Live Japon: quand les politiciens vont sur le terrain des otaku, ça dérape

13 décembre 2014 à 04h40
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Au Japon, faire une campagne politique en ligne est une chose relativement nouvelle: la loi ne l'autorise que depuis moins de deux ans. Du coup, les politiciens n'y sont pas habitués et multiplient les bourdes, d'autant qu'ils s'aventurent aussi physiquement dans des lieux où les dérapages sont d'autant plus inévitables que des petits malins s'ingénient à leur mettre des bâtons dans les roues.

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Les Japonais voteront dimanche pour élire leurs 475 députés, dans le cadre d'un scrutin législatif anticipé décidé par le Premier ministre Shinzo Abe pour convenance personnelle: en convoquant maintenant les électeurs aux urnes, l'opposition n'a aucune chance de gagner tant elle est en lambeaux. Lui, en revanche a calculé qu'en remportant une nouvelle fois la majorité absolue (voire les deux tiers) de la chambre basse (ce qui est pour ainsi dire certain) il prolongerait de quatre ans le pouvoir de son Parti Libéral-Démocrate (PLD), s'offrant ainsi la possibilité d'arriver à ses fins (réformer la constitution pacifiste, entre autres).

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La campagne qui s'est officiellement ouverte depuis deux semaines mais qui dans les faits avait déjà débuté depuis l'annonce le 18 novembre de la dissolution de la chambre des députés, a déjà été émaillée de plusieurs incidents en ligne cocasses ou révélateurs.

Exemple: un petit malin s'est amusé à créer un blog très critique à l'égard du Premier ministre Abe en se faisant passer pour un élève d'école primaire. Le blog en question, où le soi-disant gamin demandait au chef du gouvernement pourquoi il avait dissous la chambre basse et lui posait d'autres questions faussement naïves en le ridiculisant un tantinet a suscité un intérêt énorme en un rien de temps. Les meneurs de l'opposition se sont empressés d'en faire la publicité, sans évidemment vérifier si le site était effectivement celui d'un écolier. Tout cela avant qu'on ne comprenne que se cachait derrière un petit génie du Net certes jeune (20 ans), mais ayant quand même deux fois l'âge de l'élève de primaire qu'il prétendait être. L'auteur en question était un certain Yamato Aoki, aussi connu sous le nom d'emprunt Tehu et que Live Japon vous avait déjà présenté. C'est lui en personne qui s'est dénoncé en voyant le ramdam qui commençait d'être fait autour de son faux blog par des personnalités politiques de premier plan.

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En apprenant cela, le sang du Premier ministre n'a fait q'un tour et il a fini lui-même par s'en prendre à l'affabulateur, le jugeant "minable", via une réaction sur sa page Facebook. Mal lui en a pris: il a fit référence alors à un article paru en ligne sur ce sujet, mais le site en question est un repaire de spécialistes des "discours de haine", des diatribes xenophobes à l'encontre des Chinois et des Sud-Coréens. Voilà qui la fichait mal et a été effacé, mais cette bévue a légitimement suscité de nombreuses questions: est-ce M. Abe en personne qui écrit sur sa page Facebook ou sont-ce des conseillers ?

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Dans le premier cas, la référence à l'article était une sacrée ânerie qui renforce les soupçons de liens entretenus entre M. Abe et des organisations malfamées. Dans le second cas, cela pose le problème du contrôle du contenu des espaces en ligne censés être alimentés par le Premier ministre mais qui, pour de compréhensibles raisons logistiques et de temps, le sont en réalité par des subordonnés. Quelle que soit la réponse, le minimum est que les citoyens sachent ce à quoi ils ont affaire. En dénonçant le fait qu'un jeune se soit fait passer pour un écolier pour se répandre sur un blog alors que lui-même n'est peut-être pas l'auteur des propos sur internt censés être les siens, M. Abe était pour le moins mal avisé de s'énerver.

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Par ailleurs, la gestion de sa page Facebook et de son compte Twitter est souvent vertement critiquée en ligne par des internautes qui affirment que sont bloqués les émetteurs de commentaires très négatifs à l'égard de la politique du Premier ministre, tandis que sont laissés tous les messages de discrimination sans ambiguité à l'égard des Chinois et des Sud-Coréens.
M. Abe, qui a malgré tout une cote de popularité assez élevée faute de rivaux crédibles, apparaît toujours à la frontière entre la provocation délibérée ou la gaffe, par exemple lorsqu'il se risque dans des lieux tels que les manifestations festives organisées par le site Nico Nico, espace libre de discussion et de vidéos largement fréquenté par les otaku (équivalent des geeks) et internautes de la première heure.

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Il y a quelque temps, on a ainsi vu le Premier ministre parader percher sur une camionnette de promotion de son parti lors d'une de ces fêtes, véhicule qui avait accueilli plus tôt un gars déguisé en général Tojo (criminel de guerre condamné à mort par les Alliés à l'issue de la Deuxième guerre mondiale). On l'a vu aussi assis pour la photo dans un avion portant le numéro 731 (un triplet de triste mémoire puisqu'il rappelle à tous l'unité 731 de l'armée impériale japonaise qui, pendant la guerre, a pratiqué des expériences médicales et bactériologiques sur des prisonniers). Cela a immédiatement sauté aux yeux de tout le monde, et il est donc difficile de penser que M. Abe en personne et ses conseillers ne l'aient pas eux aussi remarqué.

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Ce samedi soir, M. Abe devait aller "vendre" sa politique aux jeunes d'Akihabara, quartier des férus de technologies informatiques, jeux vidéo, mangas et dessins animés. Il devait être accompagné de son ministre des Finances, Taro Aso, ex-Premier ministre habitué des lieux où il fait régulièrement campagne. M. Aso, un septuagénaire qui n'a pas sa langue dans sa poche, est connu comme étant un très grand amateur de manga. Il profite allègrement de cette connaissance pour recruter un électorat généralement peu politisé et délaissé par le reste de la classe politique. Là encore, attention aux dérapages verbaux.
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