Live Japon : Akihabara (re)mue encore

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A Tokyo, le spectacle est dans la rue. Shibuya, Shinjuku, chaque lieu-dit a ses figures-vedettes, qui vous garantissent un carnaval permanent mais changeant, tout comme Akihabara (Akiba), où des peuplades de passage croisent des piliers du quartier, personnages dont le manga de Taku Nishimura (alias Jean-Paul Nishi) nous livre un aperçu et une impression, celle ressentie par un trentenaire japonais attentif aux mues de sa propre société.

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Le temps s'accélère, celui des innovations, celui des destructions, celui des métamorphoses. L'évolution du quartier des hautes-technologies de Tokyo, Akihabara, surnommé "la ville électrique", en est une illustration, qui vient encore de voir une page se tourner avec la fermeture pour travaux d'un des symboles ancestraux des lieux.

Le Radio Kaikan, bâtiment à sept niveaux qui hébergeait depuis plus d'un demi-siècle des échoppes de produits électroniques, de composants, de matériels divers et, plus récemment, de gadgets pour monomaniaques, a baissé le rideau le 14 août, trop vieux.

Un nouvel immeuble, plus haut et surtout doté de protections parasismiques, le remplacera d'ici un peu plus de trois ans, mais pour les anciens d'Akihabra, c'est un pan mythique qui disparaît. Il y a une quinzaine d'années, l'un des anciens marchands des lieux, oeuvrant alors dans une boutique de produits Sony, d'une bonne humeur permanente, ne tarissait pas d'éloges sur la marque emblématique pour la génération nippone de l'immédiate après-guerre. Qu'on lui achète un appareil photo numérique dernier cri, un enregistreur audio, un baladeur ou tout autre engin du fleuron nippon de l'électronique et il était le plus heureux des vendeurs, accordant remises sur remises. Impossible de ne pas lui rendre une petite visite de courtoisie lors d'une virée pour reportage dans les environs, qui se soldait toujours par un achat.

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"Tu as bien résisté aux séismes, merci", "Le Radio Kaikan, c'était notre QG", "Qui dit Akiba, dit Radio Kaikan, qui dit Radio Kaikan dit Akiba", "merci pour les nombreux rêves que tu nous a offerts", "c'est bien triste", "à la revoyure", etc. Sur le "sayonara wall" (le "mur des au-revoir") des centaines de fans des lieux ont laissé des messages exposés, ainsi que des photos historiques, les 12, 13 et 14 août derniers.

Yamamoto, Kotobuki, Tomoca, Hobby Station, chaque enseigne du Radio Kaikan avait ses fidèles et les petites attentions pour qu'ils le restent. Ces points de vente sont relogés à côté mais les chalands nostalgiques des labyrinthes d'antan sont légions.

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La fermeture de l'ancien Radio Kaikan n'est pas le seul changement récent perceptible à Akihabara. Le passant qui arrive par le côté Est remarque des noms de magasins qui surprennent ici, comme Uniqlo (vêtements basiques) ou Tokyu Hands (articles de loisirs, arts graphiques, accessoires de maison, produits de soins et bricolage).

Repaire des mordus de technologies puis des Otaku fondus de jeux vidéo, animations et produits dérivés de ces productions de plus ou moins bon goût, Akihabara se mue de plus en plus en quartier pour touristes prêts à se goinfrer de gadgets. Du coup, les populaires enseignes affluent, qu'elles aient ou non un rapport avec les domaines qui ont fait la renommée internationale d'Akihabara. De plus en plus de boutiques sont tenues par des Chinois (dont la grande chaîne Laox) qui causent la langue des nouveaux visiteurs venus de Pékin ou Shanghai pour acheter sur place du "made in Japan".

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Berceau de la "culture Otaku", Akihabara accueille aussi des magasins spécialisés dans le déguisement "lolita" ou "idole" à la façon des starlettes d'AKB48 ou de l'étoile virtuelle Hatsune Miku, vedette du programme Vocaloïd de Yamaha et dont l'hologramme emplit les sales de concert.

D'aucuns préféreront peut-être une silhouette plus virile, telle celle, charpentée, de Gundam, qui a désormais son café à Akihabara, un espace tentant pour la gent masculine nippone de 12 à 40 ans, où les plats reproduisent tant bien que mal l'image des robots de cette interminable et indémodable série.

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Des architectes, ailleurs, font des prouesses, transformant des magasins répartis sur plusieurs étages riquiqui en temples gigantesques vus de l'extérieur. Exemple: une boutique tape-à-l'oeil de gadgets sexuels et produits de fantasme, à deux pas de la célèbre gare, elle-même entièrement reconfigurée. A l'instar de la station JR du quartier des affaires de Shinagawa ou du paisible Ebisu, le confluent ferroviaire d'Akihabara abrite désormais un luxueux centre commercial et se pare de grands écrans où sont déversées à longueur de journée des publicités censées titiller les consommateurs un peu particuliers des lieux, les connaisseurs de "maid-cafés" (aux serveuses volontairement soumises) ou familiers des entrailles souterraines où il n'est pas nécessairement conseillé de s'aventurer.

Toutefois, bien qu'ait été rétabli il y a peu le "paradis du piéton" le dimanche dans les artères du quartier (une vieille tradition suspendue par sécurité après la tuerie du 8 juin 2008), depuis quelques mois, la nuit venue, le quartier électrique d'Akihabara, n'est plus que l'ombre de lui-même: néons éteints à cause des restrictions de consommation de courant depuis l'accident à la centrale nucléaire de Fukushima, catastrophe consécutive au violent séisme et au tsunami dévastateur du 11 mars dernier, il y a tout juste six mois. Alors, ce week-end, plutôt que de déambuler à Akihabara, direction le nord-est sinistré, Soma, Sendai, Minami Sanriku, Fukushima (à suivre via Twitter @karyn_poupee)
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