pourra pas keur donner tort qu'il y a deux poids deux mesures: l'ex-patron du portail internet Livedoor avait purgé quelque deux années de prison pour des faits similaires !
Une assemblée générale extraordinaire des actionnaires est prévue le 30 septembre.

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Toshiba a décidé entre-temps de nommer une majorité d'administrateurs extérieurs à son conseil d'administration, considérés comme les garants de bonne gouvernance, passe à sept contre quatre dans la précédente configuration, et la présidence du conseil est confiée à l'un d'entre eux.
Le patron du groupe s'est dit décidé à engager de nouvelles "mesures audacieuses de restructuration sans restrictions prédéfinies" afin de redresser les divisions qui vont mal.
Toshiba n'a pas donné de prévisions pour l'année en cours qui sera terminée le 31 mars 2016. "Nous les communiquerons au plus vite dès que la situation le rendra possible", a fait savoir le conglomérat dans un communiqué.
Les résultats du premier trimestre l'année comptable en cours devraient être annoncés lundi 14 septembre.
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