KM et société par Larry GALES consultant en informatique, Seattle

01 mars 2001 à 00h00
0
Larry GALES, consultant en informatique à Seattle présente sa vision de la gestion des connaissances et de la société de l'information.

AB - Monsieur GALES, bonjour. Quel a été votre parcours ?

LG - Bonjour. L'informatique est mon métier. J'ai étudié les mathématiques et l'informatique à l'université de Washington à Seattle et obtenu un PhD. J'ai travaillé ensuite comme programmeur, puis comme assistant de recherche pour the Locke Computer Center de l'université de Washington. Dans ce même Centre j'occupe actuellement les fonctions de consultant en statistiques et informatique. Je suis également très intéressé par les problématiques scientifiques et historiques.

AB - D'après votre propre expérience, qu'en est-il du capital immatériel, intellectuel, aux Etats-Unis, dans l'entreprise en particulier ?

LG - L'importance croissante de la technologie et les leçons de ces 50 dernières années ont convaincu la plupart des entreprises américaines de l'importance du capital intellectuel (IC). Celui-ci

est reconnu comme une part non négligeable de la valeur de l'entreprise sur le marché. Les entreprises investissent dans le capital immatériel : compétences des collaborateurs, management, communication interne et transferts d'informations.

Je connais une grande société informatique, maintenant défunte, dont les divisions ont développé sans le savoir deux lignes d'ordinateurs presque identiques. L'erreur n'a pas été détectée jusqu'à ce que les machines soient pratiquement entrées sur le marché !

Un des exemples les plus frappants d'échec de gestion de l'innovation est celui de Xerox dans les années 1970. L'environnement Windows du point-and-click qui domine aujourd'hui a été développé par des scientifiques de chez Xerox. Ceux-ci avaient une vision de ce que l'informatique pourrait être. Malheureusement, leur direction avait une idée fixe sur ce que devait être un ordinateur, à savoir une machine à calculer scientifique et commerciale. Le dossier a été classé sans suite...

Par le biais de XML, a récemment introduit un changement important dans sa culture d'entreprise qui a modifié son organisation interne et les relations avec ses fournisseurs.



AB - Parlons de la société de l'information. Quelle serait votre définition et qu'en est-il de votre opinion à ce sujet ?

LG - La société de l'information est une entité où matière première et produit fini sont de l'information, plutôt que des marchandises : les flux monétaires par transferts électroniques, l'éducation, le conseil, la recherche et le développement, la gestion des connaissances, cet entretien lui-même. S'agit-il réellement d'une nouvelle révolution ou d'une évolution ? Quelle que soit la réponse à cette question, ces changements ont bousculé la société dans ses fondements.

Certains perçoivent la société de l'information comme une force décentralisatrice et démocratique qui offre une quantité infinie d'informations en quelques clics, encourageant ainsi le développement d'un apprentissage continu. D'autres, à l'inverse, voient la société de l'information comme un moyen de transférer plus de richesse et de pouvoir à quelques privilégiés. Par ailleurs, pour de nombreux salariés et indépendants, la société de l'information est synonyme de flexibilité, changement, mises à niveau fréquentes, mais aussi de renouvellement des compétences pas toujours bien vécus.

Aujourd'hui, l'intégration verticale a perdu du terrain. De plus en plus d'interactions BtoB se tissent. Les distances sont réduites et les multinationales dominent une majeure partie de l'économie mondiale.

L'influence concrète de cette société sur l'environnement est inconnue. Les serveurs et les infrastructures utilisent beaucoup d'énergie. Cependant, les technologies de l'information peuvent également réduire le gaspillage par une gestion de la combustion des machines, la gestion du trafic routier, et la surveillance de l'environnement.

Mon scénario préféré ? L'utilisation répandue de l'ordinateur portable. Ceci suppose des avancées microélectroniques importantes : identification de la parole et du geste, intégration des téléphones mobiles, du GPS, et de la technologie TV sur l'écran de nos ordinateurs, écouteurs confortables et caméra intégrée, sans oublier les haut-parleurs. J'ajouterai qu'un affichage rétinien de haute résolution serait bienvenu. Un module léger utilisant peu d'énergie (peut-être celle fournie par notre propre corps) pourrait nous apporter tous nos besoins en information...

Les progrès technologiques sont très rapides, je ne doute pas que de tels ordinateurs arrivent sur le marché vers la fin de cette décennie.

AB - La téléformation (e-learning) connaît un grand succès aux Etats-Unis. En Europe le mouvement est amorcé. Des accords entre sociétés privées et universités voient le jour. Pouvez-vous nous parler de votre expérience ?

LG - A l'université de l'état de Washington, la téléformation est le segment le plus important de notre département d'études à distance. L'université propose 10 programmes en ligne, 20 certificats et plus de 300 cours, qui touchent 10 000 étudiants. Par comparaison, 35 000 étudiants sont inscrits en cours traditionnels.

10% à 15% des universités américaines n'offrent pas d'instruction en ligne significative. Cependant, la téléformation reste un segment de l'éducation dynamique dans les entreprises comme dans les écoles et universités. De nombreuses études réalisées aux Etats-Unis montrent que la formation en ligne est aussi efficace que l'étude dans une salle de classe.

Ces programmes en ligne aboutissent à des partenariats avec d'autres établissements et entreprises dans le monde entier. Ce mouvement ne peut que s'amplifier. Je cite quelques phrases du département études à distance de mon université :

L'université de Washington à Seattle a intégré l'association des Universités du Pacific , le World Wide University Network et la fondation Sloan. Chacune de ces trois entités souhaite rapprocher les universités au niveau national et international afin de favoriser la qualité des études à distance.

Un des inconvénients de la formation en ligne semble être le manque d'interaction directe entre professeurs et étudiants. L'obstacle majeur reste technique cependant. Le streaming multimédia est un des moyens les plus efficaces de formation, mais pratiquement inutile à la vitesse d'un modem classique. Le haut débit est la solution, mais à l'heure actuelle, aux Etats-Unis, la plupart des individus ne disposent pas de cette technologie.

Les avantages de la formation en ligne sont nombreux : flexibilité des horaires, de lieu, de coût, conférences répétées en vidéo. L'analyse est souvent plus détaillée, l'audience plus importante et souvent plus studieuse devant son écran.

Bien que j'aie vu des programmes où la navigation était difficile, pénible, le texte brouillé, la vitesse mal contrôlée, ma propre expérience du e-learning a été globalement positive. J'ai pris des cours de VRML, XML, et design. J'ai trouvé que l'interaction avec les autres étudiants et les auteurs des cours était très instructive, de même que les projets créés.

AB - Quid de la fracture numérique Outre-Atlantique ?

LG - La fracture numérique (digital divide) aux Etats-Unis est une réalité comme dans tous les pays entrés dans l'ère des nouvelles technologies de l'information. La fracture existe entre nations, entre individus, groupes ethniques, générations, femmes et hommes.

Dans une certaine mesure cette fracture ne devrait pas être un signe alarmant. Des pionniers, qui en ont les moyens, accèdent aux techniques avant qu'un plus grand nombre d'individus ne les utilisent. Comme cela a été le cas pour l'électricité, la radio, le téléphone et la télévision.

Aux Etats-Unis, les familles des catégories sociales élevées ont 2 ou 3 fois plus de «chance» d'accéder à Internet que les familles les plus pauvres. Mais le fossé se comble avec la baisse significative des prix de l'électronique grand public.

Vous le savez, aux Etats-Unis aujourd'hui pratiquement autant de femmes que d'hommes utilisent Internet alors que la fracture numérique entre générations est toujours très importante. Un chroniqueur remarquait dans un magazine informatique les difficultés rencontrées lorsqu'il a présenté le fonctionnement d'un PC à sa grand-mère. Dans mon expérience, une majeure partie de cette difficulté se trouve dans la souris qui n'est ni vraiment pratique ni vraiment confortable pour se diriger et pratiquement inutile pour dessiner ou écrire. Je trouve étrange que le stylet, bien plus adapté que la souris, ne soit livré qu'avec certains ordinateurs bas de gamme et sur les assistants numériques personnels.

La fracture entre nations est très différente. Dans une nation industrielle les infrastructures dans leur ensemble (routes, équipement, communications) sont présentes partout ou presque, et même les moins privilégiés à l'intérieur de ces nations ont accès à l'information. Dans les pays les moins avancés en terme de développement et d'industrialisation, où le revenu par habitant ne dépasse pas 1 dollar par jour, une telle infrastructure est inexistante, et les gens luttent pour leur survie. Je crains que cette fracture numérique entre nations riches et pauvres n'augmente.

Larry GALES je vous remercie.

Entretien et traduction réalisés par Ariane BEKY.
Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ? Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
google-news

A découvrir en vidéo

Haut de page