NEO·Classics | Starfox : la petite révolution de la Super Nintendo !

Virgile Rasera
Spécialiste Gaming
20 avril 2020 à 15h51
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Starfox

En 1993 Nintendo surprend les joueurs du monde entier avec un jeu avant-gardiste qui marquera aussi bien son époque que l'histoire vidéoludique : Starfox.

Aux antipodes de la bataille des téraflops, de la 4K et des 60 fps, NEO·Classics vous propose un retour vers les origines du jeu vidéo. Du titre 2D en gros pixels au moins lointain jeu à la 3D hésitante, cette chronique vous invite à (re)découvrir les pépites vidéoludiques qui ont ouvert le monde au 10ème art...


Une petite révolution technique

La Super Nintendo n'est alors commercialisée que depuis deux ans et quelques mois, les titres, toujours plus beaux les uns que les autres, se multiplient, et personne, encore moins la concurrence, ne s'attend à recevoir une telle claque. Starfox n'est certes pas le tout premier jeu en 3D à sortir sur console de salon, mais il est sans nul doute le premier grand titre à exploiter si brillamment cette technologie encore balbutiante.

Sa genèse mérite d'ailleurs bien quelques lignes. En effet, derrière ce titre révolutionnaire, il y a d'abord Argonaut Software, un petit studio anglais fondé au début des années 1980 et comptant dans ses rangs Dylan Cuthbert, qui à tout juste 17 ans fait partie des employés les plus inventifs de l'équipe et pond un prototype de jeu en 3D sur... Gameboy. Impressionné par cette prouesse, le boss du studio présente cette ébauche à Nintendo, et deux semaines plus tard, le patron et son génial employé s'envolent pour Kyoto.

Super FX
Le coprocesseur embarqué dans la cartouche du jeu, conçu par Argonaut Software et baptisé MARIO1 avant d'être renommé Super FX

Nintendo apporte alors à la jeune société anglaise un financement confortable et la met au travail sur un projet dédié à sa nouvelle console, la Super Nintendo. Première tâche au programme : concevoir un coprocesseur embarqué sur cartouche pour épauler la console dans ses calculs. L'équipe s'exécute et développe le fameux Super FX, dont peu de jeux exploiteront malheureusement les capacités compte tenu du coût supplémentaire inhérent à cette technologie.

Mais Cuthbert et les autres programmeurs d'Argonaut sont avant tout des techniciens, et le projet de jeu qu'ils soumettent à Nintendo ne convainc pas un certain Shigeru Miyamoto. Celui-ci aura alors à cœur de proposer un titre qui ne soit pas simplement une vitrine technique mais un jeu captivant, s'appuyant sur des mécaniques simples mais efficaces et jouissant d'une progression savamment orchestrée.

« Si la licence est connue au Japon et aux Etats-Unis sous son nom de baptême, à savoir Starfox, il en va autrement en Europe. Le premier volet est en effet sorti sous le nom de Starwing tandis que Starfox 64 a été rebaptisé Lylat Wars. Pourquoi ? Simplement parce qu'à l'époque, Nintendo redoutait des démêlés judiciaires avec une société allemande du nom de StarVox (dont la prononciation est quasi identique à Starfox en allemand) »


L'inspiration vient en marchant

Pour trouver son inspiration, Miyamoto n'aura pas eu à aller chercher très loin. Et ce au sens propre du terme. En effet, le siège de Nintendo à Kyoto se trouve à quelques foulées d'un des plus célèbres temples de l'archipel, le Fushimi Inari-Taisha. Miyamoto a alors l'habitude d'en gravir les nombreux sentiers, surmontés de plus de dix milles arches de bois. C'est là que l'idée lui vient : la divinité Inari, gardienne des récolte et des maisons à laquelle le temps est dédié, emprunte les traits d'un renard. Miyamoto s'en inspire donc pour imaginer le personnage de Fox McCloud, et les innombrables arches sous lesquelles serpente le chemin de randonnée seront le point de départ d'un game design, consistant, pour l'essentiel, au franchissement de ce type d'obstacles.

Fushimi Inari Taisha
Fushimi Inari Taisha

Le sanctuaire Fushimi Inari Taisha, à Kyoto, où Shigeru Miyamoto raconte avoir trouvé l'inspiration pour le jeu


Il s'agira donc d'un shooter futuriste mettant en scène un casting d'animaux anthropomorphes. Un parti pris fort éloigné de tout ce à quoi Nintendo nous avait habitué jusqu'alors. Evidemment cela ne suffit pas à faire un jeu. Tandis qu'aux prémices du développement, l'équipe anglaise d'Argonaut Software imaginait des aires de jeu ouvertes dans lesquelles le joueur peut se déplacement librement, Miyamoto privilégiera une fois encore sa vision, en optant pour une progression linéaire, sur rails, un peu à la manière d'un Space Harrier. Ce choix répond alors à la volonté d'imprimer un rythme soutenu au jeu et, comme nous l'évoquions précédemment, de déployer un level design faisant la part belle aux manœuvres aériennes entre les différents obstacles se dressant face au joueur.

En parlant de manœuvres, une fois ces premières bases du game design posées, qu'en est-il manette en mains ? Nintendo oblige, le gameplay du titre cible l'essentiel et vise juste. Et il le fallait, car aussi impressionnant soit-il pour son temps, Starfox ne jouit pas vraiment de la même clarté et de la même fluidité qu'un titre en 2D. D'autant que les gamins que nous sommes à l'époque n'ont pas encore l'habitude de se mouvoir dans un environnement en 3D. Le choix d'une progression sur rails est donc bienvenue et s'accompagne de manœuvres simples, d'un boost et du fameux barel roll : un mouvement de looping latéral permettant d'esquiver obstacles et attaques ennemies mais aussi de se projeter sur des items ou de se faufiler au dernier moment sous une arche dont l'un des piliers se dresserait devant nous.



Du point de vue offensif, notre chasseur peut compter sur un tir simple, un tir chargé et une bombe pulvérisant tout ce qui se trouve dans un périmètre proche. 3D oblige, une réticule permet de viser précisément, une gageure face aux boss dont il s'agira bien souvent de cibler les point faibles pour en venir à bout.

« Je me souviens encore des mes premières heures de vol sur le jeu. Bien que la progression fut assez linéaire et le pilotage de notre chasseur fort éloigné d'une simulation, j'avais une furieuse tendance à accompagner les mouvements de mon vaisseau en bougeant ma tête et mon corps. Bref, je vivais la chose à fond ! »


Un univers et des personnages hauts en couleurs

L'autre grande force du titre réside dans son univers et ses personnages. Très inspiré par la série de son enfance Thunderbirds, Miyamoto imagine un univers de science-fiction capable de séduire petits et grands. Les personnages communiquent entre eux lors des missions et chacun dispose d'une personnalité propre, donnant lieu à des échanges amusants. En outre Nintendo a l'idée géniale d'orner la jaquette du jeu d'une photo de Fox, Slippy, Falco et Peppy sous les traits de véritables personnages, à la manière des animatroniques peuplant les films de science-fiction des années 80 et 90. On les croirait dès lors tout droit sortis d'un film de George Lucas ou Steven Spielberg, un choix qui les inscrit encore plus dans l'imaginaire des jeunes joueurs.

Starfox
Le visuel de la jaquette du jeu, une idée brillante qui inscrira durablement ces personnages dans l'imaginaire des joueurs


Tout est alors réuni pour faire de Starfox un véritable phénomène. Aussi, lorsque retentissent les premières notes du thème de la planète Corneria, pour la première mission du jeu, la certitude d'avoir affaire à un jeu unique s'empare immanquablement de tous les joueurs. Demandez à n'importe quel trentenaire de vous décrire ses souvenirs du jeu à l'époque, je mettrai ma main à couper que cette première mission et ce thème entêtant ressortiront à chaque fois.

La bande-son du jeu figure d'ailleurs parmi ce qu'il s'est fait de mieux sur Super Nintendo. Là encore, l'éditeur est au sommet de son art et parvient à s'illustrer dans un registre qui reste, à l'époque, une grande première dans l'histoire de la firme de Kyoto.


Le mythique premier niveau et son inoubliable thème musical


La malédiction Starfox 2

Le titre est bien évidemment un grand succès. La preuve, il accompagnera la console en bundle, privilège rare accordé aux jeux les plus vendeurs de son catalogue. Pour autant, sa suite connaîtra un destin beaucoup moins glorieux. Nous sommes alors en 1995, et tandis que son développement n'est pas loin d'être achevé, Shigeru Miyamoto prend la décision d'annuler purement et simplement sa sortie, au grand dam de Dylan Cuthbert et des autres programmeurs de Argonaut Software qui, à en croire les interviews qui suivirent, ont gardé l'affaire bien longtemps en travers de la gorge. La raison d'une telle annulation ? La Nintendo 64 mobilise alors l'essentiel des ressources de la firme et Starfox 64 a d'ores et déjà été annoncé.

Or Miyamoto ne souhaite pas voir ce second volet sortir sur une console en fin de carrière dans le même temps que son successeur attendu sur Nintendo 64. L'image envoyée aux joueurs ne serait pas à la faveur de cette dernière, selon lui. Qui plus est, le créateur star de Nintendo a évidemment en ligne de mire la PlayStation de Sony et la Saturn de SEGA. L'histoire lui donnera tort puisque la Nintendo 64 ne sortira finalement qu'un an et demi plus tard.



Fort heureusement, après avoir fuité et être sorti officieusement sous forme de rom émulée, le jeu finira par connaître une sortie tout à fait officielle avec la Super Nintendo Mini en 2017, soit plus de 20 ans après la date initialement envisagée par Nintendo. Ceci étant, Starfox 64, sorti en 1997 et présenté comme un remake du premier volet, se trouvera enrichi de quelques-unes des meilleures idées de ce second opus avorté. Parmi celles-ci, on peut noter la possibilité de transformer notre chasseur, l'introduction d'un nouvel antagoniste, Starwolf, ou encore des aires de jeu plus ouvertes donnant lieu à des dogfights totalement grisants... Des améliorations qui participèrent sans nul doute au fait que Starfox 64 est encore considéré par beaucoup comme le meilleur opus de la série et sa dernière itération digne de ce nom.

Toutefois l'espoir de revoir Fox McCloud, Falco Lombardi, Peppy Hare et Slippy Toad dans une nouvelle aventure n'est pas prêt de s'éteindre, foi de fan de la première heure !

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